Du déni de progrès comme stratégie

Par Marie-Claire Nnana

Les distilleurs de sinistrose et les adeptes du « Cameroonbashing » auront un peu de mal à ignorer les très bonnes nouvelles de la semaine écoulée, ou à les tourner de manière crédible en catastrophes. Jugez-en par vous-mêmes : le 27 juillet dernier, le président de la République a signé les textes officiels nécessaires pour la mise en route du Programme « e-National Higher Education », qui prévoit la distribution gratuite d’un ordinateur à chaque étudiant camerounais, soit 500.000 laptops au total.

Un jour auparavant, c’est le Premier ministre, chef du gouvernement qui se voyait présenter par le ministre des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat, la distinction décernée au Cameroun comme meilleur système mondial d’inscription en ligne pour les affaires, suite à une étude globale menée par le Département d’Etat américain, et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Enfin, c’est le dernier conseil de cabinet présidé par le chef du gouvernement le 28 juillet dernier qui a mis en exergue la nouvelle offensive gouvernementale en matière d’industrialisation. Dorénavant, plus de contrats avec les groupes internationaux sans la clause explicite de l’obligation de transfert de technologies.

Cette avancée remarquable dans la stratégie d’industrialisation nationale a été présentée à l’ensemble du gouvernement, alors que le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation déroulait devant le conseil de cabinet les acquis plus qu’honorables du Cameroun dans le domaine de la recherche. Ainsi, en dehors des innovations à titre individuel telles que le cardiopad d’Arthur Zang, le Egusi Cracking Machine (Machine à décortiquer les pistaches) ou la production de charbon écologique à partir des déchets organiques, l’opinion publique a été informée des prouesses des instituts nationaux de recherche tels que l’Institut des recherches écologiques et minières (IRGM). On peut aussi citer les découvertes de l’Institut national de Cartographie (INC), toutes aussi bluffantes les unes que les autres. Sans oublier celles de l’Institut de Recherche agricole pour le Développement (IRAD), titulaire d’une vingtaine de brevets et lauréate de quatre médailles d’or de l’innovation au dernier Salon international des Inventions de Genève.

Ces décisions stratégiques, ou ces résultats probants de la politique gouvernementale dans des domaines ciblés par le chef de l’Etat comme prioritaires et catalyseurs de progrès parlent d’eux-mêmes. C’est le signe que le pays est au travail, en marche vers son destin, uni et solidaire autour du chef qu’il s’est choisi. Bien plus, ces constats de la performance camerounaise au niveau international doivent nous procurer une légitime fierté et une sereine espérance, face à l’avenir. D’où vient-il alors que dans les médias et dans les réseaux sociaux, certaines de ces décisions, en particulier le Programme un étudiant/un ordinateur, soient présentées comme une « aberration sur le plan économique », quand ce n’est pas « une vaste escroquerie politique et sociale » ?

En réalité, même si la man uvre est éculée, il est difficile de s’habituer au choix que font certains de nos compatriotes, de dénigrer systématiquement toute initiative du gouvernement ou de l’Etat, à travers l’exagération pernicieuse des difficultés de parcours et la minorisation des victoires et des avancées dans la construction nationale. Le but de ce procédé à visée grossièrement destructrice, c’est sans aucun doute de provoquer le découragement à l’intérieur et la défiance à l’extérieur, notamment de la part des investisseurs. Et l’on se demande encore pourquoi le Cameroun a un tel déficit d’image ! Eh bien, la clé est là : certains de ses fils s’évertuent à projeter dans l’opinion l’image d’un pays immobile, désemparé, sans perspectives, au bord de la crise de nerfs. Même lorsque les faits et la réalité démentent de manière évidente et péremptoire un tel jugement.

Alors pourquoi ?

