Être écrivain: les plus belles citations

Par Michel Tagne Foko

« Je savais que la littérature comptait pour du beurre dans le nouvel ordre mondial. Il n’y a que les dictateurs du Tiers-Monde qui prennent les écrivains au sérieux en les faisant régulièrement emprisonner, ou fusiller même. » Dany Laferrière

« Moi je suis Écrivain… C’est assez jouissif au regard de la liberté d’expression que mon métier m’octroie… Bien sûr que certains voudraient avoir ma peau parce qu’ils voudraient bien me faire taire… Mais cela fait partie de mon job… Et puis, je crois que c’est très sexy d’être écrivain… On peut rêvasser tout son saoul en regardant le monde s’écrouler… On peut crier et c’est très sexy parce que finalement, personne ne vous écoute ! » Calixthe Beyala

« Un écrivain est la seconde chance de l’humanité. Lorsque la décadence menace de se généraliser, le verbe durcit le ton et rappelle le cheptel à l’ordre. » Yasmina Khadra

« Les écrivains sont dingues, tout le monde le sait. Et ceux qui ne sont pas publiés, ça doit être encore pire. » David Foenkinos

« Aujourd’hui, on est écrivain pour vivre. Il ne s’agit plus de réfléchir, de méditer, de corriger. La littérature périra par la facilité de produire sans labeur. » Louis Veuillot

« Je fais manifestement partie des écrivains qui écrivent les livres qu’ils ont eux-mêmes envie de lire » David Van Reybrouck
« Le jour où écrire donnera un sens à votre vie, vous serez écrivain. » Joël Dicker

« Il y a des hommes qui ont le pouvoir de raconter des histoires que chacun croit être siennes : ce sont les écrivains. Peut-être ne suis-je pas Dieu, mais seulement un bon écrivain ? » Emmanuel Schmitt

« La littérature se souvient de ce que nous avons oublié : écrire c’est lire en soi. L’écriture ranime le souvenir, on peut écrire comme l’on exhume un cadavre. Tout écrivain est un « ghostbuster » : un chasseur de fantômes. » Frédéric Beigbeder

« Le métier d’écrivain, particulièrement dans la société française, est en grande partie un métier de vanité. Je le dis d’ailleurs sans mépris, à peine avec regret. Je ressemble aux autres sur ce point ; qui peut se dire dénué de cette ridicule infirmité ? Après tout, dans une société vouée à l’envie et à la dérision, un jour vient toujours où, couverts de brocards, nos écrivains payent durement ces pauvres joies. Mais justement, en vingt années de vie littéraire, mon métier m’a apporté bien peu de joies semblables, et de moins en moins à mesure que le temps passait. » Albert Camus

« Un écrivain est un homme qui a de la chance ; le talent, c’est une chance. » Jacques Chardonne

« Un écrivain véritable c’est quelqu’un ou quelqu’une dont l’écriture est un cocktail explosif, dont chaque mot est un siège éjectable pour le regard, et qui respire avec des accents graves, aigus ou circonflexes. » Emmanuel Cocke

« Le talent seul ne suffit pas pour faire un écrivain. Derrière un livre, il doit y avoir un homme. » Ralph Waldo Emerson


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Rencontre avec l’écrivain Hemley Boum

L’écrivain camerounaise est à ce jour l’auteur de romans tels «Les Maquisards», «Si d’aimer», «Clan de femmes» et «Beloved». Lesquels lui ont déjà valu de nombreux Prix internationaux

Elle collectionne les distinctions littéraires depuis trois ans. Son deuxième roman, «Les Maquisards» (La Cheminante, 2015), une haute fresque familiale et historique autour du héros Um Nyobè, le leader indépendantiste camerounais, a accru son aura. L’ouvrage a reçu le [a2https://congobusinessworld.com/article.php?aid=23676 Grand Prix d’Afrique Noire] en 2015 et la mention spéciale du prix Ethiophile. Davantage d’éloges, de sourires et de lumières pleuvent sur une jeune femme posée et ambitieuse. Le deuxième salon du livre de Yaoundé, qui s’est tenu du 2 au 6 juin au Cameroun, a été l’occasion de retrouver la talentueuse romancière, après le Prix du livre engagé qui lui a été décerné à Genève en mai dernier par l’association Cène littéraire pour son hommage aux «hommes et aux femmes qui luttent», dit-elle.

C’est un plaidoyer pour les figures féminines que la romancière a repeintes en brassant fiction et réalité «pour faire place nette à celles que l’on a souvent tendance à reléguer au rang de figurantes», dit l’une des écrivaines francophones les plus sollicitées du moment et qui s’ouvrent facilement à la conversation. On en retiendra cet extrait: «L’humiliation est une bien étrange émotion, elle enchaîne le bourreau et sa victime dans un corps à corps d’une telle intimité que nul ne peut en présager¬ l’issue.»

Sous le soleil de Yaoundé
Yaoundé est ensoleillée. Dans les jardins du musée national et des archives, l’ancien palais présidentiel où se tient le salon du livre, nous nous restaurons au premier étage, et surplombons le quartier des ministères. Hemley est soudain pensive, le regard probablement tourné vers la forêt de Boumnyébel, qui se trouve à quatre-vingts kilomètres de la capitale. Um Nyobè, le charismatique «Mpodol» ou porte-parole du parti de l’avant-garde politique, l’Union des Populations du Cameroun (UPC), y a été tué le 13 septembre 1958 par l’armée française.

Sur les berges du fleuve Mfoundi, Yaoundé offre une fête aux livres et se souvient de ses figures littéraires et emblématiques. Mais au Nord du Cameroun et dans les pays voisins, le groupe fondamentaliste violent Boko Haram éructe sa détestation de la culture moderne et soumet fillettes et populations rurales. Hemley participera-t-elle au collectif des écrivains contre les broyeurs de vies et de livres?

La volonté, toujours
L’auteure de «Si d’aimer» (La Cheminante, 2012) – qui a obtenu le Prix Ivoire à Abidjan en 2013 – se crispe et pense que l’écriture n’est pas une arme automatique! Elle a besoin de réflexion. Là, on lui parle de l’urgence d’écrire. Elle écrivait dans son premier roman, «la vie n’est pas un fruit qu’il faut dévorer et ensuite lécher sur ses doigts le jus qui dégouline». L’écriture aussi. Au fond, dit-elle, s’insurger contre l’entreprise sectaire et violente qui répand sang et flammes au nord du Nigeria et dans le septentrion camerounais, n’est pas le sujet. «C’est le temps», souffle-t-elle. Les délais initiaux suggérés par les initiateurs étaient en effet trop courts, plaide la romancière née en 1973 à Lablé, petite ville dans le centre du Cameroun.

Elle a vécu à Douala, puis, après une maîtrise en Sciences sociales et gestion obtenue à l’université catholique de Yaoundé, elle a poursuivi sa formation dans la sélective université catholique de Lille et à l’Ecole supérieure de commerce de cette même ville du Nord de la France. «Toute une scolarité chez les jésuites, ça forme le caractère, dit-elle. J’y ai rencontré les personnes les plus désintéressées et engagées qui soient. J’ai aussi appris que tout pouvait être questionné: la foi, la religion, les idéologies. Il n’y a pas de dogme; en toute chose, l’esprit précède la lettre».

Faire feu de tout bois
Malgré les soucis d’organisation du salon de Yaoundé et les ratés de la programmation, des auteurs n’ayant pu dialoguer avec le public ou simplement prendre part aux activités littéraires prévues, Hemley rappelle que son prénom signifie «la volonté», en langue bassa. Il ne faut donc jamais se laisser démonter.

Intarissable, Hemley Boum l’est sur la littérature. Elle peut parler des heures entières des uvres qui lui ont donné goût à l’écriture: «Le Pavillon des cancéreux» de Soljenitsyne qui déconstruit le communisme russe, «Anna Karenine» et «Guerre et Paix» de Tolstoï ou le dévoilement du monde en chacun de nous. «C’est aussi, argumente Boum, l’art de camper des personnages puissants aux prises avec la mystérieuse majesté de la vie, voire l’ambiance d’une époque». Elle voue aussi un culte à «Absalom», de Faulkner, dans lequel l’auteur se mue en chef d’orchestre d’une symphonie du langage sans autre limite que celle qu’il autorise à ses personnages et à leur possibilité de faire sonner la note sensible.

La Camerounaise qui vit à Paris considère aussi Toni Morisson, l’auteure de «Beloved», comme une initiatrice, une mère en littérature. Mais pour construire ses propres textes, elle nous livre son secret: «Je pars toujours de scènes fortes, de personnages précis, et de l’envie que j’éprouve d’aborder un sujet sous un angle particulier. J’imagine ensuite l’action qui les entrelace comme un fil rouge nouant des interactions et leurs inévitables conséquences. Néanmoins, la période qui précède l’écriture n’est pas l’isolement».

