Dettes du Secteur de l’Electricité : KPDC, DPDC et Eneo vers un accord

Le mécanisme envisagé pour apurer environ 83 milliards F CFA dus par le distributeur d’énergie à ces deux fournisseurs, via une cession de créances impliquant des banques, est en bonne voie.

 

 

 

 

 

C’est une quasi-confirmation ! Les entreprises Kribi Power Development Company (KPDC) et Dibamba Power Development Company (DPDC) semblent bien parties pour recouvrer, au total, environ 82,6 milliards de francs CFA représentant des créances qu’elles ont sur Eneo S.A.

La presse spécialisée a appris la constitution, il y a quelque temps, d’un pool de six banques, pour la conduite d’une opération au terme de laquelle ce montant, représentant des impayés accumulés entre 2015 et 2020 par Eneo, devrait être apuré.

Il s’agira donc d’une cession de créances respectivement de 70.3 Milliards de francs CFA pour KPDC, et de 12.3 milliards de francs CFA pour DPDC. Soit près de 83 milliards de francs CFA – signalons, au passage, que le montant total de la dette d’Eneo auprès des deux entreprises est d’environ 92,5 milliards de francs CFA. Six banques de la place, avec pour tête de file BGFIBank Cameroun, se répartissent l’enveloppe des créances cédées.

Il faut rappeler que les tensions entre KPDC, DPDC et Eneo, avaient atteint leur paroxysme en fin 2020, du fait d’un cumul d’impayés trop important, mettant en difficulté la trésorerie et le développement des activités des centrales de production KPDC et DPDC au Cameroun. Les filiales du Groupe Globeleq avaient alors proposé à Eneo (filiale du Groupe Actis) la cession de créances à un pool de banques, comme ultime recours face à cette situation, afin de ne pas arriver à des extrémités, dont la suspension de la production électrique et des potentielles conséquences financières néfastes, qui auraient eu un impact certain et immédiat sur l’environnement socio-économique camerounais.

Perçu comme un « accord de la dernière chance », le mécanisme envisagé par KPDC et DPDC, issu d’un accord signé entre les parties en février 2021 et fruit de la coopération entre les producteurs indépendants et Eneo, apparaît comme une planche de salut, une lumière au bout de tunnel. Au Ministère de l’Eau et de l’Energie, voix du Gouvernement dans le secteur, c’est l’éventualité chaudement souhaitée.

La constitution du pool des banques engagée dans l’opération de cession des créances est perçue comme la voie idoine vers « un remboursement accéléré d’une partie des créances commerciales » de KPDC et DPDC.

Des observateurs avertis du secteur de l’énergie approuvent l’accord et n’attendent plus que la concrétisation de l’opération, dont les retombées profiteront à tout le secteur : les principaux acteurs, leurs
partenaires, l’Etat, les sous-traitants, etc. En effet, d’après des sources concordantes, l’opération devrait conduire à l’apurement de plus de la moitié des arriérés du secteur de l’électricité, ouvrant ainsi la voie vers de nouveaux investissements au Cameroun, à l’apurement des 23 milliards de francs CFA dus par KPDC a la SNH pour l’approvisionnement en gaz, au paiement des impôts y compris la TVA, au paiement de toutes les dettes opérationnelles en souffrance, au remboursement anticipé d’une année de service de la dette pour les filiales de Globeleq, comme l’ont demandé leurs bailleurs de fonds et à la distribution de dividendes a leurs actionnaires, dont l’Etat du Cameroun, qui détient 44% desdites entités et au paiement des impôts
correspondants…

La transaction envisagée profitera donc à tous les acteurs du secteur de l’énergie et aux finances publiques de l’Etat camerounais dans un contexte où l’Etat camerounais a souvent recours aux emprunts obligataires sur le marché monétaire de la CEMAC afin de faire face au problème de manque de liquidité.

Côté Eneo, qui traîne une dette commerciale de nature à compromettre ses relations futures avec un fournisseur de gros calibre (Globeleq est contributeur à hauteur de 20% de l’énergie distribuée par Eneo dans le Réseau Interconnecté Sud), rien ne devrait s’opposer à cette issue heureuse, Eneo ayant manifesté clairement sa volonté d’honorer ses engagements notamment à travers la signature en Février dernier entre KPDC, DPDC et Eneo, d’un accord pour la mise en œuvre de l’opération de cession de créances. On n’attendrait donc plus que l’approbation de l’opération par les comités et le conseil d’administration.d’Eneo, qui devraient justement se tenir dans les prochains jours.

Les banquiers, réputés à la fois pour leur flair et leur prudence, ne s’y sont pas trompés, en s’engageant dans l’opération. Le secteur de l’énergie est rentable au Cameroun, et devrait continuer à l’être, vu les ambitions de développement du pays, engagé sur la voie de l’émergence. Vu également son rythme de croissance démographique soutenu, qui va avec une croissance constante de la demande en énergie – aussi bien pour les ménages que les industries.

Concrètement, ces banques vont racheter, sans recours et avec décote, les créances dont il est question. De source proche du dossier, KPDC et DPDC contribueraient à supporter la part la plus importante des coûts de l’opération (décote, frais et autres commissions).

Par ailleurs, une facilité accordée à Eneo lui donnera la possibilité d’étaler l’apurement de ces créances sur
cinq ans, ceci moyennant le paiement d’intérêts. L’entreprise bénéficiant d’une situation de monopole dans la distribution de l’énergie au Cameroun, et ayant des perspectives intéressantes (elle projette un bénéfice net cumulé d’environ 165 milliards de F CFA pour la période 2021-2025), on la voit mal faire obstacle au processus de la cession des créances désormais amorcé. Il faut noter également que l’entreprise a lourdement investi dans les infrastructures ces dix dernières années. Question d’être plus compétitive, d’accroître son offre, et, de la sorte, sa rentabilité, son chiffre d’affaires.

En outre, elle a engagé d’autres chantiers : l’extension de son réseau vers des zones non encore couvertes par le réseau électrique ; la mise sur le marché de nouveaux compteurs (plus fiables et plus sûrs) ; et le renforcement de la lutte contre la fraude. Entre autres résultats de cette politique volontariste, Eneo a enregistré 99.431 nouveaux abonnements il y a peu.

Un tableau qui devrait réjouir ses partenaires et les autres acteurs du secteur. En bonne place desquels Globeleq, dont le recouvrement des créances sera une réelle bouffée d’oxygène, car sans trésorerie conséquente, pas de réel développement possible…