Certainement par pure malveillance, et par calcul politicien. On peut, à condition d’être d’humeur bienveillante, considérer que la critique, telle qu’illustrée dans ces man uvres, est utile. Thomas Jefferson, homme politique américain, auteur de la Déclaration d’indépendance des Etats Unis avait écrit cette belle assertion : « Un peu de rébellion de temps à autre est une bonne chose, tout aussi nécessaire dans le monde politique que les tempêtes dans l’univers physique. »

Mais avons-nous affaire ici à de la critique constructive ? Non, en vérité. Nous sommes face à un déni de réalité, une berlue consciente et assumée. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, n’est-ce pas ? Et pourtant, il paraît plus qu’évident que ce don d’ordinateurs aux étudiants décidé par le chef de l’Etat est une véritable aubaine. Pour les nombreux jeunes qui n’en n’auraient jamais eu les moyens. Et surtout pour ceux qui se donneront la peine de prendre leur propre part dans l’effort financier ainsi concédé par la plus haute autorité de l’Etat. En s’assurant une bonne connection internet (Wifi), en se mettant à l’école des nombreux jeunes de par le monde pour qui cet important outil a constitué un sésame pour la réussite. C’est aussi la preuve que le président de la République, en père et en éducateur, n’entend pas inscrire son geste dans un esprit d’assistanat intégral, mais dans le sillage d’un coup de pouce décisif à une jeunesse estudiantine qui lui en avait fait la demande, selon une révélation du ministre de l’Enseignement supérieur.

Ce faisant, Paul Biya reste fidèle à sa vision du développement du Cameroun. Car le développement de l’économie numérique reste bien l’un des piliers de sa politique, de même que l’investissement tous azimuts et le pari sur les jeunes à qui il lèguera le pays en héritage. Après avoir multiplié les structures éducatives à travers le pays, amélioré la condition des enseignants, modernisé et professionnalisé le système, y a-t-il une contradiction à ce que les jeunes étudiants reçoivent aujourd’hui un ordinateur ? Bien évidemment non.

Quant à ceux qui prétendent que les jeunes auraient préféré se voir offrir un emploi, ils n’ont pas encore compris que ce don providentiel est une ouverture vers tous les possibles. Dans un environnement économique libéral, où le rôle de l’Etat dans l’offre d’emplois est appelé à s’amenuiser, l’auto création d’emploi est l’une des plus grandes opportunités offertes à la jeunesse. Combien de jeunes startupers dans le monde n’ont-ils pas créé leur propre entreprise dans leur chambre, muni de leur seule volonté, et d’un ordinateur ? L’essentiel, c’est que les responsables compétents de l’enseignement supérieur et de l’Etat vulgarisent ces innombrables possibilités, et que les jeunes eux-mêmes gardent l’esprit ouvert. Et qu’ils osent.

Cela dit, si nous récusons le déni de progrès, nous ne nous permettons pas d’affirmer que tout est parfait. On peut certainement considérer que le rythme de notre marche en avant pourrait s’accélérer, si les nombreuses pesanteurs que constituent l’inertie et le manque d’initiative, les lourdeurs de l’appareil administratif, l’esprit de prédation, la corruption, et une piètre culture de l’intérêt général, venaient à être levées. Mais c’est une uvre de longue haleine pour laquelle il faudra du temps, et de la solidarité.

En attendant, ceux qui doivent continuer à maintenir la conscience populaire en alerte, c’est-à-dire, les penseurs, les dirigeants, les journalistes, les érudits, les enseignants, les artistes, etc., ont un devoir d’objectivité. Critiquer, oui certainement, mais non pas dénaturer, renier, anéantir ce que les Camerounais construisent dans la sueur, avec amour.


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Gouvernance: Encore des progrès à faire!

C’est dans une grande majorité, la perception que les ménages camerounais ont de cette notion, selon une étude.

