Tchad : Mario Nderngue torturé pour la justice mais ne baisse pas les bras

L’artiste réaffirme  son engagement à lutter contre toutes formes d’injustice. Il fait une sortie après son séjour au commissariat et la violence subie entre les mains des forces de maintien de l’ordre.

 

Son arrestation, son passage  au commissariat ainsi que le traitement reçu de la part des policiers n’ont en rien entaché son engagement. Mario Nderngue, libéré, réitère son serment personnel de combattre l’injustice. C’est d’ailleurs pour cette œuvre qu’il vient de séjourner au commissariat.

En effet tout commence le 2 septembre dernier. Ce jour-là, il répond à un appel du président des  Transformateurs Succes Masra et du porte-parole du parti l’artiste Ray’s. Suite à ce  post Facebook, il va prendre part au meeting au balcon de l’espoir un jour après. Ce samedi-là, alors que ses compagnons et lui se mettent en place pour le meeting, ils constatent que les forces de maintien de l’ordre ont  quadrillé le siège du parti.

Dans la foulée, ces forces s’en prennent à un jeune qui cherchait la monnaie. « Subitement, ils se sont  mis à le tabasser et l’ont embarqué. Il a jeté ses 10 000 FCFA sur le comptoir. Ces hommes en tenue ont quand même arraché l’argent. J’ai voulu réagir, mes amis m’ont dit de me calmer (…)

Netoua Ernestine qui habite dans la zone est sortie  en voiture, mais on l’a fait descendre et on l’a frappé. A ce moment, je me suis dit non. C’est injuste. On ne peut pas frapper une femme. Même si je ne peux pas intervenir, je dois filmer. Je ne peux pas cautionner ! Même si c’est PCMT qui est en danger, c’est  un Tchadien et je dois dénoncer », raconte l’artiste.

Pour avoir filmé l’acte, « ils ont arraché mon téléphone, ils nous ont conduit au CPS 1. Ils nous  ont torturés. On m’a forcé de déverrouiller mon téléphone et m’ont particulièrement torturé parce que j’ai filmé la scène », décrie Nderngue.

Dans un autre  post Facebook, l’artiste remercie tous les Tchadiens pour leur « soutien, amour et engagement » pour sa modeste personne. « Je vous ai sous-estimés à un moment donné, mais j’ai eu tort. Désormais j’ai appris et  je sais que j’ai une famille en or », assure-t-il.

Par ailleurs, Mario  Nderngue rappelle que son combat pour la justice n’est pas une œuvre récente. Avant de devenir artiste, il s’investit dans cette mission. A titre illustratif, il a présidé la manifestation contre l’ambassade du Burkina Faso. Il l’a fait  en sa qualité de président de la commission de la crise en 2014. « Huit ans après, je reste dans la même logique », déclare-t-il. Et le combat continue sans doute.

 

Ludovic Lado : «Pourquoi distribuer des doctorats «mention très honorable» pour ensuite recruter des profils moins méritants ?»

Excellence, Monsieur le Ministre d’Etat,

Bonne et heureuse année 2020. Je vous écris au sujet de l’affaire des titulaires de doctorats/Ph.D., recalés de la première vague de recrutement pour l’enseignement supérieur, qui campent pacifiquement devant votre ministère depuis le 14 décembre 2019. J’y ai passé, avec eux, dans le froid et en compagnie des moustiques, la nuit du 04 au 05 décembre 2020 et j’ai longuement échangé avec eux sur le sentiment profond d’injustice qui les habite et motive leur démarche. Pourquoi l’annonce d’une seconde vague de recrutement n’est pas la solution, mais pourrait même aggraver le problème ?

Le grief principal, les grévistes l’expriment en termes d’injustices criardes qui auraient émaillé le récent processus de recrutement dans l’enseignement supérieur et dont ils seraient les victimes. Je sais ce que c’est que d’être accusé de favoritisme dans un recrutement pour en avoir fait l’expérience en 2012 quand j’étais vice-doyen de la faculté de sciences sociales et de gestion de l’UCAC de Yaoundé. Dans ma défense à l’époque, j’avais préconisé l’audit des résultats sur lesquels portait le contentieux. Mais comme mes calomniateurs ne s’intéressaient pas à la vérité, ils n’en ont pas fait cas. Aujourd’hui, les titulaires de doctorats/PhD qui campent devant votre ministère relèvent de nombreuses irrégularités et incohérences dans les résultats de la première vague de recrutement publiés le 13 décembre 2019. Ma recommandation principale est la suivante : qu’une commission indépendante soit mise sur pied pour auditer le processus et les résultats dudit recrutement et que les éventuelles injustices soient réparées.

Voici quelques irrégularités épinglés par les plaignants et qui méritent attention

i) Recrutement de titulaires de master aux dépens des PH/D : parmi les recrutés se retrouventdes titulaires de master alors que la note du Chef de l’Etat disait bien que le recrutement ne concernait que les titulaires de doctorat/Ph.D.