La romancière reste en effet attentive au bruit et à la fureur du monde, «consciente que tout bois peut nourrir mon feu». Et le brouillon qui arrive est donc constamment l’objet de fines et d’incessantes retouches afin que des ratures jaillisse l’image qui fait sens.

Hemley Boum, photo d’illustration
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L’écrivain Marcel Zang est décédé

Agé de 62 ans, ce français d’origine camerounaise, auteur de quatre pièces de théâtre, a rendu l’âme samedi en France

Marcel Zang, écrivain français d’origine camerounaise, est décédé samedi 21 mai 2016 en France. Auteur de quatre pièces de théâtre, le dramaturge avait reçu en 2005 le prestigieux prix de la SACD, Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, pour son uvre théâtrale. Parmi ses thèmes de prédilection, la colonisation, les affres du déracinement et de l’exil.

Il avait 62 ans. Longtemps un mystère a semblé accompagner la destinée de Marcel Zang. En cause, sa plume dérangeante qui n’hésitait pas à s’insurger contre la France.

Marcel Zang accusait notamment le pays des droits de l’homme de ne pas regarder son passé en face. Dans ses uvres, l’écrivain dénonçait avec force et vigueur les désastres liés à la colonisation.

Mais aussi les difficultés, rencontrées par les metteurs en scène, pour faire jouer ses pièces en France.

Le dramaturge a tout de même connu sa consécration avec la pièce « La danse du pharaon », mise en scène à la Comédie Française à Paris. Le prestigieux prix de la SACD Nouveau Talent Théâtre est venu, lui, récompenser en 2010 l’ensemble de son uvre.

« C’était une grande oreille sur l’actualité d’aujourd’hui » dit de lui l’un de ses confrères Michel Valmer. Et d’ajouter que « son écriture de haut niveau, curieuse, poétique, va perdurer. Il est de la trame des Senghor, Césaire et Glissant. »


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Enoh Meyomesse: « comment moi, un ex de Kondengui, j’ai été célébré à Karlsruhe »

Par Enoh Meyomesse

C’est le jeudi 04 novembre 2015 de 20 h à 22 h que la communauté littéraire de la ville de Karlsruhe, en Allemagne, dans le länder de Baden-Württemberg, s’est fait l’honneur de me recevoir en ma qualité d’écrivain persécuté dans son pays, et désormais réfugié en Allemagne à la faveur d’une bourse gracieusement offerte par PEN-Deutschland.

La cérémonie s’est déroulée dans la maison de la culture de cette ville. Tout le gratin littéraire de la région était présent. Des extraits de mes livres traduits en Allemand y ont été lus par des personnes choisies à cet effet, et l’animateur de celle-ci, un journaliste d’une radio de la ville, me posait des questions sur mes poèmes, les conditions de leur écriture, et, naturellement, mon séjour à Kondengui.

Le poème intitulé « Quartier kosovo » dans mon recueil « Poème carcéral » rédigé pendant ma détention et traduit en allemand et publié en Autriche, puis en anglais et publié en Angleterre, alors que je me trouvais encore à Kondengui, a fait sensation. Le public ne parvenait pas à croire que les prisonniers sont si mal traités au Cameroun.

Nous nous sommes alors attardés sur la pratique de la torture dans les gendarmeries et les commissariats de police du Cameroun, sur les lenteurs judiciaires, sur l’inféodation des juges au pouvoir politique, l’aberration de l’existence d’une justice militaire chargée de juger des civils, etc. Naturellement, les questions d’alternance politique n’ont pas manqué. On peut aisément deviner, sur ce point, la réaction du public..

Il m’a été demandé d’évoquer la question de l’usage des prénoms allemands au Cameroun, parce que l’un de mes poèmes d’un de mes livres traduits en allemands évoque cette question, le poème intitulé : « S’ils n’étaient pas venus . ». C’est-à-dire que si les Français n’étaient pas arrivés dans notre pays en 1916, je ne me prénommerais nullement Dieudonné, mais probablement Helmut, Karl, Jürgen, Eduard, Lukas, etc., et ce serait le cas pour tous les Camerounais.

Le titre en allemand du poème est « Wennnichtgekommenwären . ». J’ai donc relaté au public l’histoire des prénoms allemands au Cameroun. De 1884 à 1916, ceux-ci étaient en vogue. Les Hans, Hermann, Henrick, Otto, Lukas, Claus, Wilfried, Siegfried, Angela, Roswitha, Erna, Angelika, Irmgard, pullulaient au Cameroun.

Puis, à l’arrivée des Français et des Anglais, ils ont commencé à disparaître, sous l’action combinée de l’administration et de l’église catholique dont les prêtres étaient français. L’administration refusait de plus en plus d’établir des actes de naissance avec des prénoms allemands. Les Camerounais se sont donc mis à attribuer des prénoms français à leurs enfants, pour les papiers officiels, tout en conservant ceux allemands pour la famille.

Puis, aussitôt qu’il a été multiplié des centres d’état-civil dans les villages, les prénoms allemands ont refait leur apparition sur les actes de naissance. A la veille de la guerre, c’est-à-dire en 1938, 1939, la propagande allemande d’un retour du Cameroun sous administration de Berlin, accompagnée de la folle rumeur d’une visite imminente d’Adolf Hitler dans le pays qui avait circulé, avait entraîné de la part de l’administration française une recrudescence de la répression des prénoms allemands au Cameroun.

Les prêtres également étaient redevenus plus réticents à baptiser les gosses portant ces prénoms. Finalement, la France ayant gagné la guerre, le déclin définitif des prénoms allemands a été entamé au Cameroun, au point où il n’en existe plus que très peu aujourd’hui. On ne compte plus que quelques rares Fritz, Hermann, Wilfried, Siegfried, Hans. Tout le monde a longuement applaudi. Après quoi, un participant venu du sud de l’Allemagne, s’est proposé d’organiser un colloque sur la présence allemande au Cameroun de 1884 à 1916, et auquel je serai également l’invité d’honneur.

Dans la salle il y avait plusieurs Camerounais de la ville qui étaient venus soutenir leur compatriote. Ils m’ont informé qu’ils y étaient au nombre de cinq cents environs, des étudiants et des travailleurs, et plus de vingt mille dans toute l’Allemagne, et nous avons convenu d’une conférence-débat que je viendrai animer au mois de janvier 2016.

Enfin, la soirée s’est clôturée par la dédicace de plusieurs de mes livres en allemand, et d’innombrables photos. Et pour terminer, voici en entier le poème «Quartier Kosovo» en français.

«Je prononce ton nom en frissonnant de tout mon corps et je remercie le ciel de ne pas avoir été envoyé chez toi/Kondengui/tu es une colonie de vacances/un internat joyeux/on ne le sait pas/mais/Kosovo/en ton sein/toi Kosovo le quartier maudit/tu es la terreur /je prononce ton nom en claquant des dents/et je remercie le ciel de ne pas avoir été/déporté chez toi/tu héberges gaiement tes soixante-quinze suppliciés/par chambrettes de seize mètres carrés/là où quinze couchettes il était prévu au/commencement/tu héberges gaiement tes deux mille damnés/en plein air dormant à la pluie au vent au soleil/dans tes rigoles de détritus et tes douches et tes/urinoirs et tes WC bouchés/tu héberges gaiement tes zombies terrifiants qui/somnolent debout éternellement en avançant/tels des robots parce qu’ils n’ont guère d’espace/où reposer leurs silhouettes squelettiques/et/lorsque retentit la cloche de ta pitance/les visages s’illu-minent/mais même les porcs de la campagne/ne peuvent avaler ton ragoût de maïs/et tes êtres d’outre-tombe au corps purulents/se ruent sur les épluchures d’oranges d’avocats/de mangues de macabos de maniocs d’ignames/peaux de bananes douces/O DIEU DU CIEL !/Que fais-tu donc/Blotti derrière/ Les nuages / Descends sur terre/Viens au Kosovo sur Kondengui/on ne te racontera point/la souffrance /de ces gueux.


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« Docteur Ateba Eyene mérite des obsèques grandioses à la dimension du travail abattu »

Par Fernant Nenkam

Décès de l’écrivain ATEBA EYENE: Une étoile s’éteint à la fleur de l’âge
Consternation à l’annonce du décès de l’écrivain et homme politique ATEBA EYENE survenu au lendemain de la célébration des cinquantenaires de la Réunification à Buéa. Un événement triste qui justifie son absence dûment observée dans le reportage télévisuel. Zéro ombre de « bitomobitomo » celui qui a passé sa vie à remuer la merde.

