Son projet a été refusé par plusieurs éditeurs de bande dessinée. Puis, elle a créé une page Facebook et a pu regrouper une communauté qui lui a permis d’imprimer ses dessins en français et en anglais
Avant d’être une bande dessinée sur papier, La vie d’Ebène Duta (LVDD) n’était qu’un ensemble de bribes en ligne sur une page Facebook. Elyon’s alias Joëlle Ebongue travaillait pourtant sur son projet depuis 2009 à l’École supérieure des arts Saint-Luc Liège, en Belgique. Quant à son rêve de publier un jour une BD, il remonte à l’enfance.
Quand elle termine ses études en 2011, elle présente, toute confiante, son projet à plusieurs éditeurs de BD. Mais c’est la désillusion. Elle n’en trouve pas un seul pour éditer les aventures de son héroïne Ebène Duta. Téméraire et aussi entêtée que son personnage principal, elle crée une page facebook et commence à y publier ses planches. Progressivement, son public s’intéresse au quotidien de cette fille noire qui raconte son vécu loin de son pays d’origine. La page finit par dépasser dix mille abonnés.
Elle lance un crowndfunding et récolte plus de 15 000 € (environ 10 millions francs CFA). Ce qui lui permettra d’imprimer le premier tome, en français et en anglais.
Une sauce bien épicée
La Vie d’Ebene Duta raconte l’histoire d’une jeune camerounaise qui débarque en Belgique pour suivre ses études et qui n’a rien de l’Africaine telle que son nouvel entourage l’imagine. Surtout physiquement : «Pas de fesses, pas de seins». Elle est loin de la vision que l’imaginaire européen a de la «vraie Africaine».
«Prenez une cuillère à soupe de « ndem » (poisse), ajoutez une pincée de quiproquos, remuez puis mélangez dans un demi-litre de « nguémè » (dèche). Chauffez, et vous obtenez la vie d’Ebène Duta, le quotidien d’une jeune fille à la peau noire, qui vit à l’étranger», explique l’auteure.
Toujours aussi drôle et résolument engagée
La jeune Bédéiste camerounaise sort le Tome II de sa bande dessinée ce 23 mars en Afrique, en europe et au Canada. Gags, quiproquos et textes « légers » parfois piquants… Joëlle Ebongue s’intéresse cette fois-ci aux mots et expressions souvent utilisés mais qui sont parfois interprétés comme racistes.
« Je me suis tournée vers une BD de divertissement. Mais aucun divertissement n’est vraiment innocent. Il y a toujours une prise de position, exprimée d’une façon ou d’une autre. Je voulais créer une œuvre dont l’héroïne ne répond pas aux standards physiques de ce qu’on voudrait d’une héroïne noire« , précise Joëlle Ebongue.
En attendant la sortie officielle du Tome II, des extraits sont publiés sur la page facebook où tout a commencé. Et si tout se passe comme prévu, le Tome III de La Vie d’Ebène Duta est annoncée pour début 2018.
Metteur en scène et comédien, l’auteur organise au Cameroun une biennale d’écriture intitulée Contextheatral. Un texte grâce auquel il est lauréat 2016 du prix «Inédits d’Afrique et Outremer»
Une vie après la guerre. L’auteur camerounais Edouard Elvis Bvouma présente au Festival d’Avignon À la guerre comme à la Gameboy. La lecture, interprétée par Samuel Padula, a lieu samedi 16 juillet dans le cadre du cycle « Ça va, ça va le monde ! », organisé par RFI, jusqu’au 20 juillet dans le jardin de la rue Mons. Entrée libre.
À la guerre comme à la Gameboy : le Caporal Boy Killer se réveille et apprend par la radio que la guerre est finie. Tous ses partenaires de combat ont déserté le camp dans la nuit ; il ne reste que lui, sa kalach’ et la jeune fille étalée dans les herbes. Pour la décider à le suivre, il lui raconte sa vie, cette vie qui pour lui n’est que jeu vidéo ou jeu tout court, où chacun est un personnage de film ou de BD.