ii) Soutenances accélérées et suspectes en moins de quatre mois : en effet, entre février 2019 et le 21 mai 2019, date limite de dépôt de dossiers de recrutement, il y aurait eu environ 1000 soutenances de thèses de doctorat dans les universités camerounaises, au point de faire dire à un doyen d’une des facultés : « en moins de six moins, il y a eu plus de soutenances qu’en dix ans ». En conséquence, beaucoup de nouveaux docteurs ont été recrutés aux dépens des anciens docteurs qui étaient pourtant prioritaires. En effet, ce recrutement, faut-il encore le rappeler, avait été ordonné par le Chef de l’Etat en 2018 en réponse à une démarche collective de la part des titulaires de doctorat produits par les universités camerounaises ces dix dernières années, mais au chômage. Leur nombre, au moment où on lance le recrutement d’une première vague de 2000, est estimé à au plus 800. En fin de compte, certains de leurs étudiants qu’ils avaient eu en TD ont été recrutés, mais pas eux. Parmi les nouveaux docteurs recrutés, certains avaient soutenu leur mémoire de master en 2017. Comment ont-ils fait pour soutenir une thèse de doctorat en 2019 au point d’être recrutés aux dépens des anciens docteurs/PH.D.? D’où le sentiment que les réseaux ont été plus déterminants que le mérite.

iii) Recrutement des gens qui ont soutenu leur thèse après le délai de dépôt : comment cela est-il possible ?

iv) Recrutement des gens qui n’ont même pas postulé : leurs noms ne figuraient pas sur les listes de candidatures rendues publics au niveau des départements.

v) Recrutement des gens dont les dossiers avaient été déclarés non-conformes au stade initial du processus dans les départements et universités.

vi) Certains ont été recrutés sans avoir été auditionnés : comment cela est-il possible ?

vii) Doublons et incohérences : il y en aurait dont les noms se retrouvent dans trois universités différentes, alors qu’on ne pouvait postuler qu’à un poste et dans une seule université de son choix. Un cas est particulièrement intriguant : à l’université de Dschang, il est recruté pour enseigner l’espagnol tandis que dans une autre université, le même figure dans la liste des enseignants d’allemand.

viii) Des Médecins et pharmaciens, sortis pour certains en 2017, auraient été recrutés pour enseigner : comment cela est-il possible ?
ix) Des majors de promotions auraient été laissés au profit des moins méritants : par exemple, le meilleur de la toute première promotion de docteurs en droit de l’université de Douala (Mention très honorable) qui a soutenu en 2012 n’a pas été recruté au profit des jeunes docteurs.

Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, si de telles irrégularités sont avérées, et il n’y a qu’un audit indépendant pour nous aider à y voir clair, il est évident que nous sommes confrontés ici à des cas flagrants d’injustice qui contribuent à inscrire la médiocrité au cœur même de notre système universitaire.

On annonce, certes, une seconde vague de recrutements, mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’y a aucune garantie qu’elle sera plus transparente et plus juste. Ainsi, convient-il d’auditer et de toiletter les résultats de la première vague, mais surtout de prendre des dispositions pour que la seconde vague soit plus transparente à chaque niveau.

Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, d’ailleurs contrairement à ce que croit une certaine opinion, la seconde vague de recrutement n’a pas été lancée pour résoudre le problème des grévistes qui ont élu domicile dans l’enceinte du MINESUP mais parce qu’elle était prévue. Difficile d’ailleurs de comprendre pourquoi ce recrutement a été saucissonné en vagues alors que le nombre de titulaires de doctorats qui postulent est largement en deçà des besoins exprimés.

Pour ma part, je formule les recommandations suivantes pour sortir de cette malheureuse situation qui ternit l’image de l’enseignement supérieur au Cameroun

• Auditer et toiletter, au besoin, les résultats du premier recrutement ;

• Produire une liste additive pour corriger les éventuelles injustices constatées, surtout en ce qui concerne ceux et celles touchés par la limite d’âge ;

• Au pire des cas, reverser les recalés docteurs/Ph.D de la première vague dans la seconde vague sans nouveaux dossiers ou nouvelles audition

• Prendre des dispositions pour garantir la transparence de la seconde vague de recrutement

Excellence Monsieur le Ministre, il est évident qu’au-delà d’éventuels cas d’injustice à réparer, ce qui est en jeu ici est non seulement la valeur d’un doctorat au Cameroun mais aussi la rigueur dans le recrutement des enseignements qui formeront nos enfants demain. Pourquoi distribuer des doctorats « mention très honorable » si c’est pour ensuite recruter des profils moins méritants ? Mes compagnons de nuit grévistes me racontent qu’un enfant de la rue passant devant le Minesup et lisant leur pancarte de revendications s’en est allé en disant : «Je pense que j’ai fait le bon choix », c’est-à-dire celui de la rue. Le Cameroun mérite mieux, Monsieur le Ministre d’Etat.

 

Cameroun: feymania, tortures et prison pour un pauvre jeune homme

Par Shanda Tonme, président de la Commission indépendante contre la corruption et la discrimation (Comcodi)

Yaoundé, le 16 Janvier 2017

Monsieur le Secrétaire d’Etat chargé de
la Gendarmerie auprès du Ministre délégué
à la présidence de la république
chargé de la défense

Réf : 15/DEN/TOR/0117
Objet : Plainte contre les commandants des brigades de gendarmerie
de Nkoabang et de Nkondengui, pour tortures, traitement inhumain et dégradant,
non-assistance à personne en danger, défaillances graves.

Monsieur le secrétaire d’Etat,
J’ai l’honneur de venir très respectueusement auprès de votre haute et bienveillante autorité, porter plainte contre les Commandants des brigades de gendarmerie de Nkoabang et de Nkondengui, pour tortures, traitement inhumain et dégradant, non-assistance à personne en danger, défaillances graves, sur la personne du jeune Wafo Yannick, âgé de 26 ans.

Les faits se sont produits durant les journées du 11, 12 et 13 janvier 2017, et selon les séquences ci-après :

Le jeune Wafo Yannick, est un bachelier qui après moult tentatives d’émigration et après des conseils avisés, a finalement décidé, sur la base des conseils de certains parents avisés dont nous-mêmes, de rester au pays pour travailler aux côté de son père, commerçant.