ATEBA EYENE a joué des symphonies avec des messages forts sur la vie de la nation. Etait-il un modèle pour la jeunesse ? Etait-il craint ou respecté ? Par son « zèle », gênait-il certains membres de son parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) ou certains ressortissants de sa région natale ? Etait-il un anthropologue et fin psychologue ayant trouvé un filon pour se faire du fric sur le dos de son électorat ? Ce qui est constant, l’homme à la belle main, était très écouté et le restera pour longtemps. Le volume des ventes de ses livres sur des faits de société sont une illustration. Des faits qui selon lui, sont un frein à l’émergence du Cameroun. Son style était particulier. Il avait le verbe facile et véritablement à l’offensive. Il a mené, courageusement, un combat de l’intérieur du parti. Un parti qu’il aimait tant. Simplement, a-t-il été compris ?

Je pense que ATEBA EYENE avait fini, par la qualité de son travail et son franc-parler, par forcer l’admiration de nombreuses personnes. En même temps, il ne faisait pas l’unanimité sur sa pensée. Du coup, son décès a suscité moult commentaires au point de lui ôter l’immortalité au sens propre. Sous les chaumières, il n’est pas mort de sa propre mort. Une interprétation qui renvoie au décès du consultant de la CRTV Jean-Pierre Djemba en course probable à la présidence de la Fédération camerounaise de football ou du journaliste Pius Njawé, promoteur du groupe de presse Le Messager décédé accidentellement aux Etats-Unis en 2010. Un fait est constant tout au moins. Notre compatriote est mort dans un lit du Centre hospitalier universitaire de Yaoundé.

La quarantaine sonnée, Docteur ATEBA EYENE, veuf depuis 2009, mérite des obsèques grandioses à la dimension du travail abattu en si peu de temps d’une vie très mouvementée. C’est une étoile qui s’éteint. Pas au bon moment à cause de l’immensité du chantier. A qui le témoin bien que ce soit une succession difficile à assumer ?

Brazzaville accueille le festival Etonnants voyageurs

L’édition 2013 de ce grand rendez-vous se tient dans la capitale congolaise du 13 au 17 février

Le Festival Etonnants Voyageurs a ouvert ses portes mercredi 13 février à Brazzaville. Pendant 4 jours il y aura des rencontres avec les écrivains et artistes africains. C’est l’écrivain Alain Mabanckou (d’origine congolaise et enseignant aujourd’hui à Los Angeles) qui a poussé Michel Le Bris, le grand manitou du festival Etonnants voyageurs, à organiser pour la première fois cette année la manifestation à Brazzaville. Le thème choisi est l’Afrique qui vient. L’objectif visé par cette délocalisation du festival est de montrer toute l’énergie qui déborde du continent noir grâce à ses écrivains, artistes et créateurs, à l’heure où Internet et le téléphone mobile désenclavent les pays du Sud.

C’est l’écrivain Alain Mabanckou (d’origine congolaise et enseignant aujourd’hui à Los Angeles) qui a poussé Michel Le Bris, le grand manitou du festival Etonnants voyageurs, à organiser pour la première fois cette année la manifestation à Brazzaville – Bamako, qui avait déjà accueilli l’événement, étant devenu pour l’instant une destination incertaine… Les deux compères ont généreusement donné comme sous-titre au festival : «l’Afrique qui vient». Objectif ? Montrer toute l’énergie qui déborde du continent noir grâce à ses écrivains, artistes et créateurs, à l’heure où Internet et le téléphone mobile désenclavent les pays du Sud. Il n’est pas facile pour les jeunes auteurs d’émerger aujourd’hui, même si Internet change désormais la donne. Mais il faut toujours passer par Paris pour être légitimé. Il existe une seule maison d’édition à Brazzaville – Hemar, qui appartient d’ailleurs à un ministre. Les gens se ruinent à publier à compte d’auteur. Nous espérons arrimer au festival la génération qui vient, créer une vraie dynamique, souligne Alain Mabanckou. Ce sont les écrivains nigérians et sud-africains qui seront en nombre à Etonnants Voyageurs. Dans ces villes géantes que sont Lagos et Johannesburg bouillonne une formidable créativité. Les grandes maisons d’édition anglophones y ont des vraies succursales sur place, ce qui n’est pas le cas pour les françaises.

L’édition 2013 de ce grand rendez-vous se tient dans la capitale congolaise du 13 au 17 février
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Le nom de ce festival provient d’un paragraphe d’un des poèmes de Baudelaire (Le voyage). Lequel a été dédié à Maxime du Camp. Il a été créé en 1990 par Michel Le Bris, Christian Rolland, Maëtte Chantrel et Jean Claude Izzo, et attire tous les ans environ 60 000 visiteurs. Depuis 1990 le festival explore les littératures du monde. Sur les pas de Stevenson, Conrad, London, à la découverte des littératures d’Orient, d’Amérique latine, d’Afrique. Depuis 2005 le festival s’interroge sur le rôle de la littérature et développe des problématiques en prise avec un monde en mouvement. Chaque année 200 écrivains du monde entier se retrouvent à Saint-Malo pour 3 jours de rencontres, débats, lectures, cafés littéraires, dans 25 lieux à travers la ville. Plusieurs prix sont décernés dans le cadre du festival : le prix Nicolas-Bouvier qui récompense le meilleur récit de voyage; le prix Ouest-France Étonnants Voyageurs qui récompense un roman écrit en français et qui est décerné par un jury de lecteurs âgés de 15 à 20 ans; le prix Joseph-Kessel décerné par la SCAM; le prix Robert Ganzo de poésie; le prix Gens de mer décerné à un ouvrage littéraire à caractère maritime; le Grand pris de l’Imagination décerné lors du festival depuis 2010. Enfin, un concours annuel de nouvelles, auquel participent chaque année plusieurs milliers de collégiens et lycéens, sur la base d’un incipit réalisé par un auteur jeunesse célèbre donne lieu à des prix académiques et nationaux et à l’édition d’un recueil distribué gratuitement aux visiteurs. Avant Brazzaville c’est Bamako au mali qui avait accueilli cet évènement.

Cinq raisons de désespérer d’un Cameroun émergent en 2035

Par Eric Essono Tsimi, écrivain

Trente ans que nous sommes dans le trente-sixième dessous: à l’occasion des trente ans de Paul Biya à la tête du Cameroun, Le quotidien Le Jour a publié un « dossier » d’un seul article particulièrement riche et documenté sur ce que pouvait être un bilan économique de trois décennies. Cette vision d’ensemble d’auteurs anonymes est ambitieuse (et plus favorable au pouvoir en place qu’il n’y parait). Mais si l’exercice a un certain intérêt théorique, il ne vaut rien dans la pratique tant les situations transitoires, les programmes contradictoires, et la macrostructure du commerce mondial ont varié entre 1982 et 2012. Un bilan n’a de sens que s’il est pris sur un exercice, un programme précis, une période donnée qui en tout état de cause ne peut être de trente ans, si l’on veut être sérieux. Aussi les performances de l’économie nationale ne peuvent être étudiées avec profit que si elles sont mises en parallèle avec celles des pays ayant la même taille ou faisant partie de la même zone géographique internationale ou même espace économique (CEEAC par exemple) et d’un. Et de deux, l’histoire politique du Cameroun d’après Ahidjo, qui est arrimée à la peur de son successeur de perdre brutalement le pouvoir, ne peut que laisser l’impression d’un noir immobilisme pour ce qui est des réalisations sociales et économiques. La peur a des vertus politiques, elle participe de l’instinct de survie de Paul Biya. Seulement, au plan économique, sa peur a eu des conséquences lourdes, la véritable science économique de monsieur Biya ayant été la conservation de son pouvoir. Autant l’idée d’un bilan « consolidé » des trente dernières années est peu glorieuse, autant celle d’un programme sur les trente prochaines années est hasardeuse, en l’état actuel des leviers et des outils de prévision dont nous disposons. Lesquels ne font pas la part belle à l’autodétermination économique. Comme pratiquement partout en Afrique francophone, le rêve de croissance soutenue est un espoir de découvertes de nouvelles ressources minières, un pari sur les revenus d’exploitation des richesses pétrolières. Qu’à cela ne tienne ! On ne va pas refaire l’histoire, s’il fallait toutefois ne retenir qu’un bilan, ce serait celui de l’an I des Grandes Réalisations, qui est, lui, plus que mitigé. Le régime RDPC joue au PMUC avec notre avenir et, entre un passé chaotique et un futur cahoteux, nous embrouille sur la réalité immédiate de ses résultats.