Au fil du discours de cet enfant prolixe qui parle comme il tire, on comprend comment l’enfant qui, quelques années auparavant, dévorait des bandes dessinées à longueur de journées dans une petite famille paisible, a mué en redoutable « Révolo ».
Auteur, metteur en scène et comédien, Edouard Elvis Bvouma est né à Kribi au Cameroun. Ses textes ont été créés au Cameroun et en Afrique et il a fait de nombreuses résidences en France, notamment au Tarmac à Paris. Parmi ses différents textes : Black-Neige et les sept nègres, Petit à petit l’oiseau perd son nid, Le Deal des Leaders, L’abominable homme des rêves, ou encore un roman L’épreuve par neuf.
Co-fondateur de la compagnie Zouria Théâtre, il organise au Cameroun une biennale d’écriture intitulée Contextheatral (Chantier contemporain du texte théâtral). Il est lauréat 2016 du prix « Inédits d’Afrique et Outremer » avec ce texte.
Edouard Elvis Bvouma à l’honneur le 16 juillet 2016 à Avignon avec son texte «À la guerre comme à la Gameboy».Droits réservés)/n
L. Galandon et D. Vidal racontent le périple de deux jeunes Camerounais arnaqués par un agent sportif véreux qui leur a promis la gloire du terrain, avant de les abandonner à leur sort
Alors que l’Euro 2016 bat son plein, Laurent Galandon et Damien Vidal racontent le périple de deux jeunes Camerounais arnaqués par un agent sportif véreux qui leur a promis la gloire du terrain, avant de les abandonner à leur sort
Ils s’appellent Urbain, Ahmadou, Pierre-Paul ou Léonard…et nourrissent tous le même rêve. Devenir Footballeur. Suivre les pas de leur idole, le Camerounais Marc-Vivien Foé, fauché en pleine gloire, mort sur un terrain de foot d’un accident cardiaque.
Ils vivent au Cameroun et développent leur art du football dans la rue avec une pierre en guise de ballon. Un terrain de jeu qui devient également celui des prédateurs. Un homme les observe, il se fait appeler le Boss, il est envoyé par la Fifa. Son rôle, repérer les perles rares pour leur donner leur chance. Urbain et Ahmadou sont les deux chanceux: « Il y a beaucoup de bons joueurs au Cameroun, mais moi, je ne cherche que les diamants les plus rares. (…) Je pense que vous êtes de ces pierres exceptionnelles », leur assène l’agent sportif. Le gibier est ferré.
Pour les deux jeunes garçons, âgés respectivement de 16 et 17 ans, l’heure est au départ. Un problème subsiste cependant, réunir les fonds pour partir, car le périple est à leurs Frais. Ils doivent réunir 6000 euros chacun: « Mais c’est presque 10 ans de salaire pour un Camerounais, M’sieu », s’exclame Urbain. Un gouffre insurmontable. Mais c’est sans compter la solidarité camerounaise. Tout le village va se mobiliser pour réunir l’argent, à charge des deux jeunes de les rembourser quand ils intégreront un grand club. « Vous devez voir Urbain comme un investissement à court terme », explique l’agent au père dubitatif.
Savoir rebondir
Les deux jeunes partent avec des rêves plein la tête pour vivre un véritable cauchemar. Le Boss est un agent véreux qui n’hésitera pas à abandonner l’un et à trahir l’autre. Heureusement, malgré leurs rêves brisés, les deux utopistes sauront… rebondir.
Après Lip, des héros ordinaires, une BD reportage sur le soulèvement des salariés qui s’opposent au démantèlement de leur entreprise en 1973, le tandem Laurent Galandon et Damien Vidal revient sur la face cachée de la planète football. Le foot ici, n’est qu’un prétexte à charge sociale. Derrière les joueurs africains qui gagnent des millions, se jouent de nombreuses destinées bien plus tragiques.