L’activité commerciale de la famille, concerne l’achat des pistaches dans les régions de l’Adamaoua et de l’Est, pour la distribution sur les marchés de la capitale Yaoundé après reconditionnement.

Le lundi vers 21 heures, le jeune Wafo qui habite chez son grand frère à Nkoabang, revient de la région de l’Est avec un camion de pistaches. Il n’y a personne cette nuit pour le déchargement. Il est donc contraint de décharger toute la marchandise seule, pour libérer le camion de location. Il est 1heure du petit matin quand il va enfin se coucher pour un petit sommeil, ne se doutant de rien.

Le debut de l’enfer
Il est 9heures ce matin du mardi 11 janvier, lorsque sa belle-s ur le tire de son sommeil en lui disant qu’il y a des gens à leur portail. Le jeune bien fatigué a de la peine à se réveiller, mais fini néanmoins par se mettre débout. Dès qu’il se montre dehors, il est happé par des bras qui se jettent sur lui et le frappent dans tous les sens et sur tout le corps au cri de violeur, violeur. Le jeune homme n’y comprend rien et est sans défense. Tous ceux qui essayent d’approcher sont dissuadés par des porteurs de couteaux et de machettes. Mais finalement, une dame se fait forte et exige que l’enfant soit emmené à la gendarmerie pour vérifier les faits, et qu’une enquête soit diligentée.

Alors qu’il y a une gendarmerie à Nkoabang tout proche, c’est plutôt loin à Nkondengui, que la chef de bande qui clame que sa fille aurait été violée, il y a plus de trois mois, en septembre, choisi de se rendre. Pourquoi ? Simple à comprendre, elle compte sur un élément à cet endroit.

C’est le visage boursoufflé et marchant à peine, que l’enfant est jeté dans la cellule de la brigade gendarmerie de Nkondengui.

C’est à 16hs, le mercredi 12 que nous sommes informés de cette situation par le père de l’enfant qui nous appelle personnellement au téléphone depuis la brigade de Nkondengui. Nous y dépêchons un de nos collaborateurs qui va rencontrer le commandant. Ce dernier dit n’avoir pas été informé qu’il y avait un tel cas dans son unité, pire en cellule, et d’autant plus qu’il n’y a ni plainte, ni certificat médical, ni aucun autre élément permettant de valider cette présence. IL dit être pressé pour le stade où il est requis pour la sécurisation de l’événement que constitue le match de football, Cameroun-Zimbabwe.

Après le compte rendu de notre collaborateur, nous entrons en contact avec l’enquêteur et le 1er adjoint du commandant. Ces derniers qui viennent à notre rencontre, nous assurent de plusieurs éléments :
1 – IL n’y a effectivement aucune plainte.

2 – La dame est connue pour être coutumière de ce genre d’extorsion des fonds, sous le couvert de viol sur ses enfants. Il y a moins de six mois, elle avait fait la même scène à une autre famille, et obtenu près de 800.000 FCFA.

3 – Son histoire ne tient pas la route, d’autant plus qu’elle affirme que le viol date de septembre, et il n’y a rien qui le prouve matériellement.

4 – La petite qui fait des affirmations, est passée pointer des maisons, l’une après l’autre, selon l’influence des adultes. On aurait même l’identité d’une autre personne qu’elle accuse, et son téléphone.

5 – En tout cas, ce jeune homme, Wafo est innocent.

6 – Dès que le commandant reviendra du stade, il procédera certainement à l’élargissement du jeune homme. C’est lui qui doit signer.

7 – L’urgence, c’est que la famille obtienne de conduire Wafo chez un médecin, car son état piteux pourrait conduire à une hémorragie interne. IL y a donc péril en la demeure.

Non assistance a personne en danger
Lorsque le commandant est de retour, il prend plutôt la décision de renvoyer le jeune Wafo, malgré son état, à Nkoabang, pour dit-il, des raisons de compétence territoriale.

Il est déjà presque 20hs, quand le jeune Wafo y arrive. Pourquoi l’avoir retourner là-bas ?

C’est que hors de la barrière, des discours sont tenus en désordre dans le camp de la dame qui prétend que sa fille a été violée.

Hein, vous résistez, au lieu d’arranger
On va voir si l’argent ne va pas sortir à la fin
Vous perdez le temps à appeler des avocats et autres
Il faut arranger
Vous n’arrangez pas, on va envoyer votre enfant en prison

Mais plus grave, la présence d’un élément semble-t-il, du BIR ou de la GP, en tout cas un militaire, dans le camp de la dame, et ce dernier organise des pressions de toute sorte.

L’enfant est copieusement menotté, attaché des deux mains et des pieds et placé en balançoire dans les locaux de la gendarmerie de Nkoabang. Ses cris poussent ses frères et ses parents à prendre d’assaut la brigade.

Nous suivons les développements au téléphone et entendons l’ambiance de quasi émeute qui règne à la brigade.

Nous prenons donc la mesure de la dangerosité de la situation, et alertons plusieurs hauts responsables de la gendarmerie :

-Le LT Colonel Kaolé, chef du service central de recherches judiciaires
-Le LT Colonel Ndonfack,
-Le LT Colonel commandant du Groupement de gendarmerie territorial
-Le Commandant Bouopda, par SMS
-Le Capitaine Bouem Innocent, par SMS
-Le capitaine Cocom de MFou, par téléphone.