Que voudra dire « émergent » en 2035 ?
Le but n’est pas d’alarmer, les Camerounais ne m’ont pas attendu pour s’abonner à la fatalité, mais un minimum de lucidité rend tout à fait absurde l’illusion d’un Cameroun prospère dans les 20 prochaines années. 2035 est plus près que ce qu’on croit. En considérant 2035 comme un horizon, c’est-à-dire la limite la plus lointaine du champ de vision de Paul Biya, il nous reste 23 ans pour que ce qui jusqu’ici tient davantage du slogan auto-réalisateur se transforme en perspective soutenable et chiffrée, année après année. L’économique n’est pas une science exacte, elle est une science sociale, c’est-à-dire qu’elle est par définition soumise à toutes sortes d’aléas humains, politiques, internationaux. Cette incertitude en fait souvent un art de l’esbroufe et de l’approximation. La chance des Camerounais est d’avoir un pays où tout reste à faire
Le concept de pays émergent existe depuis une vingtaine d’années, rien ne dit qu’il aura la même charge symbolique, le même signifié, dans les vingt prochaines années. Un nouvel acronyme ou un concept neuf sera probablement dans l’air du temps. Pour cette raison et pour celles qui suivent le Cameroun en 2035, personne ne sait ce qu’il sera, mais si l’on retient une modélisation mathématique sur la base des indicateurs actuels, on n’est pas sorti du tunnel et on sera toujours en immersion dans 20 ans.

1 – Sans doute n’eût-il pas fallu s’aventurer au-delà ce que Martin Luther king lui-même s’était permis. Il avait dit dans son anaphore célèbre I have a dream : « I have a dream that one day. » Cette indétermination rendait à son discours toute sa part poétique de belle utopie. Au Cameroun, on n’a pas dit « one day », on a dit à l’horizon 2035, c’est-à-dire en 2035 au plus tard. A cette échéance plus ou moins précise, on a accolé un concept vague et forcément fluctuant. A moins que cette « émergence » ne nous tombe du ciel, dans un paquet cadeau.

2 – Tous les pays dits émergents battent monnaie. Hier la Corée du Sud, Taiwan ou Singapour par exemple (les dragons d’Asie aujourd’hui dits pays développés), de nos jours le Brésil, l’Inde, l’Egypte, l’Afrique du Sud, l’Indonésie ont une indépendance monétaire : le problème de la monnaie est réel. Et celui d’un marché boursier dynamique incontournable : en prenons-nous seulement le chemin ? Ce n’est pas le régime de change fixe qui est en cause, entendu que les pays d’Asie du Sud est ont évolué vers cela par rapport au dollar, mais seulement l’idée de souveraineté et de libéralisation totale des mouvements de capitaux.

3 – Du riz, du lait made in Nigeria, des films, de la musique, le Cameroun importe tout, jusque et y compris la propre compréhension de son économie (avec les conséquences attendues sur la balance des paiements). Que ce soit sur le plan des nouvelles technologiques ou celui de l’agriculture, aucune action n’est amorcée qui permette de faire croire que le Cameroun serait l’oiseau de Minerve de Paul Biya, qui n’aurait attendu que le crépuscule de sa vie pour prendre son envol. Entre les pays émergents et les PMA (pays les moins avancés) dont nous faisons partie, il y a plusieurs étapes, plusieurs relais, comme les NPI (nouveaux pays industrialisés) que nous n’allons pas court-circuiter par un coup de baguette magique.

4- Les Camerounais ont une mentalité faussement bourgeoise, ils sont un peuple de notables où les politiques les plus écoutés essaient de faire passer l’idée que certains métiers, qui sont le produit d’un contexte, sont honnis, et que les diplômes sont une valeur suffisante qui fait entrer leur titulaire dans la catégorie de citoyens auxquels le Cameroun doit un emploi « noble ». Cette admission sur titre à la grandeur rend tout le monde suffisant. Et ce sont des sous-diplômés que l’on voit améliorer leur niveau de vie et émerger au quotidien.

5 – Les universités et les pôles du savoir laissent à désirer. Combien de nos revues sont citées dans l’Impact Factor ? Combien de productions de nos savants sont indexées dans le Thomson Reuters Journal Citation Reports ? Aucune université camerounaise ne figure parmi les 100 meilleures universités africaines, les universités africaines sont pourtant les plus mal classées au monde : avec quelles compétences, quelles recherches allons-nous transformer ce Cameroun, où tout n’est jamais que potentiel ? On peut évidemment discuter sur la pertinence de tout classement, mais les classements (http://ed.sjtu.edu.cn/rank/2004/top500list.htm) restent un indicateur intéressant d’un avachissement de notre personnel pensant et d’une tendance à la médiocrité qu’on ne saurait nier.

Un pays émergent est encore un pays en voie d’émergence
Rappelons pour finir que le concept de « pays émergent » n’est pas forcément le plus flatteur. Il a une définition généralement négative : la Banque Mondiale considère comme pays émergent celui dont on le PNB par habitant est inférieur à la moyenne mondiale, soit 8300 dollars par année ; les spécialistes de la revue économique Variances se déterminent eux sur la base de critères d’exclusion : « Serait émergent tout pays en dehors » de l’ALENA, l’OCDE ou n’étant pas repris dans les grands indices de marché tels que le MSCI (MSCI World Index est un indice boursier mesurant la performance des marchés boursiers). Aucun indicateur précis pour les caractériser, c’est à croire que le concept a été créé exprès pour y loger les pays comme la Chine ou le Brésil qui, chacun le sait, sont bel et bien des pays « émergés » pour ainsi dire. Seul, le Cameroun ne peut rien. Et il ne sera possible de parler de notre économie comme d’un nouveau marché émergent que s’il intègre tous les autres Etats d’Afrique centrale, soit un marché d’environ 58 millions de consommateurs aujourd’hui, près de deux fois plus dans 20 ans. L’émergence du Cameroun sera une réalité (« one day »), l’horizon 2035 est une utopie.


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Reconnaissance: Aimé Césaire entre au Panthéon

Un hommage national est rendu ce mercredi 06 avril 2011 au poète et homme politique martiniquais décédé en 2008

Aimé Césaire (1913-2008), poète et dramaturge martiniquais, chantre de la négritude et penseur de la décolonisation, fait ce mercredi 6 avril 2011 son entrée dans la nécropole. L’homme ne goûtait guère les honneurs, mais sans doute aurait-il apprécié la compagnie posthume de Hugo, Zola et de tant de grands hommes ayant partagé son combat pour l’égalité et la justice, par l’écriture et l’action politique. En son c ur ardent, le concept de la négritude est défini par Césaire comme l’affirmation de nous-mêmes, le retour à notre propre identité, la découverte de notre propre « moi ». Ce n’était pas du tout une théorie raciste renversée, prendra-t-il soin de préciser. Pour celui qui fut aussi maire de Fort-de-France jusqu’en 2001, député de gauche (communiste puis socialiste) de 1946 à 1993, cet hommage marque une étape, car elle s’inscrit dans tout un mouvement de mémoire sociale de la colonisation et de l’esclavage qui émerge depuis plusieurs années

Au XVIIIe siècle, à l’origine de cette nécropole qui, à travers les siècles, a accueilli les plus grands pour la postérité, il s’agissait d’un édifice construit pour recevoir les reliques de sainte Geneviève. Mais en 1971, à la mort de Mirabeau, l’idée d’en faire un monument pour l’histoire de la France et ceux qui l’ont marquée est née. Une telle pratique était déjà en place en Grande-Bretagne où les tombes des grands personnages étaient réunies à Westminster. Aujourd’hui, on compte 71 tombes ou urnes funéraires de personnalités au Panthéon. Petit détail au passage, non sans importance, une seule femme (Marie Curie) fait partie des personnalités honorées.

L’hommage rendu aux personnalités de la Nation ne se traduit pas nécessairement par le transfert du corps du défunt au Panthéon. On trouve au Panthéon les noms de personnalités tels que des écrivains et soldats morts pour la France, inscrits sur des plaques. Dans le cas d’Aimé Césaire, c’est une gigantesque fresque, composée de portraits évocateurs de quatre périodes de la vie du poète, qui sera installée au c ur de la nef. Le corps du grand poète et homme politique martiniquais décédé en 2008, restera, conformément à sa volonté, en Martinique aux Antilles. Notre père est bien à sa place, entre ces deux grandes figures, estime Michèle Césaire, l’une de ses filles. Pour Jacques Césaire, son fils aîné, le plus bel hommage reste toutefois que son uvre soit publiée et diffusée, lue et relue dans les écoles. La cérémonie sera diffusée en direct depuis deux écrans situés place du Panthéon. Elle sera aussi diffusée en direct sur France O et France 2. L’accès au Panthéon sera gratuit jusqu’à dimanche inclus.

