Cameroun-Crise anglophone : l’archevêque de Bamenda appelle des puissances étrangères à agir

Monseigneur Andrew Nkea demande à la France, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni de privilégier l’intérêt des Camerounais dans la résolution de la crise.

Dans une interview à ACI Afrique, le président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun interpelle les Français, les Anglais et les Américains. Dans le cadre de la résolution de la crise sécuritaire qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2016, l’homme de Dieu sollicite leur médiation en tant  que membres de la communauté internationale.

« La communauté internationale devrait regarder l’intérêt des Camerounais et non leur propre intérêt dans le conflit. Je m’adresse donc aux Français, aux Anglais et aux Américains. Ils devraient regarder l’intérêt des Camerounais et non l’intérêt de leur propre pays au Cameroun. De cette façon, ils peuvent nous aider à rechercher une véritable solution », déclare le prélat.

Cette déclaration qui participe de la recherche des solutions à la crise semblent de ne pas tenir compte de la position du gouvernement. Depuis 2019, en convoquant le Grand dialogue national, les autorités étatiques, le chef de l’Etat en premier, soutiennent que  les problèmes des Camerounais doivent être traités par des Camerounais.

Il y a quelque temps, le gouvernement a démenti avoir mandaté le Canada pour assurer la médiation entre les groupes séparatistes et l’Etat du Cameroun. Le pays de Paul Biya compte tout de même sur la collaboration des Etats pour mettre la main sur des personnes qui, de l’étranger, participent au financement des séparatistes ou à la fourniture des armes.

Cameroun : le Pape François demande la libération des otages

Le chef de l’église catholique dans le monde a appelé dimanche 25 septembre 2022 à la libération des cinq prêtes, une religieuse et deux fidèles.

Huit personnes sont entre les mains des ravisseurs depuis 10 jours. Le 16 septembre dernier, des hommes armés ont kidnappé cinq prêtres, une religieuse et deux laïcs. Ils sont incendié leur église, la paroisse Sainte-Marie de Nchang dans le diocèse de Mamfé, région administrative du Sud-Ouest. Neuf jours  après, le pape François appelle à leur libération.

Le souverain pontife a lancé cet appel au terme d’une messe célébrée dans la matinée du 25 septembre 2022. Le pape a présidé cette célébration eucharistique à Matera, dans le sud de l’Italie. C’était à l’occasion de la clôture du Congrès eucharistique italien. Il en a profité pour prier pour les otages ainsi que les habitants de la province ecclésiastique de Bamenda, une zone en crise depuis 2016.

L’appel du pape survient quelques jours après la confirmation de l’enlèvement par la Conférence épiscopale nationale du Cameroun. Le président de cette instance regroupant les évêques du pays Mgr Andrew Nkea, par ailleurs archevêque de Bamenda a donné des  nouvelles des otages en fin de semaine dernière. Selon lui, les ravisseurs imposent le versement d’une rançon contre la remise en liberté des personnes détenues. D’abord fixé à 50 millions de FCFA, ils l’ont réduit de moitié par la suite.

Dans une interview accordée à la Croix, Mgr Andrew Nkea a affirmé que l’église ne commencera pas à payer des rançons, alors qu’elle ne dispose pas des moyens financiers. A l’en croire, l’église n’est pas prête à céder aux conditions des ravisseurs au risque de leur donner la possibilité de continuer à accomplir des actes de même nature.

Cameroun-Mgr Andrew Nkea : « il n’est pas question de commencer à payer des rançons, sinon… »

Le président de la Conférence épiscopale nationale Mgr Andrew Nkea rassure trois jours après l’enlèvement de cinq prêtres, une religieuse et deux fidèles. Le prélat, dans une interview accordée à nos confrères de La Croix, indique que les ravisseurs demandent une rançon pour la libération des otages embarqués le 19 septembre 2022.

Avez-vous des nouvelles des 5 prêtres, de la religieuse et deux laïcs enlevés dans le diocèse de Mamfé ?

Mgr Andrew Nkea : Oui. Ils sont en bonne santé mais leurs ravisseurs demandent une rançon. Celle-ci est passée 100 000 dollars à 50 000 dollars. Nous ne pouvons toujours pas la payer, d’une part parce que nous n’en avons pas les moyens, d’autre part il n’est pas question de commencer à payer des rançons sinon, cela ne va jamais s’arrêter

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une rançon est demandée pour un enlèvement de clerc dans la zone anglophone du Cameroun. Les ravisseurs demandent à chaque fois de l’argent mais nous n’avons jamais rien payé et telle restera notre position pour ces enlèvements de clercs.