Le personnage malhonnête que met en scène Laurent Galandon, le scénariste, véhicule l’image d’une Europe chimérique, alimentée par des personnes sans scrupule. Ces jeunes arrachés à leur pays par des marchands et briseurs de rêves, qui n’hésitent pas à arnaquer des familles qui ont à peine de quoi vivre, se laissent avant tout berner par ce miroir aux alouettes. Que le lecteur se rassure, Le Contrepied de Foé évite l’écueil du pathos. Les personnages sont forts et trouvent les ressources nécessaires pour se sortir de ce mauvais pas. La fin est même inattendue.
Outre les arcanes sombres du football, la fiction réaliste de Galandon et Vidal évoque avec justesse le quotidien d’un clandestin. Entre la peur d’être attrapé par la police, les affres de la faim et les nuits passées dehors, s’immisce la douleur de la honte chevillée au corps. Un sentiment qui empêche de retourner chez soi et qui fait accepter les pires conditions de vie. Sous la plume de Galandon et le crayon réaliste de Vidal, les personnages choisissent de ne pas jouer cette partie-là.
Le personnage malhonnête que mettent en scène Laurent Galandon et Damien Vidal véhicule l’image d’une Europe chimérique.Droits réservés)/n
L’artiste camerounaise a signé les dessins et le scénario de la BD consacrée au footballeur. Elle nous raconte cette aventure… Et sa suite!
Les éditions Dagan ont édité une BD consacrée au footballeur Samuel Eto’o, vous signez les dessins et le scénario. Comment est née l’idée de cette bande dessinée?
Samuel Eto’o est en fin de carrière, il a 32 ans cette année donc c’était intéressant qu’il raconte lui-même son parcours tant qu’il est encore actif. On attend toujours de rendre des hommages posthumes. Tant qu’il est jeune et qu’il a encore la mémoire de tout ses débuts ça paraissait une bonne idée de se raconter. C’était une envie de s’adresser à la jeunesse et de raconter sa propre histoire parce que beaucoup de choses se disent sur lui par tout le monde mais il estimait que les gens ne savent pas vraiment qui il est. Donc il fallait qu’il se raconte lui-même et surtout qui est Samuel Eto’o en dehors d’un stade.
Pourquoi avoir choisi la BD?
Parce que c’est un moyen par excellence pour parler aux jeunes, aux enfants particulièrement.
Comment est ce que vous avez travaillez avec lui ? Racontez nous comment ça s’est passé
J’ai recueilli son récit avec un enregistreur et j’ai pris des notes aussi. Donc je l’ai laissé raconter comme il voulait pèle mêle parce que quelqu’un qui se raconte ne respecte pas forcément la chronologie mais par la suite j’avais préparé des questions pour vraiment préciser chronologiquement certains points et aussi avant de le rencontrer j’avais essayé de me documenter par rapport aux informations publiques qu’il y a sur lui. Ensuite j’ai fais un scénario, et puis après l’écriture du scénario j’ai fais un découpage pour faire les dialogues, les textes et le nombre de pages.
Vous échangiez régulièrement?
J’ai passé trois jours en Autriche avec lui pour recueillir le récit, j’ai pris un maximum d’informations sachant qu’il n’est pas très disponible pour que je puisse le voir à tout moment ou lui parler par téléphone. Pour l’instant j’ai assez de matière pour ne pas avoir besoin d’avoir un nouvel entretien avec lui mais s’il y a des choses à préciser c’est essentiellement par e-mail.
Vous pouvez nous faire un résumé du premier tome?
C’est son enfance, vraiment les débuts, la cellule familiale, comment il commence à jouer dans la rue, les inter-quartiers, comment il arrive à convaincre ses parents parce que ses parents étaient totalement opposés à ce qu’il joue au football. Donc il était régulièrement puni parce que parfois il s’échappait de l’école pour aller jouer, pour aller s’entraîner au football donc ce n’était pas facile avec ses parents. Le premier volume s’arrête à l’âge de 12 ans quand il part en France pour la première fois et comment il revient au Cameroun finalement parce que ça ne marche pas comme il le souhaite. C’est lui qui décide de rentrer alors que tout le monde est contre cette décision là. Lui-même considère jusqu’aujourd’hui que c’était la plus mauvaise décision de sa vie, d’avoir refusé de rester en France pour tenter de trouver un club. Il était venu faire un stage en France à Avignon avec l’équipe des brasseries qu’il avait intégré et il s’était échappé pendant que les autres sont repartis au Cameroun, sans son passeport.