La présence de collégiens et de lycéens de la Martinique et de tous les collèges et lycées français portant le nom d’Aimé Césaire, lors de la cérémonie, témoigne de ce souci de la jeunesse, chère à celui qui fut enseignant au lycée de Fort-de-France, avant de devenir pour beaucoup un maître en émancipation. Cette entrée au Panthéon devrait contribuer à faire connaître les écrits flamboyants inscrits au programme du baccalauréat depuis 1994. Poésie, théâtre, mais aussi essais (dont Cahier d’un retour au pays natal, La Tragédie du roi Christophe ou le Discours sur le colonialisme), qui ont fait du petit écolier de Basse-Pointe, arrière-petit-fils d’un esclave issu d’un milieu agricole modeste, la figure tutélaire d’une littérature antillaise humaniste, revendiquant ses racines comme son ouverture au vaste monde. Aux grands hommes, la patrie reconnaissante! Brave, Aimé CÉSAIRE l’était. C’est donc à juste titre que sa mémoire est honorée ce 6 avril 2011, trois ans après sa mort. Une belle épitaphe en somme !

Aimé Césaire en interview
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Le journaliste et écrivain Ferdinand Mayega partage la cause des pauvres

«Chaque chose peut avoir une fin»

Qui est Ferdinand Mayega, journaliste-chercheur?
Ferdinand Mayega est un Camerounais d’origine qui réside au Canada. Cela fait un peu plus de trois ans que j’ai déposé mes valises dans la province francophone du Québec. Je suis journaliste de profession en exercice depuis 1997. Je m’intéresse également à la recherche en économie du développement. Âgé de 34 ans, je suis le benjamin d’une famille modeste de cinq enfants qui ont grandi à New-Bell. Malgré le décès de notre papa en 1979, le souci de notre maman a toujours été d’éviter la délinquance à ses enfants.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous orienter vers le journalisme et les médias?
Je me suis orienté vers le journalisme parce que je suis passionné de cette profession et d’autres circonstances m’ont influencé dans le choix du plus beau métier au monde. Il m’a semblé très tôt que j’avais toutes les aptitudes naturelles à réussir dans le domaine de la communication médiatique pour devenir un bon chevalier de la plume ou du micro. C’est la raison pour laquelle j’ai effectué une formation dans le domaine. Ensuite, le processus de démocratisation au Cameroun avait une courbe en forme de J parce que c’était une véritable descente en enfer dans les années 1990. Enfin, la paupérisation croissante de la population camerounaise marquée par un dualisme social profond entre une poignée de riches et une masse de pauvres interpellait ma conscience d’utiliser la plume pour dénoncer la gestion chaotique et patrimoniale de l’État.

Et la recherche?
Mon amour pour la recherche en économie du développement remonte aussi à mon jeune âge. Né à New-Bell, l’un des quartiers les plus pauvres d’Afrique comme Kibera à Nairobi au Kenya, j’ai observé très tôt la fracture sociale profonde de la société camerounaise. Dans mon adolescence, j’allais souvent du côté de Bonapriso parce que j’habitais non loin de ce quartier des nantis. J’avais eu l’occasion d’observer de belles maisons et la vie descente de ses habitants. Ensuite, j’allais jouer également au football ou faire du footing du côté de Bonapriso avec d’autres jeunes de mon quartier. Je me suis rendu compte qu’à Bonapriso, la vie était beaucoup plus meilleure et totalement différente de celle de mon milieu de vie. Ceux qui y vivaient étaient des Européens ou des Camerounais fortunés. Et la question qui traversait mon esprit était celle de savoir pourquoi d’un côté du même arrondissement, il y avait les riches peu nombreux et de l’autre côté, de nombreux citoyens pauvres qui vivaient dans le goulag de la pauvreté, le virus de la misère. C’était une forme d’apartheid social dont je voulais comprendre les fondements et analyser la problématique pour le développement d’un pays comme le Cameroun. C’est la raison de mon intérêt pour le développement de l’Afrique d’une manière générale.

On se rend compte que cela vous a inspiré pour certains de vos écrits?
Pendant de nombreuses années au Cameroun, Bonapriso et New-Bell ont été mon laboratoire d’étude, mon champ d’analyse et d’expérimentation dans le cadre de mes recherches pour évaluer la bonne gouvernance au Cameroun. Avant mon départ pour le Canada, j’avais publié en janvier 2006, un article dans Jeune Afrique Économie qui avait pour titre: «Chômage et pauvreté au Cameroun: Le cas de Bonapriso et New-Bell». C’était le fruit d’un travail d’enquête minutieux de plus de 6 mois qui présentait le visage du Cameroun où la corruption est devenue systémique et endémique. Les pauvres même éduqués ont moins de chance de trouver l’emploi pour améliorer leur condition de vie ou de statut social parce qu’ils n’ont pas un réseau de contact ou un parent bien placé au pays. Le physicien Albert Einstein disait qu’un chercheur est un être idéal qui radiographie, la nature dans une totale neutralité. C’est aussi pourquoi le chercheur est généralement un ébionim c’est-à-dire quelqu’un qui méprise les richesses parce que la recherche permet la libération matérielle de l’Homme, condition nécessaire de sa libération spirituelle et morale pour reprendre l’expression du physicien français Paul Langevin. Voilà un peu plus détaillé l’importance que j’accorde au journalisme et à la recherche.

Qu’est-ce qui est à l’origine de votre départ du Cameroun et pourquoi votre choix s’est-il porté sur le Canada?
J’ai quitté le Cameroun parce qu’il était temps de partir de ce pays. Le plus rapidement. Il fallait prendre le recul nécessaire tout en continuant d’observer activement la situation socioéconomique et politique du Cameroun. Mon départ est le fruit de nombreuses déceptions et des craintes d’une atmosphère explosive. Mon choix du Canada a été motivé par la présence de ma s ur vivant au Québec depuis 25 ans et de mon frère résidant dans ce pays depuis 17 ans. Cette s ur est haut fonctionnaire d’un ministère au Québec pendant que le frère est un spécialiste des réseaux sans fil qui travaille pour une multinationale dans le domaine de l’informatique au Québec. Tous les deux ont fondé des familles et j’ai donc une grande famille au Canada. C’est pourquoi, je n’ai pas le sentiment d’être isolé totalement et de voir peser le poids de la distance du Canada avec mon pays d’origine. Je dois dire que Dieu a aidé notre modeste famille de New-Bellois qui revendique fièrement sa New-bellité et New-bellitude à se rendre compte que l’éducation est la base de la liberté. C’est la source de toute velléité de lutte pour la justice et d’amélioration des conditions de vie. En dehors de ces deux aînés au Canada, j’ai un autre frère qui est l’un des meilleurs experts africains du réchauffement climatique formé en Grande Bretagne et une s ur dans le domaine de l’habillement. Chacun de nous est autonome. C’est la preuve qu’il n’y a pas de déterminisme pour qu’une famille pauvre soit condamnée à vivre toujours dans la pauvreté. Chaque chose peut avoir une fin.

Comment s’est effectuée l’adaptation à votre nouvelle vie?
L’adaptation à ma nouvelle vie s’est effectuée sans trop de difficulté. Malgré l’hiver rude et les différences culturelles pour un Africain au Québec, les choses se passent assez bien jusqu’ici.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué depuis votre arrivée au Canada?
J’ai été marqué par l’hiver rude de ce pays et sa superficie presque équivalente à celle de tout le continent européen ou plus de 25 fois celle du Cameroun. J’ai aussi été frappé par le développement spectaculaire du Québec qui est sorti de sa situation de société rurale pour entrer dans le peloton de tête des sociétés industrielles prospères et de s’y maintenir. Cette transformation s’est opérée en l’espace de 25 ans grâce au grand réformateur et Premier ministre québécois Jean Lesage. Son slogan: «Maître chez nous». C’était, d’après l’homme d’État, le temps que ça change. Et les choses ont bien changé en moins de trois décennies. Aujourd’hui, le Québec a pu se construire une pyramide de la prospérité grâce à l’économie du savoir ou de la matière grise.

À quoi ressemble la vie d’un journaliste free-lance au Canada?
Le journaliste indépendant peut bien gagner sa vie au Canada s’il est reconnu pour son travail journalistique. Ainsi, il peut être sollicité par certains médias canadiens ou ailleurs dans le monde pour réaliser des enquêtes, des reportages ou des entrevues, etc. Je suis par exemple le cybermentor de plusieurs jeunes de l’enseignement secondaire au Québec qui aimeraient faire carrière dans le journalisme dans le cadre d’un travail bénévole pour un organisme au Québec. Ces jeunes me posent toutes les questions sur la formation et l’exercice du journalisme. C’est une forme de reconnaissance qui vaut beaucoup plus l’argent.

