Huiles végétales: Les raffineurs locaux obtiennent gain de cause auprès du PM

Le chef du gouvernement a instruit, au début du mois de juin, le ministre des Finances d’annuler toutes les autorisations d’importations d’huiles végétales raffinées à la valeur transactionnelle

C’est peut être un tournant dans les actions de plaidoyer effectuées depuis plusieurs mois par l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc), en vue de limiter l’importation des huiles végétales. Dans un fax émis le 03 juin 2015, et dont Journalducameroun.com a obtenu copie, le secrétaire général des Services du Premier ministre instruit au ministre des Finances de prendre diverses mesures pour «sauver la filière des oléagineux dont certaines usines sont en cours de fermeture avec risque d’une crise sociale liée à la mise en chômage des milliers d’employés».

Parmi les instructions du Premier ministre, on relève: Le contrôle systématique des containers de brocante pour détecter les cargaisons d’huiles raffinées dissimulées; La relance des activités du Comité de pilotage et de coordination de la fortification alimentaire logé au ministère de la Santé publique; l’organisation d’une «opération coup de poing» sur le terrain pour «assainir ce segment du marché» et le renforcement des contrôles aux frontières.

Le chef du gouvernement recommande surtout «l’annulation sans délai de toutes les autorisations d’importation d’huiles végétales raffinées à la valeur transactionnelle accordées à date»; et «l’application stricte du prix de référence pour toutes importations desdites huiles (.) y compris en régularisation sur les cargaisons déjà entrées sur le territoire national».

Pour mieux comprendre ce dernier point, une décision du ministère des Finances et de la direction générale des Douanes datant de mars 2009, fixe un prix de référence pour la commercialisation d’un litre d’huile végétale raffinée à 1500 F CFA en tenant compte des différents coûts qui interviennent dans la fixation du prix de revient, évalué pour sa part à 1416 F CFA. Les cargaisons importées doivent ainsi tenir compte de ce prix de référence. L’Asroc décrie régulièrement les pratiques de nombreux opérateurs qui importent des huiles en déclarant plutôt la valeur transactionnelle au niveau des douanes (signifie que l’importation se fait au prix payé sur présentation de la facture d’achat) au lieu de s’acquitter des taxes exigibles en déclarant le prix de référence. Toutes choses qui plombent, d’après les raffineurs locaux, le tissu industriel national.

Affaires malheureuses
Le Fax du Premier ministre cite nommément deux sociétés : Africa Food Distribution et Compagnie des produits pétroliers de l’Equateur, dont les cargaisons importées et présents sur le territoire ont été jugées irrégulières.

La société Africa Food Distribution a reçu un certificat de conformité délivré par l’Agence des normes et de la qualité (ANOR) le 18 novembre 2014 pour une liste de produits alimentaires dont de l’huile végétale raffinée de marque «Broli». Quatre mois auparavant, la société avait été autorisée par le ministre des Finances à importer 10.000 tonnes d’huile végétale raffinée en valeur transactionnelle, en vue de mettre à la disposition des Camerounais des «produits ayant un meilleur rapport qualité/prix».

Pour assurer ses importations elle a contracté un crédit d’un milliard de F CFA auprès de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec). Ayant constaté qu’elle ne pourrait écouler sa marchandise, du fait des contrôles du ministère du Commerce – acquis à la cause des raffineurs locaux – la société et la Banque, qui entrevoyait la difficulté pour le client de rembourser son crédit, ont sollicité l’arbitrage de la présidence de la République.

Le secrétaire général adjoint de la présidence, Séraphin Magloire Fouda, a réuni, le 22 juillet dernier, les ministres des Finances et du Commerce, la direction générale des Douanes, les industriels locaux, la société Africa Food Distribution et la Bicec, en vue de trouver une solution à ce problème.

Les défenseurs de la filière des oléagineux sur le plan local n’ont pas bougé de leurs positions. «Que peut bien représenter un investissement d’un milliard fait par un importateur d’huiles végétales raffinées, en violation de la réglementation en vigueur, qui emploie à peine une dizaine de personnes face à des investissements de l’ordre de 520 milliards de F CFA faits par les producteurs et les transformateurs de la filière des oléagineux qui emploient près de 50.000 personnes, contribuent au PIB en payant des impôts conséquents?» Ont-ils questionné.

Pour enfoncer le clou, le secrétaire d’Etat auprès du ministère de la Santé publique «a déclaré l’huile importée par Africa Food Distribution impropre à la consommation», a expliqué mardi à Yaoundé, au cours d’une conférence de presse, Jacquis Kemleu Tchabgou, SG de l’Asroc.