A l’évidence, les interventions en demande d’informations se multiplient venant des supérieurs hiérarchiques. Le commandant de brigade de Nkoabang face à ces demandes, aura ces mots en direction des parents :

Je m’en fiche de vos colonels et autres, je fais mon travail et c’est moi et moi seul qui commande ici. Allez même à Etoudi si vous voulez. Langage de banalisation de l’Etat tout court, et de l’autorité en termes d’organisation. On installe l’anarchie, au vu de tous.

Le jeune Wafo qui clame toujours son innocence malgré les tortures, avec des pieds et des poignets saignants, est emmené d’abord à la légion, où il est encore renvoyé. En fait, son état effrayant les uns et les autres, personne ne souhaite être mêlé, craignant la suite inéluctable, au regard des sévices qui ont laissé le jeune homme amoché et méconnaissable.

Le vendredi, le commandant de brigade, comme toujours en pareille circonstance, doit absolument se couvrir et pour cela, il faut monter un dossier pour justifier que l’on avait en mains un criminel, que les faits sont avérés. La plaignante est une reine, qui entre un peu partout, et c’est elle seule qui est entendue, pas les autres. Nous y avons dépêché un avocat, du cabinet Piendjo, ( 677 970 303) qui a tout suivi, et qui a ensuite été dégoûté, choqué.

Le jeune WAFO sera déféré à Mfou, avec un dossier pour atteinte à la pudeur sur mineure et viol. Voilà comment, un innocent, se retrouve placé sous mandat de dépôt. Le Procureur, le juge d’instruction, en tout cas, les magistrats, sont formels : Le montage du dossier, les charges, sont si graves, qu’il ne leur est laissé aucune autre latitude que de jeter un tel accusé en prison.

La moralité de cette affaire est des plus grave
1 – Les discussions avec nombre de jeunes camerounais qui fuient leur pays aujourd’hui, mettent en exergue le manque de justice, les abus des forces de sécurité, la tricherie et les discriminations dans les concours et autres examens officiels. Voici un cas pathétique d’un jeune homme qui est resté travailler pour faire fructifier le patrimoine familial, et qui aujourd’hui va bien le regretter, qui ensuite sortira de prison seulement pour partir pour de bon, en maudissant son pays.

2 – La torture est une réalité dans nos unités, et la formation des responsables au niveau des brigades de gendarmerie et des commissariats de police, laisse à désirer.

3 – Les chefs d’unité s’estiment libres de faire ce qui leur plaît, foulant aux pieds les droits des citoyens, gardant à vue le temps qui leur plaît, et s’érigeant en chefs de petits Etats indépendants.

4 – Pour atteindre leurs objectifs et faire valider leurs dossiers, les chefs d’unité peuvent concocter n’importe quel dossier, dans le sens qui ne laisse aucune chance au malheureux quand ce dernier est un démuni, un citoyen pauvre.

5 – La logique de la cible, implique aujourd’hui, une autre forme de criminalité ou de délinquance avérée, qui consiste à prendre pour proie, n’importe quel citoyen soupçonné d’avoir des capacités de payer les rançons. Le jeune Wafo est exactement une victime de choix dans ce sens. La plaignante qui habite le quartier, a pris le temps d’observer que cette famille pratique un commerce fructueux. Des camions viennent tout le temps décharger des sacs de marchandise. Ce n’est pas un hasard si c’est la matinée suivant un déchargement, que les agresseurs sont entrés en action.

La Commission indépendante contre la corruption estime que les fautes commises par les deux commandants de brigade sont évidentes et méritent les qualificatifs mentionnés en objet.

1- Jamais les faits ne leur sont en réalité parus exacts
1-Ils n’ignoraient pas et ne pouvaient pas ignorer certains éléments importants.

2-Il n’y avait ni flagrant délit, ni plainte antérieure.

3-Ils n’ont jamais pensé à porter secours au jeune Wafo en piteux état et l’ont maintenu en cellule contre toute logique.

4-Les scènes de torture sont déroulées ouvertement.

5-Ils ont refusé de conduire Wafo à l’hôpital, contribuant sciemment à ses souffrances et refusant de porter assistance à personne en danger.

6-Le refus de soigner une personne dans un tel état, ne peut qu’être valablement assimilé qu’à une coaction de tentative d’assassinat.

7-Au vu de Wafo, les deux sous-officiers avaient pertinemment conscience, que Wafo pouvait faire une hémorragie interne et mourir à tout moment.

Nous signalons qu’à ce jour, Wafo n’a toujours pas bénéficié d’une visite médicale et est toujours exposé au danger de clamser à tout moment. IL croupit dans la prison infecte de Mfou, injustement accusé, victime d’un système qui avalise les extorsions des fonds de la part de fainéants et de truands dont la seule force est de jouir de privilèges de villages et de prébendes claniques.

La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination, proteste avec la plus grande énergie, et exige une enquête lourde qui devra se conclure par les plus lourdes et les plus irréversibles des sanctions contre les responsables de cette retentissante défaillance, en fait une forfaiture aux relents de crime organisé.

Ces comportements ternissent l’image de nos forces de gendarmerie et de police, dont les résultats sur le terrain ont infiniment progressé ces dernières années comme en témoignent la résolution de nombreux crimes, et le redoublement des activités de prévention de toute nature.

La Commission vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de sa haute et sincère considération citoyenne./.

[b Le Président de la Commission
Shanda Tonme
Médiateur universel


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Injustice: pourquoi l’agression de Me Nouayou Edy Michel?

Par Mowha Franklin, président national du Frontline Fighters for Citizens Interests (FFCI)

Nous portons l’attention de l’opinion nationale et internationale que notre organisation, FFCI (Frontline Fighters for Citizen’s Interests), vient une fois de plus d’être victime d’une exaction.