Ferdinand Mayega en compagnie d’Yves Lévesque-maire de Trois-Rivières
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Parlons de votre livre. A-t-il été écrit en anglais aussi?
Compte tenu du fait que le livre a paru en début juin, il est encore trop tôt pour évaluer la vente du livre dans sa version française. Il est vrai qu’il y a un réel engouement pour l’ouvrage. Nous comptons faire traduire cet ouvrage en anglais pour une large diffusion.

Mis a part les auteurs que vous avez rencontré, qu’est-ce qui vous a motivé d’autre à l’écrire?
Ma principale motivation était d’apporter ma modeste contribution au débat sur la problématique du développement de l’Afrique. Dans cet ouvrage, j’ai jugé utile de présenter ma théorie des relations Nord-Sud. C’est un travail de recherche mené entre 1995-1996. J’avais d’ailleurs écrit à l’éminent économiste français Patrick Guillaumont en 1998 pour préfacer mon ouvrage qui traitera de la problématique de l’aide au développement et des relations Nord-Sud. Le Pr. Guillaumont est le directeur du Centre de recherches et d’études pour le développement international (CERDI) de l’université de Clermont- Ferrand en France. Grâce à ce livre, mon souci est d’interpeller la classe politique africaine à associer sa diaspora au développement du continent. Dès lors, il faut créer des conditions propices pour attirer l’expertise de la diaspora.

Comment se porte la promotion de votre livre au Cameroun?
Nous faisons la promotion du livre au Cameroun à travers plusieurs moyens d’informations et les réseaux de contact. Je travaille en étroite collaboration avec une attachée de presse de l’Harmattan à Paris. Compte tenu du fait que le livre a paru en France en juin, le livre sera disponible au Cameroun dans quelques semaines parce que l’acheminement par voie maritime prend quelques semaines. C’est donc vers fin juillet que le livre sera disponible au Cameroun. Mais il faut dire que le livre s’adresse à tous les Africains et aux personnes qui s’intéressent au développement du continent.

Envisagez-vous un retour au Cameroun?
Je suis Camerounais d’origine et pour cette raison, je ne peux pas me couper éternellement du pays. C’est donc probable que je rentre un jour au pays. Mais pour l’instant, j’ai encore beaucoup à apprendre et plusieurs projets à réaliser dans un environnement qui favorise le plein épanouissement intellectuel. Ma présence au Canada m’a aidé à savoir comment le Québec a amorcé son take-off ou décollage économique. Il est probable que j’écrive un ouvrage au sujet du développement du Québec. De même, il n’est pas exclu que dans cinq ans, je décide de m’établir en Chine et en Inde respectivement pour une année afin d’étudier le développement spectaculaire de ces deux pays dans le cadre de mes recherches. Ainsi, je pourrai écrire un livre sur le progrès rapide de chacun de ces États émergents, membre du G20.

Qu’est-ce qui vous manque de ce pays?
Beaucoup de choses me manquent mais je suis obligé de supporter. On peut avoir le meilleur environnement pour son épanouissement ailleurs dans le monde. Mais on reste toujours très attaché à la terre natale. Orphelin de père à 3 ans, je suis resté très lié à notre maman, surtout que je suis le benjamin de la famille. Cela peut paraître surprenant d’affirmer aussi que New-Bell où j’ai grandi me manque. C’est dans ce milieu bondé de Camerounais pauvres et oubliés par la classe dirigeante que j’ai pris conscience dans ma jeunesse pour lutter contre les injustices de la société et à analyser la situation peu honorable des démunis de notre pays et du monde face à l’opulence d’autres citoyens. Le sourire des New-Bellois me manquent comme celui de nombreux citoyens modestes de mon pays. Ces laissés pour compte du Cameroun et d’autres pays africains interpellent ma conscience au quotidien. Le petit peuple de mon pays me manque. J’ai toujours été plus proche des milieux modestes que des milieux des gens aisés qui ne s’intéressent pas aux conditions difficiles des autres personnes. Entre 2000 et 2003, j’avais réalisé le premier documentaire historique sur la cité de New-Bell. Son titre: «New-Bell: Histoire lointaine et contraste de la modernité» Ce film de 52 minutes présentait le chemin parcouru de New-Bell entre le 15 janvier 1913 et 2003. Il est important de souligner que le 15 janvier 1913, c’est la date de fondation de cette cité grâce à la politique d’expropriation des terres instituée par M. Karl Ebermaier, le 6ème gouverneur allemand du Cameroun, avec l’appui de son ministre des colonies Von Solf. À travers ce documentaire, je voulais présenter aux habitants de New-Bell, l’histoire de leur cité qui va fêter son centenaire en 2013.

En compagnie de deux journalistes du quotidien « La Presse » de Montréal
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Ecrans noirs: Quelle adaptation cinématographique de la littérature en Afrique

La question est au centre d’un colloque animé par des cinéastes et écrivains. Ils ont donné leur sentiment au terme de la 1ere journée.

Il s’agit de travailler les modèles qui existent et les rendre modernes, voire futuristes
Je pense que le travail qui est le nôtre est d’abord un travail de recherche, c’est-à-dire que nous devons chercher et retrouver les formes de narration que nous avons déjà en nous-même et que nous utilisons au quotidien sous un autre format dans la conversation. Il s’agit de travailler les modèles qui existent et les rendre modernes, voire futuristes. Nous pouvons innover pour être à la tête d’une manière de faire et de raconter les histoires. Et je vais prendre un exemple, lorsque vous voyez des films avec des flash-back, dans les récits de tous les jours on a recours à cette forme de présentation du réel. Donc je ne crois pas qu’il s’agit d’être dans un modèle qui consiste à suivre le chemin tracé par les occidentaux, même si c’est pour nous ; chez eux cela est conforme à leur histoire. Il y a d’abord eu le théâtre, puis la littérature et enfin le cinéma. Chez nous, tout cela est arrivé en même temps et sous une forme définitive pour nous et en construction chez les occidentaux. Nous ne devons pas essayer de suivre leurs processus, nous devons créer notre modèle dans ce domaine. Pour moi il y a un concept qui m’amuse toujours ; lorsqu’on dit cinéma africain, c’est un concept qui est proposé par les européens. En musique moi j’aime bien lorsque parlant d’un rythme africain, on dit par exemple que ça c’est du Ndombolo. Vous voyez on ne dit pas danse africaine, on dit le Ndombolo. Alors c’est la même chose si on donne une identité à notre cinéma voilà comment on peut arriver à créer un cinéma spécifiquement africain.

Jean pierre bekolo, réalisateur et professeur de cinéma
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Mon sentiment au départ est celui d’une très grande tristesse
Le cinéma dans un pays comme le Cameroun ne devait pas être dans cet état. Que le Cameroun n’ait pas de salle de cinéma c’est à ne rien comprendre. Quand j’étais jeune à douala, il y’avait de nombreuses salles de cinéma. Qu’on ne nous dise pas que c’est la télévision qui a tué le cinéma, ce n’est pas vrai sinon pourquoi seulement au Cameroun et pas ailleurs? Et puis cela me fait penser à ce qu’on se disait ce matin, on nous dit que c’est parce qu’il y a la télévision qu’on ne peut pas lire je dis ce n’est pas vrai; il n’y a aucune raison pour qu’on ne puisse pas lire. Je crois qu’il y a un vrai besoin de politique littéraire et cinématographique dans ce pays. Regardez par exemple un colloque comme celui-ci sur le thème cinéma et littérature, je suis présent, Jean pierre Bekolo est présent et d’autres personnalités majeures du cinéma et de la littérature en Afrique, mais il y’a peu d’étudiants. Et plus grave, les universités ne nous contactent pas pour profiter de notre présence, alors qu’il y a des départements de cinéma et de littérature. D’un autre côté, il y a un sentiment d’espoir. Qu’on en soit à la 14ème édition des écrans noirs, ce n’est pas rien. Au départ, personne n’aurait parié sur les écrans noirs. Il a survécu et il s’améliore. On est passé d’une simple rencontre à un festival primé et on y organise des colloques d’un tel niveau et ça, c’est absolument à féliciter. De même je me rends compte que le cinéma avance au Cameroun. Il y a des jeunes gens créatifs et qui se battent avec peu de moyens et on sent qu’ils veulent que ça marche.

