Ouest-Cameroun: un Français vendeur de vin de palme

Christian Lacroute est dans ce business depuis une dizaine d’années, suscitant curiosité et admiration dans le village de Babadjou, au bord de la route qui relie Bamenda à Bafoussam

Au Cameroun « le vin de palme » ou « vin blanc », liquide de couleur blanchâtre, est une boisson traditionnelle consommée pour la plupart dans les villages.

Extrait du palmier raphia, ce vin commercialisé à travers le pays, est une source de revenue importante pour les ménages ruraux. Et un Français d’origine a voulu profiter de cette manne que génère la vente de ce vin en décidant de s’installer définitivement dans un village du Cameroun pour s’adonner à ce commerce. Christian Lacroute est dans ce business depuis une dizaine d’années, suscitant curiosité et admiration.

En un début d’après-midi très ensoleillée, dans sa buvette située dans le village de Babadjou, au bord de la route qui relie Bamenda à Bafoussam, Christian Lacroute, un Français, reçoit comme à l’accoutumé ses clients venus boire du vin blanc.

La buvette en question est constituée de la devanture d’une maison clôturée en matériaux provisoires. A l’intérieur, des chaises en bambou et quelques tables fabriquées localement. Ici la vente du vin blanc est l’activité principale.

Christian Lacroute aujourd’hui mariée à une camerounaise avec qui il a adopté cinq enfants, vit et nourrit sa famille depuis 10 ans grâce à la vente du vin blanc.

Cette activité, Christian dit s’être inspiré d’un proche de la famille de sa femme camerounaise. « L’Afrique m’a toujours plu, normalement je finir ma vie ici au Cameroun, je ne retourne plus en France, J’ai trouvé une autre femme ici, j’ai adoptée cinq enfant camerounais », déclare-t-il.

Christian a décidé de s’adonner à la vente de vin blanc parce qu’un membre de la famille à sa femme faisait le vigneron. «Je me suis dit je vais essayer le vin blanc, et ça fais 10 ans que je travaille avec cette personne c’est pour ça que j’ai toujours le bon vin blanc. Je le goûte tous les matins quand il l’emmène, s’il n’est pas bon il repart avec. Le vin rouge tout ça non, c’est trop cher ici au Cameroun», explique-t-il.

Le vin blanc chez Christian se vend à 150 FCFA le litre. Avec les revenus tirés de cette activité, le Français parvient à faire vivre sa famille. «Je m’en sors très bien, maintenant c’est un peu plus calme à cause des gens qui sont aux champs et tout ça, c’est un peu plus calme si non dans l’ensemble ça va», ajoute-t-il.

Dans sa buvette ses clients, souvent réguliers, apprécient le produit qui leur est servi. « Je viens ici parce que c’est à coté de ma maison, et Christian il est accueillant et sympa, et en plus il a du bon vin blanc chaque fois, ailleurs tu vas trouver le même vin mais déjà mélangé avec du sucre, ce qui n’est pas bon pour la santé », témoigne Jules Tchoffo, un client attablé dans la buvette.

Son voisin de table, Rigobert, explique qu’il vient dans le bar parce que Christian ne dérange pas, et le bar est propre et le service est de qualité.


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Dans le village Babadjou, non loin d’un établissement scolaire où se trouve sa buvette, Marie Albertine est une voisine de Christian. Elle explique que le Français est devenu une particularité voire une exception qu’on regarde avec curiosité.

« Un Européen qui vient s’investir dans le commerce du vin de raphia, c’est quelque chose d’étrange et pour moi je l’encourage. Il a aimé notre village et je l’encourage. Ayant grandi au village, je n’avais jamais su qu’on pouvait partager un même milieu avec les Blancs, mais aujourd’hui nos enfants le côtoient. Ils sont avec Christian tout le temps, vous voyez pour vous dire que Christian a changé notre vie sociale. Ils nous emmènent à comprendre qu’il faut être sociable », déclare Marie.

La vente du vin blanc est une source de revenue importante pour les ménages ruraux dans ce village du Cameroun. Pour certains vendeurs, Christian est un conçurent sérieux. Jacques affirme qu’il a perdu la moitié de ses clients depuis l’arrivée du Français dans ce commerce.

« Tu sais un Blanc qui vend le vin blanc, tout le monde veut voir, plus de la moitié de mes clients boivent chez le Blanc depuis qu’il est là », se plaint Jacques.

Le vin de palme ou vin blanc est une boisson traditionnelle au Cameroun. Très prisé, ce vin est souvent consommé lors des cérémonies et les rites coutumiers.


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Les pratiques alimentaires au Cameroun vues par des chercheurs

La ville de Dschang a abrité un séminaire international sur la question le 29 mai dernier, y compris les repas mystiques

«La nourriture sert à intégrer ou à exclure». Le propos est de l’anthropologue culturel italien, Ivan Bargna. La communication de ce professeur de l’université de Milano Bicocca a mis fin au séminaire international sur les pratiques alimentaires en zones urbaines et rurales au Cameroun. La rencontre a eu lieu le 29 mai 2014, au Musée des civilisations de Dschang. Elle a été organisée en partenariat avec la fondation italienne Feltrinelli.

Les communications sont venues de chercheurs de divers domaines. La zone rurale est la première à avoir été convoquée. Le Dr Dorothy Fon Engwali de la Faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles de l’Université de Dschang, a présenté une étude sur l’apport des femmes rurales à la production agricole Elle observe que 70% de la nourriture issue de la terre camerounaise vient des femmes rurales. Elles restent pourtant très pauvres.