La corruption encore indexée
87%, c’est le nombre des ménages camerounais qui estiment que la corruption demeure un problème majeur dans leur pays. Ce chiffre résulte d’une étude effectuée par l’institut nationale de la statistique (INS) sur la période 2002 à 2007. Le thème des travaux: « perception de la gouvernance et de l’intégrité au Cameroun ». L’étude qui repose sur une enquête sur la situation économique des ménages était un additif demandé par la commission anti-corruption (CONAC) du Cameroun. Il en ressort que selon des chefs de familles, la corruption tant au sommet de l’Etat, qu’à une moindre échelle, notamment dans diverses administrations, a augmenté au Cameroun en 2007, par rapport aux années précédentes. D’après cette étude, 55% des ménages interrogés pense que la corruption est l’une des trois causes majeures de la pauvreté. Les foyers pauvres sont plus susceptibles de résister à la corruption contrairement aux ménages les plus démunis. De plus, la corruption est plus ressentie en zone rurale que dans les zones urbaines selon ce rapport.

L’étude classe aussi les secteurs de corruption par hiérarchie de perception. Selon 73% des ménages, les actions menées en faveur de la bonne gouvernance pour l’amélioration des services publics, ont eu un effet limité sur six services. Au premier rang figure la santé, puis vient l’éducation, les impôts et les douanes, les infrastructures, la police et la gendarmerie et enfin la justice. L’interprétation des données laisse aussi entrevoir que ces secteurs sont les plus touchés parce que très sollicités par les ménages. Le rapport signale que cette situation perdure en raison du manque de transparence dans la gestion des affaires publiques. Parmi les recommandations, les réalisateurs de l’étude proposent la mise en place d’un cadre de loi pour punir les acteurs de la corruption, à côté d’un système de récompenses aux meilleurs agents.

Insatisfaction de plusieurs acteurs
Présenté devant de nombreux responsables d’administration et de la société civile, le rapport a pourtant fait l’objet de nombreuses critiques. En premier lieu son titre qui pose plus d’un problème. Il n’édifie ni sur le contexte, ni sur le moment de réalisation de la collecte des données. D’un autre côté, l’étude porte sur l’examen de la perception de la gouvernance au Cameroun, alors que la plupart des indicateurs semblent se focaliser sur la question de la corruption, qui n’est qu’un des aspects de la mauvaise gouvernance. Ce à quoi, le directeur général de l’INS a répondu que: « c’est un choix ». En prenant en compte l’objet même de l’étude, de nombreux observateurs ont relevé, que les bases de collecte n’ont pas semblé pertinentes. En ce qui concerne par exemple la corruption dans le domaine des transports, seuls les automobilistes semblent avoir été interrogés, pourtant de nombreux pans de corruption dans les transports existent, au-delà des simples véhicules privés. Sur le plan de la corruption dans le secteur de l’éducation, l’étude s’appesanti d’avantage sur la corruption dans le primaire et le secondaire, pourtant la corruption au sein du milieu éducatif gangrène aussi l’enseignement supérieure. On y retrouve par exemple des faux diplômes, des fausses notes, qui donnent l’impression de « toute une filière de mauvaise gouvernance ».

On a aussi reproché à l’étude d’avoir négligé la perception des investisseurs, et même de l’administration. Tout cela fait dire à certains, que l’étude ne sera que d’une très petite utilité, en raison de l’absence de pertinence de plusieurs des indicateurs sur lesquels elle se fonde. Le Directeur Générale de l’INS a reconnu le bien fondé de toutes ces limites qui ont été soulignées. Du côté de la banque mondiale, l’insatisfaction est également perceptible. De nombreux volets importants de la gouvernance n’ont pas été pris en compte. Seule la corruption a été mise en avant, alors même que son impact réel sur la gouvernance n’a pas été donné. Selon des sources proches de l’organisation, les résultats de l’étude ont traîné parce que la CONAC qui en est le commanditaire, n’aurait pas honoré ses engagements financiers. Il a fallu le soutien de la banque mondiale pour permettre l’achèvement des travaux. Leur déception si elle était exprimée, se comprendrait aisément. C’est peut-être beaucoup d’argent dépensé pour peu de chose finalement.

Joseph Tedou, directeur général de lINS et la Représentante de la banque mondiale ont présenté le rapport
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