Est-ce que vous avez commencé à travailler sur les autres tomes?
Oui bien sûr. Le prochain sort en juin 2013 et il raconte comment il devient un lion junior après un bref passage chez les cadets alors qu’il n’a pas du tout l’âge mais a vraiment un niveau très élevé. A 12 ans, il joue avec des gens qui ont 20 ans. C’est vraiment un prodige du football, il a reçu un don de Dieu qu’il a su fructifier. Ce que la BD veut vraiment transmettre, c’est la valeur du travail, le message que pour arriver à quelque chose, quelque soit le talent qu’on a, il faut travailler. Il y a beaucoup de travail, beaucoup de sacrifices pour en arriver là. Ça fait plus de 15 ans qu’il se maintient au top niveau du football ce qui n’est pas donné à tout le monde ; et c’est parce qu’il travaille énormément. Il consacre toute sa vie à son sport. Dans ce tome on voit aussi comment il change de centre parce qu’il était aux brasseries puis il va à Kadji Sport Académie. Ensuite il intègre les lionceaux puis il va à la CAN junior qui se déroule en Côte d’Ivoire et c’est là où il rencontre son destin parce qu’il y a un sélectionneur espagnol qui est venu là-bas pour détecter des talents et c’est comme ça qu’il est remarqué et qu’il part en Espagne. Ça c’est le deuxième tome. Il y aura 9 tomes parce que c’est son numéro fétiche le dossard de son maillot.
Joëlle Esso et Eto’o Fils lors du lancement de la BD à DoualaJean Pierre Esso, Okabol.com)/n
Le lancement aura lieu en fin du mois de Janvier en Île de France, quelles sont les articulations?
Il y a une conférence de presse prévue au Concorde la Fayette à Paris, des dédicaces au centre commercial Vélizy 2, et le lancement officiel aura lieu lors du festival de la bande dessinée. Ce sera le 31 janvier à Angoulême, ce festival, l’un des plus grands au monde, fête ses 40 ans cette année.
Qu’est ce qui a justifié son choix de se faire éditer chez Dagan?
Ça peut surprendre mais quand on étudie un peu le personnage c’est quelqu’un qui a un esprit panafricain et il a toujours voulu travailler avec les gens qui sont professionnels et sérieux. Il n’y a peut être pas beaucoup de maisons d’éditions africaines qui remplissent ces critères. C’est donc le savoir-faire de Dagan Editions qui a motivé son choix.
C’est la première fois que vous travaillez avec lui?
Oui tout à fait !
Comment vous l’avez trouvé sur un plan personnel?
Il est aussi normal que vous et moi, c’est quelqu’un que j’ai trouvé simple, abordable et c’est agréable de travailler avec lui. Il a une idée claire de ce qu’il veut, il ne perd pas de vue son objectif, il reste concentré. C’est agréable de travailler avec quelqu’un qui est professionnel. C’est quelqu’un que j’ai personnellement apprécié. Je pense que c’est même logique, je ne m’attendais pas à autre chose parce que déjà c’est quelqu’un qui est habitué à tendre la main aux autres à travers sa fondation Samuel Eto’o.
C’est quoi votre activité en ce moment au-delà de la BD?
Je fais de la musique, mais pour l’instant la BD me prend beaucoup de temps donc ça ne me laisse pas de loisirs de faire autre chose.
Comment va le Petit Joss?
Bien. D’ailleurs ce projet Eto’o relance les commandes du Petit Joss. Je suppose que les gens qui ne me connaissent pas ont envie de savoir ce que j’ai fais d’autre avant.