En effet dans la soirée du 28 septembre 2016, aux environs de 21 heures, un de nos membres en la personne de Me Nouayou Edy Michel né le 24 octobre 1979 à Moudjo, a été violemment agressé et poignardé à plusieurs reprises au niveau de l’omoplate gauche au lieu-dit « Montée Boulangerie départementale à Tougang-Ville à Bafoussam » par une personne non identifiée, qui s’est fondu dans la nature juste après son forfait.

Alerté, M. Mowha a pris toutes les dispositions pour conduire l’infortuné aux urgences de l’Hôpital régional de l’Ouest à Bafoussam où il est admis en soins intensifs et devrait subir dans les prochaines heures des examens approfondis afin qu’il soit déterminé la gravité de ses blessures.

Nous sommes autant inquiets que quelques minutes avant cette barbarie perpétrée à l’encontre de ce membre de FFCI, il venait de quitter l’Hôtel Le Président de Bafoussam, où quelques minutes plutôt il était en séance de travail avec le président national de cette organisation.


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Cameroun, Marafa Hamidou Yaya: quatre années d’injustice, ça suffit!

Par Fabrice Njayou, Porte-parole de l’Action Solidaire pour Marafa (Asma)

Le CL2P et ses partenaires seront inlassablement là pour rappeler au Président à vie du Cameroun Paul Biya (83 ans, 34 de règne) au premier devoir du «démocrate»: laisser autant libre ses opposants comme ses partisans dans leurs choix; prendre le risque d’affronter ses «concurrents» politiques et «adversaires» internes désignés dans des urnes transparentes. Nul besoin de les séquestrer indéfiniment.

Il y a exactement quatre (04) ans que la justice Camerounaise s’est prostituée afin d’assouvir les désirs d’un dictateur de 83 ans en fin de règne et condamner un innocent à 25 ans de prison.

Depuis quatre (04) ans, Marafa Hamidou Yaya est injustement accusé et injustement condamné dans cette affaire de l’achat de l’avion présidentiel dont les vrais coupables sont Biya et son oncle Mevaa M’eboutou (aujourd’hui secrétaire général du Sénat).

Malgré l’absence de preuves de détournements, de complicité, la justice camerounaise a été incapable durant cette procédure de rendre la justice. Ceci a été rendue possible par une clique de juges et de magistrats carriéristes, ayant accepté de trahir leur serment, de pervertir, et de vendre leur âme de Justice au diable. Ce qui les a empêchés de dire le Droit où même les aveugles voyaient l’innocence de

Marafa Hamidou Yaya.
Quatre (04) années d’injustice subie par cet homme courageux, ambitieux, dont le seul crime est d’avoir voulu proposer une alternative à ce régime corrompu, inapte à sortir le Cameroun du marasme économique et social.

Quatre (04) années que le monde entier reconnaît en cet emprisonnement comme arbitraire, une man uvre politique et appelle à sa libération.

Quatre (04) années que le régime a tout mis en uvre pour briser la ferveur populaire autour de la dynamique Marafa Hamidou Yaya, mais malgré cela la flamme ne s’éteindra point!

Le temps viendra où tous ceux qui se sont rendu complice de cette injustice payeront. Le peuple n’est pas dupe le temps du basculement qui arrive très bientôt et comme un tsunami ses vagues déferleront sur cette bande de voyous qui brime le peuple et le maintien dans la pauvreté.

C’est l’occasion pour nous Action Solidaire pour Marafa (Asma) en cette période de commémoration, d’adresser un message de soutien et de réconfort à sa famille, à Marafa lui-même, puis de prononcer à l’adresse de tous nos compatriotes un message d’espoir car la victoire est proche.

L’Heure n’est pas au découragement. C’est le moment de redoubler de vigilance et de mobilisation, de quelque manière que ce soit. Car ensemble nous sommes forts. C’est ensemble, et par notre mobilisation citoyenne, que nous réussirons à faire plier le régime de Paul Biya afin qu’il libère Marafa Hamidou Yaya. Et c’est ensemble que nous libérerons le Cameroun.

Nous vous invitons pour cette occasion à habiller vos pages facebook ou votre photo de profil avec cette photo en dessous afin de dire non à cette injustice et apporter du soutien à Marafa Hamidou Yaya injustement condamné.

Quatre (04) années d’injustice ça suffit !
Paul Biya libère son excellence Marafa Hamidou Yaya.


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Les Enfants de Toumaï par Thomas Dietrich

Dans son ouvrage, l’auteur dénonce le racisme, entre africains sahéliens, musulmans de culture nomade, et africains subsahariens, chrétiens ou animistes de culture sédentaire

J’ai lu ce livre en ayant en fond sonore « My Girl » The Temptations, « Stand By Me » de Benjamin Earl Nelson, « Ain’t No Mountain High Enough » de Marvin Gaye et Tammi Terrell, « I Want You Back » et « abc » The Jackson 5, etc.

Le speech
Une pluie torrentielle s’abat sur la ville de Ndjamena. Sakineh, fille de l’opposant politique qui s’est réconcilié avec « le président-sultan », c’est-à-dire un dictateur, pour surement être rappelé à la tête de la direction nationale du coton, a peur mais s’efforce de ne pas le laisser paraître. « Elle ne tremblera que de l’intérieur », écrit l’auteur. Elle se remémore un conte sur les orages, que toute petite Noura, sa s ur, lui avait raconté pour la rassurer. Noura a épousé un homme d’un âge avancé. « Cet homme qu’elle trouvait trop vieux, si repoussant avec ses verrues sur le nez, ses deux femmes épousées le même jour, et que pourtant leur père lui avait imposé avant même sa majorité ».