Gaston Kelman, écrivain
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Je suis absolument pour un cinéma libre par rapport à la littérature
Si je lis un livre qui me fait rêver et que je vois que je peux y parvenir en faisant rêver les autres je dis ça c’est un livre adaptable. mais les cinéastes ont le droit de se donner des libertés. Le cinéaste est cinéaste déjà, musicien, peintre, danseur, costumier, donc lorsqu’un cinéaste entre dans un livre, il y va en pensant à tous ces métiers et à tous ces aspects-là. La conséquence est que je prends des libertés pour pouvoir emmener celui qui va voir le film à cerner ce que j’ai envie qu’il comprenne. Parce que la description littéraire d’une couleur par exemple n’est pas palpable. C’est le cinéaste qui lui donne une forme, une intensité et une orientation pour le cinéphile et pour ça il doit être libre. D’un autre coté le cinéaste c’est quelqu’un qui aborde un livre avec ses expériences personnelles. Une de ces expériences peut se retrouver dans ces livres là ; alors le cinéaste en tant qu’artiste doit pouvoir faire ressortir tous ces éléments subjectifs de la perception qu’il se fait d’une uvre littéraire. Je suis absolument pour un cinéma libre par rapport à la littérature. Je veux être compris. La littérature même si elle peut inspirer le cinéma est très différente. La littérature est un art solitaire ; on peut être dans son univers imaginaire et écrire un roman. Mais avec le cinéma il va falloir compter avec les autres (acteurs, machinistes, ingénieurs de son et tous ceux qui interviennent dans la production), le cinéma est art collectif.

Mansour Sara Wade, cinéaste sénégalais
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La bonne adaptation est celle qui tient compte de l’ouvrage littéraire dans son entièreté
Selon moi, il faut que l’auteur fasse une distanciation entre lui et son uvre. Cela permettra au scénariste de pouvoir s’en approprier. D’un autre côté, il faudrait que le scénariste ou le réalisateur sente l’ouvrage qu’il est en train de vouloir adapter. S’il ne le sent pas il ne pourra pas en décoder les sens profond. Troisième point, il faudrait qu’il y ait une vision complémentaire entre le scénariste et l’écrivain. On a besoin de savoir ce qui a motivé sa décision d’écrire son uvre. Alors pour moi je maintiens que si on ne peut pas faire un effort de restituer avec une certaine fidélité la pensée d’un écrivain alors on laisse son oeuvre. J’ai par exemple aimé «le prix du pardon», ce n’est pas parce que Mansour est là, mais j’ai lu l’histoire et j’ai vu le film, je pense que pour ce qui est du Sénégal c’est la meilleure adaptation au cinéma d’une uvre littéraire. Je ne connais malheureusement pas des films camerounais, j’ai beaucoup aimé le grand Blanc de Lambaréné, mais bien évidement cela fait trop longtemps.

Sohkna Benga, littéraire sénégalaise et scénariste
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Je suis heureux de voir tous ces participants
Je suis très heureux pour ce qui est des participants, voir réunis comme ça autour d’une table Jean pierre bekolo, Gaston Kelman et des grands cinéaste et littéraire sénégalais, et surtout de pouvoir discuter avec eux, c’est quelque chose que je n’imaginais pas pouvoir faire un jour. Ils ont chacun, son point de vue défendant, apporté des éclairages sur un certain nombre de concepts qui jusque-là pour nous relevaient plus de la théorie. C’était un bonheur pour moi. Je déplore malheureusement une participation presque nulle des étudiant en cinéma et je dis c’est déplorable. Ils ont raté quelque chose de part ce que nous avons pu apprendre aujourd’hui. Je suis aussi interrogateur sur la suite à donner au colloque. Après ce colloque s’il n’y a pas de suivi le problème reste entier. Jean pierre Bekolo l’a dit: il est important qu’on puisse s’approcher de ceux qui connaissent déjà afin d’apprendre. Un apprentissage qui se fera par la pratique. Donc il faudrait je pense que soit mis un cadre qui puise permettre aux étudiants en cinéma de pouvoir pratiquer l’art du cinéma.

Henock Arcene Raoul, étudiant
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L’écrivain camerounais André Ekama a obtenu le prix du meilleur auteur Africain 2007/2009 en Allemagne

«Je ne regrette pas d’être parti du Cameroun puisque je fais sa fierté là où je me trouve et suis un étendard»

Depuis plus de 22 ans vous êtes installés en Allemagne, quel souvenir gardez-vous du Cameroun?
Le Cameroun est ma terre natale et elle demeure dans mon c ur. Lorsque j’y retourne très souvent je ressens cette chaleur et me remets dans ma source. Ne dit-on pas souvent : nul n’est étranger chez soi. Donc, je suis à la maison, dans la famille. J’y vais régulièrement pour me ressourcer et m’inspirer car je suis un écrivain et reconnaît en moi les valeurs profondes de ma terre qui me forgent même en étant distant d’elle ou comme j’aime bien le dire «dans l’autre rive».

L’on croise vos traces sur la toile où vous êtes très actif, est-ce que vous vous ennuyez?
Je suis très actif non pas seulement sur la toile mais aussi au réel. Car n’oublions pas que l’écriture est l’expression de notre pensée. Chaque message que je mets à l’attention du grand public est une marque d’engagement de mon Être dans la recherche du dialogue en communauté et je me cultive lorsque je lis les arguments des autres confrères. Donc je comprends que ma vision singulière peut arrimer avec celle des autres et s’étendre encore plus même sur des réflexions qui ne me sont pas venus en esprit au moment que j’ai pensé. Donc la toile est une plate forme d’apprentissage, de connaissances et d’échanges. Je ne saurai m’ennuyer sinon faire partager ma pensée serait une oisiveté de ma part. Non!

On se rend compte qu’à côté de votre activisme, vous êtes écrivain et avez plusieurs récompenses à votre actif parlez nous de cette motivation?
J’ai une passion pour l’écriture qui ne date pas d’aujourd’hui. A 14 ans je commençais déjà à mettre sur papier tout ce qui me venait en mémoire ou qui séduisait ma pensée. Arrivé en Allemagne j’ai poursuivi cette passion malgré les études de mathématiques qui me préoccupaient. Mais au fil des années, mes papiers augmentaient, je ne voulais pas encore publier pour ne pas trop me distancer de mon quotidien «de bon matheux». J’ai terminé mes études et débuter ma carrière, j’ai pensé enfin exploiter mon talent. Ce fut la grande surprise, même pour mes proches amis qui ne me reconnaissent plus et se demandent tous comment j’ai pu passer de la mathématique, science rationnelle, à l’écriture. C’est ainsi que je vais sortir mon premier livre en allemand «Etre Noir dans les Cieux Blancs» en 2007. C’est un recueil de nouvelles sur la situation des Africains dans une nouvelle terre mais avec une note d’optimisme. Ils affrontent les réalités mais se battent pour s’en sortir. Ce livre là m’a valu de faire le tour d’Allemagne. J’ai connu au travers de mes lectures tous les Bundesländer après sa sortie et rencontré plus de 6000 personnes pendant ma tournée.

«Le candidat solitaire», dans un environnement et une langue pas très communs vous écrivez pour qui?
J’ai été au Sénégal et le public était curieux de savoir en quelle langue je rêve. J’écris pour les lecteurs germanophones. Je vis dans la société allemande et voudrais y contribuer au dialogue des cultures, je ne peux qu’écrire dans une langue commune. Les Africains qui y résident parlent tous allemands et n’ont pas de choix s’ils veulent évoluer. J’écris sur nos réalités et veux par mes uvres non pas créer la polémique mais plutôt ramener un état de conscience sur les problèmes d’intégration et une répugnance sur le zèle xénophobe ancré en certains.

Les mathématiques sont assez éloignées de la littérature, d’où vous viennent votre engouement et votre motivation?
J’ai lu les grands savants comme Blaise Pascal ou Leibnitz. Ils étaient à leur temps d’imminents scientifiques et pour la plupart aussi de bons écrivains. Je crois que si un Noir répond dans ce sens, ce n’est pas un tort. La Mathématique est la mère des Sciences et j’utilise la littérature non par des symboles mais par une logique de ma pensée rationnelle pour m’ouvrir au c ur du monde.

Votre prochain challenge c’est quoi?
J’aimais lire mon nouveau testament et faire peser les Saintes Ecritures avec les réalités que je rencontrais. Seulement quand j’étais au Cameroun, mes parents étaient préoccupés à me voir faire des mathématiques. Je leur suis très reconnaissant pour le dynamisme et la modestie qu’ils m’ont imprégné. Je salue tous mes enseignants qui ont forgé mon devenir. A eux tous je dédierai mon prochain livre sur les 50 ans du Cameroun qui sera intitulé «Miroir de ma Terre patrie».