Pour ce qui est de la Région du Nord-Ouest, champ de son investigation, le Dr Fon Engwali relève que les femmes rurales participent à toutes les opérations liées à la production. Elles ont cependant des difficultés d’accès à la terre, aux financements bancaires, aux fertilisants et aux informations sur l’amélioration des pratiques culturales. 61.50% de l’espace cultivée par les femmes rurales du Nord-Ouest ne leur appartient pas, seules 06.7% de ces dames ont accès à l’information agricole, seulement 01.16% d’entre elles ont accès au crédit bancaire pour le financement agricole. La chercheuse recommande aux pouvoirs publics d’associer ces femmes rurales au processus de prise de décisions sur les politiques publiques, en matière d’agriculture.

Repas mystiques
Toujours en zone rurale, l’exposé sur les repas mystiques dans les Grass Fields a retenu l’attention. Le Dr Basile Ndjo et Bruno Bekolo, anthropologues de l’université de Douala en sont les auteurs. Pour eux, dans cette région, on peut manger l’âme d’un individu dans son rêve. « Manger dans le rêve annonce un événement malheureux. Parce que le rêve occupe une place capitale. Si on a accepté de consommer une nourriture dans un rêve, cela veut dire qu’on a accepté le poison lent », affirment-ils. Il peut arriver qu’un esprit maléfique se déguise en un de vos proches pour faire en sorte qu’on mange dans le rêve. Et lorsqu’on se voit en train de manger dans un rêve, la réaction au réveil, c’est d’aller voir « un crypto-médecin », plus connu sous le nom de guérisseur. D’après les exposants, ce poison mystique touche davantage l’âme, l’esprit que le corps. En fonction des aires culturelles, il peut durer entre 0 et 50 ans avant d’achever sa victime.

Comme conséquences, les repas mystiques peuvent conduire à la folie, aux avortements, si on n’est pas pris en charge. C’est ainsi qu’on voit des gens marcher avec des écorces, pour se prémunir contre ces poisons. Au plan social, on peut avoir des accusations de sorcellerie dans les familles. Le Dr Basile Njoh et Bruno Bekolo ont observé certaines pratiques de thérapie pour soigner ce poison : « la consommation de beaucoup d’eau au réveil, de ses propres urines et de la reine des arbres ».

Vin de raphia
Le vin de raphia quant à lui, fait l’objet d’un usage quasi-religieux chez les Bamiléké. « Au-delà de la fonction nutritive, il s’est imposé comme un instrument culturelle et cultuelle », affirme Flaubert Nouaye Taboue, conservateur de patrimoines, dans son exposé. On utilise cette denrée pour sceller les liens de mariage, pour purifier et bénir le village à l’occasion des cérémonies traditionnelles et pour initier le chef et les notables dans le Lah’kam.

Flaubert Taboue note que le vin de raphia a malheureusement perdu du terrain. La rapide fermentation, la disparition progressive des vignerons, le marketing agressif des boissons brassicoles, les migrations vers les centres urbains, la mixité des mariages entre Blancs et Noirs et l’ignorance de la population en sont les facteurs. Heureusement, souligne-t-il, qu’il y a un regain d’intérêt de la diaspora Bamiléké pour cette boisson. L’on apprend aussi qu’une entreprise basée à Bafou (département de la Menoua) procède déjà à son conditionnement, pour l’exporter dans les centres urbains.

Flaubert Taboue décortique le vin de raphia
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Restaurants de rue
À propos de ces centres urbains, Monica Dal Pos, étudiante en anthropologie à l’Université Ca’ Foscari de Venise, a présenté un exposé sur l’alimentation de rue à Bonanjo, quartier administratif de la ville de Douala. Il s’agit d’un espace géographique perçu à Douala comme « un monde à part », une sorte de paradis local où sont regroupés les Européens, les administrateurs et quelques hommes d’affaires. L’Italienne y a observé les vendeurs à la sauvette, les « vendeurs à la sauvette plus évolués » et les vendeurs sur place. Les premiers sont «sans destination et sans clientèle fixes», les deuxièmes sont « des tournedos, les gargottes et les vendeuses de poissons à la braise » et le dernier groupe est constitué de « begnetariats, de cafétérias et de petits restaurants ».

Les vendeurs à la sauvette sont perçus à Bonanjo comme « des vendus », pour parler des esclaves qui n’ont pas leur place dans ce quartier chic. Car, les résidents de Bonanjo ont un pouvoir d’achat «modéré» et voient cette restauration de rue comme «un miroir de la pauvreté». Du coup, les « tournedos » sont abandonnés aux man uvres et petits travailleurs qui sont employés quotidiennement dans le quartier. D’ailleurs, les pouvoirs publics, affirme la chercheuse, perçoivent cette restauration de rue sous l’angle négatif. Ils accusent ses acteurs d’être à l’origine du désordre urbain à Bonanjo. D’où les nombreuses casses qu’on y enregistre. La nourriture ici constitue donc un facteur d’exclusion sociale. Et pourtant, cette économie informelle, rappelle Pos, fournit 90% des nouveaux jobs en zone urbaine. Et cette restauration résout les problèmes d’alimentation en ville. Au lieu de combattre, il faut simplement réguler, a conclu la chercheuse. Dans son propos conclusif, le Pr Yvan Bargna a souligné que « le premier malentendu, c’est de considérer que le goût est une affaire de riches ». Car, on mange du ndolè, aussi bien dans de restaurants luxueux que dans de restaurants de rue.

Cette conférence sur les pratiques alimentaires a été organisée en prélude à la participation du musée des civilisations de Dschang à l’exposition universelle 2015. Elle se tiendra à Milan, en Italie sur le thème : «nourrir la planète».

Mme Pos en pleine démonstration sur la restauration de Bonanjo
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