« Depuis toute petite, elle a appris à dissimuler ses émotions, aussi indomptables soient-elles. Elle s’est laissé forger au fer du silence, ce qui, pour la société musulmane de son pays, est sans doute la qualité la plus estimable chez une femme. Ne rien montrer. Ne jamais rien montrer. Même dans les situations les plus désespérées. » .

« Elle en vient à regretter le temps ou son peuple, ces fiers guerriers du Nord, attachaient les esclaves animistes capturés dans les forêts du Sud, tandis que même les chiens se promenaient en liberté. Elle raconte à ses enfants que sa grande distraction, quand elle avait leur âge, était d’apporter à manger à ces moins qu’hommes courbés de honte et de fatigue au pied de leur poteau. Elle aimait plus que tout leur jeter leur gamelle et les voir ramper dans la poussière.».

Entretien
Avant toute chose, nous vous remercions d’accepter de répondre à nos questions. J’ai particulièrement apprécié votre nouveau livre et le précédent aussi. L’écriture est fraîche, attachante, remplie de bonté, je dirais même humaniste. Je tiens à rappeler que vous êtes lauréat du Prix Folire, finaliste du prix Emmanuel Roblès, du prix Senghor, du prix de la Vocation, sélectionné pour le prix Landerneau, le prix littéraire ENS Cachan et le prix du premier roman de Chambéry, etc.

Qui est réellement Thomas Dietrich ?
Question difficile ! Je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour y répondre. Disons pour faire court (car je ne suis pas très doué pour les hagiographies) que j’ai fait Sciences Po, que je travaille actuellement au Ministère de la santé à Paris mais que j’ai également passé plusieurs années en Afrique. J’ai travaillé dans l’administration centrafricaine pendant environ 2 ans.

Mais au-delà de la simple biographie factuelle, j’estime avoir eu la chance de côtoyer plusieurs cultures qui ont fait de moi ce que je suis. Je revendique cette multiple appartenance, à mon pays natal la France et à plusieurs pays africains (le Tchad et la République Centrafricaine notamment). Je suis fier d’être ainsi ouvert aux quatre vents du monde.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
L’injustice sous toutes ces formes. Celle faite aux femmes tout d’abord. Sans être occidentaliste – car je me méfie comme de la peste de la « mission civilisatrice » de l’Occident en Afrique – j’ai pu constater combien la liberté de la femme pouvait être réduite à peau de chagrin au Sahel.

J’ai aussi été particulièrement choqué par le racisme, qui ici ne survient pas entre blancs et noirs, entre européens et africains, mais bien entre africains sahéliens, musulmans de culture nomade, et africains subsahariens, chrétiens ou animistes de culture sédentaire. Les récents événements en Centrafrique ont jeté une lumière crue sur cette rupture, qui existe aussi au Tchad. Et c’est ce que j’ai voulu dénoncer à travers ce livre, rappeler comme l’écrit le Coran que « nous descendons d’un seul homme et d’une seule femme, et que nous avons été répartis en nations et en tribus pour nous entreconnaître ». Pas pour nous entretuer, pas pour nous entre-détester ; pour nous entreconnaître !

Enfin, la dernière injustice que j’ai voulu jeter sur le papier est la dénonciation de la dictature actuellement en place au Tchad. L’actuel Président Idriss Deby est venu au pouvoir par les armes et s’y maintient depuis maintenant 25 ans. Il s’est distingué par ses multiples violations des droits de l’Homme et le détournement systématique de la manne pétrolière que possède le pays – le tout avec la bénédiction condamnable des autorités françaises…

Tout au long de ma lecture, une question me taraudait : êtes-vous militant ?
Même si je conçois son existence, j’ai beaucoup de difficulté à apprécier le principe « de l’art pour l’art ». J’estime que l’art, et notamment l’écriture, doit être au service de l’engagement. J’essaye d’être un auteur au sens romain du terme (du latin « auctor » dérivé de l’infinitif « augere »), un Homme qui instigue, qui fait croître, qui améliore, en somme, qui essaye de délivrer un message. Et ce livre tente d’en délivrer et, à son modeste niveau, de changer le monde. C’est peut-être d’une grande naïveté mais ce n’en est pas moins la manière dont je conçois l’écriture.

Au-delà de mes livres, j’essaye effectivement d’être un Homme engagé. Je suis porte-parole d’un mouvement d’opposition tchadien, un pays auquel je suis viscéralement attaché malgré la face sombre que j’en montre dans Les Enfants de Toumaï. J’ai par ailleurs eu à prendre des positions assez fermes contre la politique française en Afrique, qui, à maints égards se montre détestable.

Peut-on dire que ce livre est une uvre qui nous parle de l’amour entre deux personnes et contre tous ?
Pour ce livre, on me parle souvent de Roméo et Juliette africains. C’est en partie vrai. Car Roméo et Juliette, avant de se rencontrer, sont plutôt heureux et vivent dans une sérénité relative – n’eût été la rivalité entre les Montaigus et les Capulet. Mes personnages, quant à eux, sont des naufragés de la vie, enfermés dans un carcan social et politique oppressant. Ils souffrent et leur rencontre va être comme une lumière déchirant leurs ténèbres. Alors oui, ils vont véritablement s’aimer envers et contre tout.