On se rend compte que vous abordez des thèmes proches de l’immigration, vous regrettez d’être parti du Cameroun?
Je touche les thèmes liés à l’immigration puisqu’ils sont de grande actualité et nous les vivons au quotidien en Occident. Un auteur doit pouvoir cadrer avec les problèmes sociaux du moment. Au temps des Senghor il était question de Négritude. On sortait de la colonisation et voulait parler au-delà de cette peau qui habite notre âme africaine. Les temps ont beaucoup changé mais parfois nous ressentons les mêmes réflexes affichés par certains. D’où la nécessité d’intervenir surtout pour que les enfants qui naissent comprennent que ce monde est global. Les problèmes de l’Afrique sont aussi dans une certaine mesure liés aux indigences occidentales. Je ne regrette pas d’être parti du Cameroun puisque je fais sa fierté là où je me trouve et suis un étendard. Vous pourrez constater que partout où je tiens des lectures en Allemagne ou en Autriche, on dira «Der Kamerunischer Autor». Donc c’est ce Camerounais qui vient décrier mais qui apporte aussi car je suis un prometteur de la culture aussi.

Etait-ce un choix de partir et de demander la nationalité allemande?
Ce choix n’est pas matériel. Il est émotionnel et je l’assume parce que je voulais mieux me rapprocher de l’âme allemande même en ayant des racines noires.

André Ekama, l’écrivain
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Est-ce que le Cameroun vous manque?
Le Cameroun me manque parce que je suis loin de lui mais je contribue aussi de loin pour le faire rayonner à mon niveau. Je suis Président d’Honneur de la Jeunesse Active en Technologie du Cameroun. C’est une Association de Jeunes basée au Cameroun et je leur apporte mon soutien. Le Cameroun me manque parce que je ne peux que le comprendre à distance. Mais j’en demeure présent par ce qui fait sa fortune, donc solidaire de tous ses maux, mais aussi de ses progrès.

Comment appréciez-vous le comportement des Camerounais de la Diaspora en général?
La Diaspora est diverse. Elle a plusieurs centres d’intérêts et parler d’elle en généralisant est une erreur des médias au Cameroun. Il y a une diaspora camerounaise impliquée dans l’économie et le bien communautaire au Cameroun. Il y a une diaspora camerounaise qui recherche par la culture le rapprochement entre les valeurs camerounaises et occidentales, bref un métissage enrichissant et il y a une diaspora qui veut voir les choses bouger comme cela est dans le pays d’accueil. Dans les domaines de l’éducation, de la santé de la transformation de la société et de son essor. Donc une diaspora qui laisse cours à l’activisme implicative est-elle celle là qui est coupée des réalités du Cameroun? Comme nous l’entendons de beaucoup d’hommes aux commandes? Je crois que ce sera intéressant que les politiques du Cameroun acceptent le droit de vote, la reconnaissance de la double nationalité et un ministère de la Diaspora Camerounaise. Lequel serait chargé de converger toutes les initiatives et recenser pleinement les Camerounais de la diaspora en concertation avec toutes les initiatives sur place.

Pour ceux qui ont lu cette interview comment vous présenterez-vous?
Je suis âgé de 42 ans, un homme prolixe. Né au Sud du Cameroun à Lolodorf et après mes études primaires et secondaires au Lycée General Leclerc de Yaoundé je m’envole pour l’Allemagne de l’Est ou je fais des études de mathématiques. Après plusieurs années en Allemagne je m’intéresse à la promotion de la culture et la politique. Je suis élu membre du Conseil des migrants de Mannheim. Je me porte candidat à la Mairie de Mannheim d’abord pour le poste de Maire Adjoint en charge de la culture et du social et après je participe aux élections municipales dans la même communauté pour le conseil municipal. Je suis Président de l’ONG Africa Culture Rhein-Neckar, Directeur de l’Institut Culturel Africain de Mannheim. J’ai obtenu le Prix de meilleur auteur Africain 2007/2009 en Allemagne décerné par la Fondation Jeunesse Africaine www.ayf.de. Aujourd’hui je compte cinq livres. Et j’attends impatiemment la sortie de mon sixième livre bientôt.

André Ekama
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Simon Eloundou, un écrivain à part

Handicapé moteur, cet ex-étudiant de l’Université de Ngoa-Ekellé est un poète et écrivain engagé.

Certaines personnes se moquent beaucoup de moi. Il y en a qui me prennent pour un fou. D’autres ne me considèrent pas du tout. Mais ça ne me gêne pas.
Simon Eloundou

Sa force de caractère est la première image qui marque tous ceux qui font sa connaissance. Simon Eloundou, 26 ans et handicapé moteur n’a pas besoin d’aide et tient à le faire savoir. Il veut se réaliser par lui même car « j’ai déjà un esprit mûr! Les autres ne doivent pas penser à ma place! Et lorsque j’ai un problème, j’appelle mon avocat », martèle le jeune poète. A 22 ans, Simon est auteur de deux ouvrages parus aux éditions Terre Africaine. Il s’agit de L’enfant africain (2006) et de Où vas-tu? (2008). Ce sont des recueils de poèmes philosophiques. Il travaille également sur ses essais ainsi que sur plusieurs projets. Et même si son handicap porte un coup sur son charisme à son passage, toute personne attentionné devrait pouvoir à la qualité de ses vêtements le différencier d’un mendiant. « Certaines personnes se moquent beaucoup de moi. Il y en a qui me prennent pour un fou. D’autres ne me considèrent pas du tout. Mais ça ne me gêne pas. On n’est pas roi chez soi. On est roi en occident », observe le poète.

J’étais très actif au lycée. Ça a permit que je sois très longtemps membre au parlement des enfants Et là, j’écrivais déjà. Je participais à des concours de littérature et de poésie.
Simon Eloundou

Dans ses uvres, Simon Eloundou s’interroge surtout sur le devenir des jeunes. Seulement, il doit se confronter à la dure réalité du pays. « Il n’y a pas de financeurs pour les uvres littéraires. Et je suis appelé à me battre pour me faire un nom », révèle l’écrivain. Sa carrière, il la doit à des philosophes comme Jean jacques Rousseau ou Ebenezer Njoh Mouelle dont il a parcouru les uvres de bout en bout. Mais il tient à préciser que ce dernier est « le philosophe qui m’a toujours passionné dans ses réflexions. Je parle de l’ uvre et non de l’homme qui a viré dans la politique ». Il est atteint du virus de la littérature alors qu’il est au lycée de Tsinga. « J’étais très actif au lycée. Ça a permit que je sois très longtemps membre au parlement des enfants Et là, j’écrivais déjà. Je participais à des concours de littérature et de poésie », raconte t-il. Sa vie scolaire, Simon la commence au centre national des handicapés où il obtient son Cepe en 1998. Au lycée de Tsinga, il s’illustre brillamment et fait abstraction de la seconde pour obtenir son baccalauréat en 2003. A l’université de Ngoa-Ekellé, il s’inscrit à la faculté des Lettres modernes françaises. Seulement, « j’ai arrêté parce que le suivi n’était pas adapté pour moi ». Dès lors, il se lance dans ses réflexions littéraires et en fait son métier: « c’est vrai que la littérature n’est pas considéré comme une véritable profession. Mais de temps à autres, je participe à des projets pour lesquels on me sollicite », laisse t-il entendre. Il nous signale en outre que ces activités lui permettent de vivre de façon décente.

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Je veux écrire un livre sur Manu Dibango
Mais la difficulté majeure pour lui demeure la promotion de ses ouvrages. Si le premier livre a connu du succès tant au plan de la publicité qu’au plan des ventes, le second, paru en novembre 2008 est en mal de promotion. « J’ai déposé des exemplaires dans plusieurs rédactions, mais aucune n’en a fait des notes de lecture », se plaint-il. Cet état de choses ne saurait toutefois le décourager. Car le rythme de la vente de son ouvrage lui permet de penser que les lecteurs se passionnent à la lecture de son ouvrage. Sa plus grande ambition est de publier tous ses livres et les faire lire dans le monde pour faire revivre la littérature proprement dite. De même, il voudrait produire les uvres des jeunes qui comme lui savent ce qu’ils veulent. Pour l’heure, il aimerait constituer une équipe managériale qui puisse travailler autour de ses actions littéraires. Et parmi ses projets, figure un roman sur Manu Dibango, le métropolitain de Yabassi qu’il commencera bientôt, et un autre qui sera une narration en Ewondo.

A la question de savoir s’il en veut à la nature pour ce terrible mal qui le suit partout, Simon rit avant de répondre: »je ne suis pas complexé. Pourquoi en vouloir à la nature? Je ne reproche rien à personne ». Ses temps perdus, le poète les passe dans des cabarets. Il aime également regarder du sport à la télévision ou écouter de la musique, en particulier du Jazz. Mais au-delà de tout, il se plaît à la lecture. Coté jardin secret, ce fils de père Eton et de mère Ewondo aimerait déjà se marier: »c’est difficile, pas en matière d’argent. Mais j’ai connu plusieurs filles qui m’ont démontrées qu’elles ne peuvent vivre avec moi que si j’ai de l’argent. En grosso modo, je veux une femme qui va m’aimer, m’apporter un plus dans ma vie, qui sera posée et de bonne éducation » dispose t-il.

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