Chaque dimanche, le marché de Founagué à Maroua, dans l’Extrême-Nord du Cameroun, est pris d’assaut par des centaines de veuves et divorcées qui viennent brader leurs effets personnels
Chaque dimanche, le marché de Founagué à Maroua, dans l’Extrême-Nord du Cameroun, est pris d’assaut par des centaines de veuves et divorcées, qui, «commerçantes d’un jour», tentent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.
Dès le matin, des femmes de tous âges affluent sur la place du marché, une majorité d’entre elles accompagnées de leurs enfants.
Toutes veuves ou divorcées démunies, elles viennent brader leurs effets personnels. Assiettes neuves ou usagés, ustensiles de cuisine, vieux matelas, marmites noircies à force d’être utilisées, armoires, vieux rideaux, bijoux, pagnes et même parfois de vieux appareils électroménagers jonchent le sol en désordre.
«Le marché des veuves et divorcées», tire son nom du fait que ces vendeuses improvisées revendent en premier lieu leurs cadeaux de mariages, notamment des pagnes et des assiettes, parfois très luxueuses, selon le milieu d’origine de la mariée, et qui bien souvent sont restées inutilisées et exposées dans une armoire, comme des trophées de guerre.
Une fois répudiées ou devenues veuves, ces femmes souvent peu éduquées ou jamais formées à un emploi, se retrouvent isolées et plongées dans la misère. Sans aucune source de revenu mais avec souvent à charge des enfants issus de ce mariage, elles prennent les routes du marché du dimanche, pour vendre ces objets, jadis symbole de leur réussite amoureuse.
Aïssatou n’a que 12 ans et elle est déjà divorcée. Elle a été répudiée par son mari moins d’un an après son mariage arrangé par ses parents avec un homme de 35 ans, alors qu’elle n’avait elle-même que 11, témoigne-t-elle à Anadolu.
C’est pour avoir refusé d’entretenir des rapports sexuels avec son mari que celui-ci l’a chassée, explique-t-elle dans un français approximatif.
Aïssatou a également été chassée par ses parents qui estiment qu’elle a déshonoré la famille. Alors, comme des centaines d’autres femmes désespérées, elle s’est retrouvée au marché de Founagué pour vendre les effets personnels qu’elle a pu emporter en quittant son domicile conjugal.
La vente de quelques assiettes, deux thermos, des cuillères, une marmite qui a perdu une manche, quelques tasses et des verres lui permettront d’«avoir un peu d’argent pour faire un petit commerce», raconte Aîssatou, pleine d’espoir.
Salamatou, quant à elle est veuve depuis quelques mois. A la mort de son mari, sa belle-famille a confisqué les biens de ce dernier et tout a été vendu. Elle s’est donc retrouvée sans le sou, avec sept enfants à nourrir. Elle vend progressivement ses ustensiles de cuisine pour survivre.
Hadjanatou également veuve a besoin, quant à elle, d’argent pour faire sortir son fils de la prison. Elle est donc venue vendre ses maigres biens: six vieilles marmites partiellement noircies par le feu de bois.
A quelques mètres d’elle, Habiba est assise à même le sol. Elle raconte qu’elle est divorcée et employée comme femme de ménage chez un particulier. L’une de ses filles travaille dans un atelier de couture et doit finir de payer les frais de formation pour qu’on puisse lui délivrer une attestation. Il lui faut trouver 15 000 FCa (30 usd) de toute urgence, alors elle est venue vendre quelques assiettes, dit-elle.
Le marché des veuves et divorcées existe depuis près d’une dizaine d’années. Mais, «il n’y avait pas autant de femmes qu’aujourd’hui qui y venaient. On n’y retrouvait que quelques vieilles veuves et pas tellement de petites filles»], explique Djara, présentée comme l’une des pionnières de ce marché.
Djara a déjà vendu tout ce qu’elle possédait, y compris son matelas. Désormais, elle vient au marché le dimanche pour vendre de la bouillie et des beignets, un petit commerce qu’elle a pu développer avec l’argent récolté en bradant ses effets. Une fois rentrée à la maison, ses enfants et elle vivent dans une chambre commune et dorment tous sur la même natte posée à même le sol.
Avec le temps, i «le marché des veuves et des divorcées» a gagné une réputation de lieu idéal pour les bonnes affaires, et pour cause, les commerçantes bradent leurs biens, parfois jusqu’à un dixième de la valeur réelle de l’objet.
Ironie du sort, certaines familles, qui ont un mariage en vue, viennent ici pour acheter à bon prix des assiettes qui seront offertes à une future mariée…

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