Thomas Dietrich, l’auteur de « Les Enfants de Toumaï »
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Cameroun, injustice: le FFCI écrit au procureur général près la cour d’appel de l’Ouest

Par le Frontline fighters for citizens interests (FFCI)

Monsieur le Procureur Général, L’O.D.H. FFCI (Frontline fighters for citizens interests) a l’honneur de porter à votre haute attention les exactions subies par notre protégé, Jdavale Roméo Sylvain, détenu à la prison centrale de Bafoussam. Il est placé en détention préventive depuis le 12 mai 2015 pour présomption de responsabilité et de culpabilité suite à une plainte de M. Nwouafo Clément.

Du 24 avril au 12 mai 2015, notre protégé est gardé à vue à la brigade ter de Bafoussam par le commandant de recherche Ter, l’adjudant-chef Nkili Ebanga Pierre.

Monsieur le Procureur Général,
Notre protégé est un commerçant de profession et sa spécialité est la collecte de débris métalliques. Il a un dépôt fixe bien connu dans la ville de Bafoussam où il élit domicile depuis des années et exerce de façon paisible et continue. Son affaire est pendante au TGI et a été renvoyée au 20 janvier 2016.

Voici un bref rappel des faits :
Dans la semaine du 03 avril 2015, les nommés Sibafou Alphonse, Fotso Rodrigue en fuite, non comparant, et le surnommé Eboua au nom de Nkengne Steve, commerçant non comparant, de concert et ensemble vont porter atteinte à la fortune d’autrui par vol, notamment en soustrayant des débris métalliques au préjudice de M. Nwouafo Clément à Bandjoun, quartier Assoing. La marchandise qu’on dit litigieuse a été vendue au nommé Nkengne Steve alias Eboua pour un montant de 700 (sept cent) mille francs par les frères du plaignant, les nommés Sibafou et Fotso sus cités, une somme qu’ils ont dument perçue des mains d’Eboua. L’acheteur va alors chercher un preneur à son tour avant de proposer une cession éventuelle à notre protégé Djavale Roméo Sylvain. Une fois d’accord, ils effectuent une descente à Bandjoun pour la r encontre des vendeurs Sabafou et Fotso afin de s’assurer de la régularité de la transaction avant de procéder à l’achat effectif et au transport des débris. Or, pendant que FFCI joint le plaignant pour trouver un terrain d’entente, celui-ci déclare qu’il dispose suffisamment de moyen pour causer nuisance à notre protégé via les magistrats de Bafoussam ( !). Ces déclarations ont été faites à notre protégé même à la brigade de gendarmerie par devant le commandant NKILI ainsi que l’affirme la correspondance de MADJA Pauline datée du 05 mai 2015 et jointe ici.

Sans prétendre dédouaner à priori notre protégé chez qui les objets cédés par M. Nkengne Steve alias Eboua ont atterri, nous sommes au regret de constater que les raisons pour le placer en détention préventive depuis le 12 mi 2015 paraissent anodines.

Connaissant la sensibilité de votre c ur face aux questions d’injustice et en matière de violation des droits humains, nous ne doutons pas un seul instant vous voir pousser au réexamen de la question de la détention préventive de M. Jdavale Roméo Sylvain afin qu’il puisse comparaître libre.

Veuillez croire, Monsieur le Procureur Général, en l’assurance de notre parfaite considération.


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Lettre ouverte aux chrétiens du Cameroun

Par le père Ludovic Lado

Chers condisciples de Jésus Christ,
Depuis mon pays de mission qui renaît des cendres d’une sale crise politique, je n’ai pas pu résister à un appel intérieur à partager avec vous quelques unes de mes préoccupations sur la responsabilité sociale et politique du chrétien au Cameroun aujourd’hui. Je vous écris à vous spécifiquement parce que nous avons en commun un même modèle existentiel, un certain Jésus Christ, ce Juif dissident du 1er siècle de notre ère, dont la vie continue d’inspirer des millions de personnes dans le monde. Peu importent nos multiples dénominations ! Après tout Dieu ou Jésus n’est ni catholique, ni protestant, ni évangélique, ni pentecôtiste et je ne sais quoi. L’essentiel est notre référence commune à Jésus Christ qui nous propose un chemin de salut, c’est-à-dire de vie humaine accomplie.

Mais que signifie être chrétien, voire croyant, dans la société camerounaise d’aujourd’hui? A quoi nous servent les religions au Cameroun?
Les recoupements statistiques donnent à penser qu’au moins 60 % de Camerounais s’identifient comme chrétiens. Et si on y ajoute les musulmans et les adeptes de nos dignes religions ancestrales, on atteint au moins 95% de croyants dans la population camerounaise. Mais, et c’est là le paradoxe qui m’intrigue, comment peut-il y avoir tant de mal-vivre, de pauvreté, d’injustices et d’incivismes dans un pays que la nature a comblé de tant de richesses et où presque la totalité de la population est croyante? Croyez-moi, je connais assez bien les lumières et les ombres de la nature humaine pour ne pas rêver du paradis sur terre.

Mais à quoi nous servent toutes ces religions si elles ne nous rendent pas plus humains, si elles ne nous aident pas à bâtir un pays plus juste, plus fraternel et plus solidaire ? J’ai toujours pensé qu’une religion était un chemin d’humanisation divinisante. Les églises, les temples et les mosquées sont remplis les jours de culte mais dans la société c’est la jungle, c’est le règne du « chacun pour soi ». Plus l’offre religieuse croît plus la fraternité et la prospérité semblent foutre le camp. Comment concilions-nous tout cela avec le nom de Dieu? Comment expliquer l’ampleur de la paupérisation dans un pays où presque tout le monde a le nom de Dieu sur les lèvres ? En quel Dieu croyons-nous au juste ?