Raison évoquée par les autorités sanitaires: l’absence de l’enrichissement en vitamine A, une exigence contenue dans une la norme NC 77: 2002-03 révisée en 2011 sur les huiles végétales portant un nom spécifique.


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Un espoir pour la filière locale ?
«Nous voulons croire dans ces instructions du chef du gouvernement», indique le SG de l’Asroc.

La filière des oléagineux connait une crise, due à la mévente et au surstock au niveau des agro-industries et des transformateurs, confie le Dr. Nkoulou Ada Emmanuel, président du Comité de régulation de la filière des oléagineux (un comité interministériel logé au ministère du Commerce pour étudier les problèmes dans le secteur et proposer des solutions y afférentes).

Avec l’insécurité aux frontières du Cameroun dans la partie septentrionale et à l’Est, les industriels n’arrivent plus à exporter leurs huiles et savons au Congo Brazzaville, en Centrafrique, au Tchad et au Soudan depuis plusieurs mois. Et ils n’arrivent pas à vendre non plus sur le marché local en raison de la concurrence à faible coût des produits importés.

Sur la question des exportations cependant, les opérateurs de la filière ont proposé au ministère des Finances d’ouvrir de nouveaux «corridors douaniers» qui permettraient d’acheminer les produits à l’étranger en utilisant d’autres voies. La proposition a été favorablement accueillie par le ministère des Finances, nous a révélé Jacquis Kemleu Tchabgou mardi, 28 juillet. Ces corridors devraient être validés cette semaine, d’après ses assurances.

L’Asroc défend également les droits et les intérêts des planteurs
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En sus de cela, les raffineurs locaux estiment que la filière se portera mieux lorsque les importateurs se conformeront à la réglementation en vigueur. La batterie de règles prises semble de manière implicite avoir été mise en place pour décourager les importations. En important et en payant des douanes selon le prix de référence, les huiles végétales produites hors du Cameroun coûteront plus cher (à partir de 1500 F CFA le litre) que celles produites localement (en moyenne autour de 1100-1300 F CFA).

A l’Asroc, on estime qu’il faudrait même carrément interdire les importations, comme le gouvernement l’a fait pour le sucre et le ciment, afin de protéger le tissu industriel local. Les acteurs locaux de la filière affirment pouvoir répondre à la demande locale, oscillant entre 10.000 et 12000 tonnes d’huile raffinée par mois.

Dans certaines industries, « Il y a des stocks d’huile dans des magasins de 5000, 10.000m2; des cartons de savons rangés jusqu’au plafond », décrit le Sg de l’Asroc.

La filière des oléagineux, d’après les données des raffineurs, occupe, à travers ses industries de deuxième transformation, le troisième rang en termes d’équilibre de la balance commerciale du Cameroun.

Dr. Nkoulou Ada Emmanuel (g), président du Comité de régulation de la filière des oléagineux; et Jacquis Kemleu Tchabgou, SG de l’Asroc, à la conférence de presse du 28 juillet 2015
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Huiles végétales raffinées: la DG des Douanes indexée dans le malaise de la filière locale

La chute des ventes des producteurs et transformateurs locaux serait due, selon l’Asroc, à une importation massive et illégale favorisée par les Douanes

L’Association des raffineurs des oléagineux (Asroc), à l’origine d’une controverse sur l’huile de soja de marque Jadida importée par la société Coppeq Sarl basée à Douala et qui ne respecterait pas la norme en vigueur au Cameroun, a convoqué la presse camerounaise lundi, 06 avril, en début de journée à Yaoundé. Non plus pour parler cette fois de manière spécifique de l’huile de soja de marque Jadida, mais des huiles végétales importées en général et de l’impact de ces importations sur la filière locale. Particulièrement indexé dans le point de presse organisé lundi: le rôle de la direction générale des douanes qui favoriserait ces importations sous le «fallacieux prétexte de la réalisation des recettes douanières en vue du renflouement des caisses de l’Etat».

On observe aujourd’hui la «mise à la consommation d’une pléthore d’huiles végétales raffinées de soja de marques Jadida et Agrior; de palme raffinées, de marque Brôli, Vikor Hayat, Princesss; de tournesol, de marques Fiesta, Solior, Asil, Sunny et Olitalia; de colza, de marque Primance; de maïs, de marques Crystal et Collina d’Oro», a présenté d’emblée le secrétaire général de l’Asroc, Jacquis Kemleu Tchabgou.

L’Asroc dénonce, en ce qui concerne ces différents produits, des «importations massives et incontrôlées» sans prise en compte de la norme NC 77: 2002-03 révisée en 2011 sur les huiles végétales portant un nom spécifique enrichies à la vitamine A ; et d’une décision du ministre des Finances en date du 27 mars 2009 fixant le prix de référence pour la taxation des huiles végétales importées au Cameroun.

