Abidjan: la touchante histoire d’Amado, peintre sans mains ni pieds

L’artiste utilise sa bouche pour donner des formes et des couleurs aux émotions qui émanent de lui.

Traoré Adama est né sans pieds ni mains à Abidjan, le 23 décembre 1980. Un handicap peu commun et évidemment mal perçu par son entourage, y compris par ses parents qui finissent par le rejeter. Il n’a pas dix ans lorsqu’il est recueilli par Marie Odile, une assistante sociale d’origine française installée à Abidjan.

C’est elle qui lui apprend à s’accepter et à vivre dignement avec son handicap. Sa bienfaitrice, qui tient un centre pour personnes à motricité réduite, lui apprend alors les rudiments de la peinture. Traoré Adama utilise sa bouche pour dessiner ses croquis et y apporter des couleurs. Ça lui plaît. Mais, une nouvelle fois, il fait les frais d’un revers inattendu. Marie Odile meurt en 2002 et laisse orphelins, tous les pensionnaires  du centre.

Traoré Adama se retrouve ainsi dans la rue, obligé de faire la manche pour survivre avec ses compagnons d’infortune. Mais, il refuse de renoncer à sa passion pour la peinture. Il décide de peindre sur les trottoirs, sous le soleil, pour retrouver son refuge. Traoré a raison d’espérer. Il ne tarde pas à se faire remarquer par le gérant d’un restaurant qui lui propose d’exposer son talent à l’entrée de son établissement.

Le jeune homme se prend progressivement en main et fait la rencontre de Glao Batoua, son manager, par ailleurs promoteur du festival « Nous aussi », qui promeut les compétences et les droits des personnes handicapées. C’est en 2012 lors dudit festival que les deux hommes font connaissance et décident de travailler ensemble.

Patience, persévérance, amour…

Glao Batoua ne veut pas seulement mettre en avant le handicap de son poulain, il veut surtout l’aider à affirmer son identité en tant que peintre. Adamo, lui, ne craint pas d’être vu comme il est : un peintre sans mains ni pieds rejeté par sa famille et par une bonne partie de la société. Adamo se sent le devoir de dire au monde que tout est possible, qu’on peut toucher le ciel sans a priori en avoir les moyens, à la seule condition d’y croire.

C’est pour cette raison qu’il peint, laborieusement, des scènes et des décors du quotidien, qui transmettent des messages simples : la patience, la persévérance, la foi, l’authenticité, le partage, la protection de la nature, l’amour…Justement, il l’a trouvé en une jeune femme qui a accepté de l’épouser. Le mariage devrait être célébré bientôt. Il en parle le sourire en coin, parce que, dit-il, la vie est pleine de surprises, d’où l’intérêt de la consommer avec intensité et optimisme. Il est conscient que le monde a encore beaucoup à apprendre sur la tolérance et l’acceptation des différences. C’est pour le dire qu’il expose sur l’esplanade du Masa 2018- c’est sa deuxième participation au marché- et répond aux sollicitations avec le sourire et le regard conquérant.

Traoré Adama est passé par les chemins les plus sombres. Aujourd’hui qu’il est reconnu en Côte d’Ivoire, il veut porter un message d’espoir à tous ceux qui ont baissé les bras et leur dire qu’ils n’en ont pas besoin pour réaliser leurs rêves. La foi et la patience suffisent pour accomplir leur destinée. La preuve, sans mains ni pieds, il a été fait chevalier du mérite culturel et a reçu le prix d’excellence pour le cinéma et les arts visuels. C’est la plus haute distinction décernée en Côte d’Ivoire par le président aux personnes qui ont réalisé des performances extraordinaires dans différents domaines d’activités.