Où sont et que font les chrétiens au Cameroun?
Que de nouvelles églises ! Que de veillées de prières ! Que de campagnes d’évangélisation ! Quelle effervescence religieuse ! Mais la foi chez nous semble se réduire à une mécanique de formules et à une boulimie rituelle sans véritable incidence sur le vivre-ensemble, sur la relation à autrui. Pourtant, « Le jeûne qui me plaît, dit le Seigneur, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore. » (Is 58, 6-8). Dans ce pays qu’est le Cameroun, où faisons-nous tomber les chaînes injustes ? Où délions-nous le joug ? Où rendons-nous la liberté aux opprimés ? La pauvreté qui déshumanise les Camerounais n’épargne pas les Chrétiens.

Elle est décidément l’une des pires formes de violence, le premier ennemi des valeurs et de la dignité humaine. Si nous avons reçu l’Esprit Saint, comme nous le prétendons, où sont donc nos saintes uvres dans la cité? Jésus a demandé à ses disciples d’être la « lumière du monde » (Mt 4,14) mais nous sommes les ténèbres du Cameroun. Il a béatifié les « persécutés pour la justice » (Mt 5, 10) mais c’est nous qui persécutons par l’injustice. Il nous a demandé d’aimer et de servir sans discrimination (Mt 20, 28), non seulement nous nous servons mais nous asservissons notre prochain. En quel Dieu croyons-nous en réalité ? En ce Dieu défini par la Bible comme Amour et Vie ? A qui ressemblons-nous au juste ? A Jésus Christ qui a dit : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et l’aient en abondance » (Jn 10, 10) ? Quiconque sert un système injuste ne peut être disciple de Jésus Christ, parce qu’il sert les forces de la mort. Dieu est la Vie ! La foi en Dieu n’est rien d’autre que la foi en la Vie qu’on s’engage ici bas à promouvoir en soi et en l’autre.

Pensez-vous qu’il est sensé de demander à Dieu, comme nous le faisons dans nos multiples prières, d’arranger notre vie à nous alors qu’on écrase celle des autres par l’injustice? Je ne le pense pas ! La vie éternelle à laquelle nous aspirons n’a de sens que si elle est le couronnement d’une vie passée sur terre au service de la vie en soi et en l’autre. Encore une fois, je ne rêve pas du paradis sur terre, mais la réalité est que les fils de ténèbres semblent avoir étouffé les fils de lumière dans notre pays. C’est pour cela que le fruit de notre vivre-ensemble n’est pas la justice ou encore l’épanouissement de la vie humaine.

Jésus n’était pas un politicien mais n’oublions pas que c’est à cause de son opposition aux servitudes religieuses et sociales de son temps, de sa défense inconditionnelle de la dignité de tout être humain qu’il a été rejeté et crucifié par les fonctionnaires du sacré et les politiciens de son temps. Cela ne vous étonne-t-il pas qu’avec un tel maître nous soyons si tranquilles dans un pays comme le nôtre rongé par le mal-être? Nous baignons dans un christianisme individualiste tellement centré sur la consommation rituelle pour des besoins personnels qu’il ne constitue plus aucun danger pour les structures qui secrètent l’injustice et la mort. On en vient même à commercialiser le « sacré » aux chercheurs d’emploi, de conjoint, d’enfant, de richesses, etc., tout cela au nom de Jésus Christ. Ce christianisme fétichiste que la pauvreté et son lot de misères sociales font fleurir chez nous n’est pas celui de Jésus Christ ! D’ailleurs nous dit-il : « Ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur ! » qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Ce jour-là, beaucoup me diront : « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? » Alors je leur déclarerai : « Je ne vous ai jamais connus. Écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal ! » » (Mt 7, 21-23). En réalité, la foi chrétienne est un chemin d’élévation mystique qui libère progressivement en l’homme les forces de l’amour, mais que malheureusement le fonctionnariat du sacré a progressivement émasculée, condamnant ainsi la plupart des chrétiens au « kwashiorkor » spirituel. Le peuple de Dieu se meurt dans les poubelles spirituelles faute de mystagogues, c’est-à-dire de vrais guides initiatiques formés à l’école de Jésus Christ.

Les chrétiens doivent se réveiller au Cameroun et reprendre le flambeau du Maître, celui de la dissidence ! Le christianisme tranquille et sans risques n’est pas celui de Jésus Christ. Un vrai chrétien est un rebelle par essence, parce qu’il ne supporte pas qu’un être humain soit piétiné. La plupart de nos problèmes sociaux sont engendrés par la mauvaise gouvernance qui relève des injustices structurelles. Dieu n’y est pour rien ! Laissons Dieu tranquille et assumons nos responsabilités. Il nous en a donnés les moyens. Où sont et que font les chrétiens sur le champ politique au Cameroun?
Au lieu de courir après les miracles, les chrétiens doivent prendre le risque de subvertir les forces de la mort de leur temps par un engagement responsable au service de la justice et de la paix dans tous les domaines de la vie sociale, y compris la vie politique. Jésus l’a fait et en a payé le prix. Un christianisme conformiste n’est pas celui de Jésus Christ et seuls les hommes libres peuvent être vraiment ses disciples. Beaucoup sont baptisés mais très peu sont chrétiens parce que très peu sont libres. « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés. » (Lc 4, 18). Voilà l’Esprit qui habitait et guidait Jésus, ce maître ambulant qui n’avait même pas où reposer sa tête (Mt8, 20). Est-ce le même esprit qui nous habite, nous qui prétendons être ses disciples aujourd’hui au Cameroun? Que Dieu bénisse le Cameroun !

Père Ludovic Lado
Journalducameroun.com)/n