En pratique, l’Asroc dit observer une pratique de dumping sur le marché local, les huiles importées se vendant meilleur marché que les huiles produites localement. Ceci en raison de la non-observation du prix de référence qui fixe un niveau minimum (1200 F CFA) et un niveau maximum (1500 F CFA) pour la bouteille d’un litre. L’Asroc qualifie ces huiles végétales importées d’«huiles à faible valeur ajoutée et à faible prix».

Malaise dans la filière
Importations qui sont en train de «plomber» et de «détruire» le tissu industriel existant au sein duquel on retrouve des transformateurs (à l’instar des raffineries telles que la Sodecoton, Azur, SCS, SCR Maya, Spfs, CCO, Saagry, Soproicam, SMC, etc.) et des producteurs (Socapalm, CDC, Pamol, Safacam, plantations villageoises entre autres).

En y ajoutant les effets de la guerre contre Boko Haram et l’instabilité qui règne en République centrafricaine, l’Association des raffineurs voit poindre à l’horizon une menace sur les 25.000 emplois directs et indirects de la filière. «Ces événements ont provoqué un quasi arrêt des exportations de savon vers le géant nigérian et même le Tchad relativement à la guerre contre Boko Haram et vers le Congo Brazzaville et le Congo Kinshasa pour ce qui est de l’instabilité en RCA», relève Jacquis Kemleu Tchabgou.

Et pourtant, force est de reconnaître que la filière locale à elle seule ne permet pas actuellement de subvenir à la demande nationale.

Selon les chiffres du Comité de régulation de la filière des oléagineux, le Cameroun a connu une demande de 184.000 tonnes d’huile végétale raffinée en 2014. Les producteurs locaux ont produit 110.000 tonnes d’huile végétale raffinée (répartie en huile de palme, coton et de soja). Le Comité de régulation de la filière a dû recourir à l’importation de 60.000 tonnes d’huile de palme brute pour obtenir 42.000 tonnes d’huile de palme raffinée ce qui a porté l’offre à 152.000 tonnes en 2014, toujours en deçà de la demande. Pour résorber ce déficit, les raffineurs indiquent que l’Agence de promotion des investissements (API) a accordé des agréments à des industries de production et de raffinage pour améliorer leur outil ; et que des formations sont effectuées afin de porter également la production villageoise à de plus grands rendements.

Dr. Nkoulou Ada Emmanuel (g), président du Comité de régulation de la filière des oléagineux; et Jacquis Kemleu Tchabgou, SG de l’Asroc, au point de presse du 06 avril 2015
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Le ministère du Commerce en renfort
«L’importation des huiles végétales au Cameroun n’est pas interdite», a cependant tenu à souligner le Dr. Nkoulou Ada Emmanuel, président du Comité de régulation de la filière, au cours du point de presse. Toutefois, elle doit respecter la norme et le prix de référence. «La compétitivité de la filière passe par la productivité et la concurrence. Or, cette concurrence est faussée à la base», a-t-il indiqué, faisant allusion aux huiles importées qui ne respecteraient pas les normes admises au Cameroun.

Le Comité de régulation de la filière et l’Asroc dénoncent tous deux l’action de la direction générale des Douanes, qui autorise les huiles de l’extérieur sur la valeur transactionnelle (signifie que l’importation se fait au prix payé sur présentation de la facture d’achat) et non à partir du prix de référence ; et en second lieu sur le fait que la structure que dirige Mme minette Libom li Likeng se prévaut des pouvoirs de contrôle et de gestion «qui sont de la compétence exclusive du ministère du Commerce», déclare avec force le Sg de l’Asroc.

Le Dr. Nkoulou Ada Emmanuel estime par ailleurs que l’Etat peut gagner bien plus de recettes fiscales en interne en encourageant le développement de l’industrie locale qui, plus elle produit, plus elle fait des gains et paye davantage de taxes.

Le ministère du Commerce, qui semble acquis à la cause des raffineurs locaux, organise ces 07 et 08 avril 2015 un séminaire atelier sur l’assainissement de la filière des huiles végétales raffinées en application de la norme en vigueur. Devraient prendre part à ces travaux dont les résultats sont «très atttendus»: les ministères du Commerce, de la Santé publique, des Finances, de l’Industrie ; l’Agence des normes et de la qualité (Anor), la Société générale de surveillance (SGS), l’Asroc et les importateurs.

« La filière des oléagineux à travers ses industries de première transformation occupe le troisième rang en termes d’équilibre de la balance commerciale du Cameroun », renchérit Jacquis Kemleu Tchabgou pour souligner tout l’intérêt d’une bonne santé financière du secteur.

Quelques huiles végétales importées et commercialisées au Cameroun, identifiées par l’Asroc
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