La récurrence des enlèvements dans la province ecclésiastique de Bamenda doit sans doute vous inquiéter. Qui en sont les auteurs ?

Mgr Andrew Nkea : Oui nous sommes inquiets. Dernièrement, un enregistrement audio a circulé où des individus disaient qu’ils ne voulaient pas de la présence des Églises catholique, presbytérienne et baptiste dans la zone anglophone, sauf à Bamenda et Buea. Nous ne comprenons pas pourquoi ils nous limitent et qui est derrière tout cela.
Pour ce qui est des ravisseurs, nous savons juste que ce sont des séparatistes, des ambazoniens. Nous avons eu quelques noms mais nous ignorons quelles sont les motivations exactes.

L’Église est quelque peu prise en étau entre les séparatistes et le gouvernement fédéral dans ce conflit anglophone. Comment vivez-vous cette situation ?

Mgr Andrew Nkea : L’Église est présente pour tout le monde, sans distinction politique. Si les séparatistes ambazoniens viennent solliciter un prêtre pour la confession par exemple, il se doit d’être là pour les accompagner. Si c’est un soldat de l’armée régulière du Cameroun qui vient pour une bénédiction, je ne peux pas le renvoyer.
Le problème est que quand nous bénissons un Ambazonien, les militaires nous en veulent et quand nous écoutons les confessions de militaires, ce sont les séparatistes qui nous reprochent d’être de leur côté. La situation est donc très délicate. Aussi faut-il rappeler avec force que l’Église ne prend jamais position dans une situation politique. Nous sommes là pour tout le monde et nous continuerons de faire notre travail malgré toutes les difficultés.

Il y a trois ans, un « Grand dialogue national » était organisé pour trouver une solution à la crise anglophone qui handicape le Cameroun depuis maintenant 6 ans. Celui-ci porte-t-il du fruit ?

Mgr Andrew Nkea : Le Grand dialogue national a été un moment fort qui a apporté beaucoup de choses. Malheureusement, le gouvernement camerounais n’a pas saisi cette occasion pour agir concrètement en faveur des régions anglophones. Les anglophones du Cameroun avaient vraiment l’espoir qu’il y aurait un changement, notamment en matière de construction d’infrastructures comme les routes. À Bamenda, il n’y a, par exemple, pas de routes praticables. En outre, la décentralisation qui était l’une des mesures majeures de ce Grand dialogue national n’a jamais été mise en œuvre.
En clair, le gouvernement doit aussi prendre des mesures pour apaiser les populations des régions anglophones qui se sentent abandonnées. Au-delà des discours, tout le monde attend des actions concrètes.

Vous êtes également président de la Conférence épiscopale du Cameroun. Est-ce que cette structure a prévu d’assurer une médiation dans la crise anglophone ?

Mgr Andrew Nkea : Mon prédécesseur à la tête de la conférence, Mgr Samuel Kleda, s’était déplacé pour échanger avec les populations. Avec lui, nous sommes même allés avec lui au Nigeria où nous avons rendu visite aux réfugiés camerounais de cette crise.
Comme conférence, nous avons donc toujours proposé nos bons offices pour une médiation et nous échangeons avec les séparatistes et le gouvernement mais c’est très difficile. Nous demeurons dans l’espérance mais il est plus facile de commencer une guerre que de l’arrêter.

Recueilli Par Lucie Sarr

Cameroun : la Conférence épiscopale nationale a un nouveau président

Mgr Andrew Nkea, archevêque de Bamenda remplace Mgr Abraham Kome à la tête de l’instance regroupant l’ensemble des évêques du Cameroun.

Un nouveau vent souffle à la tête de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (Cenc) depuis samedi 30 avril 2022. L’archevêque de Bamenda a été élu à cette charge à l’issue de la 47è Assemblée plénière des évêques du Cameroun. Ces assises ont eu lieu du 25 au 30 avril 2022 au siège de la Cenc à Mvolye à Yaoundé. Il remplace à ce siège Mgr Abraham Kome, évêque de Bafang et sera secondé par son vice-président Mgr Philippe Alain Mbarga, évêque d’Ebolowa.

Né le 25 août 1965 à Widikum dans la région du Nord-Ouest, il est ordonné prêtre le 22 avril 1992. Il est nommé évêque co-ajuteur de Mamfe en 2013 par le pape François. Le 25 avril 2014, il devient évêque diocésain en remplacement de Mgr Francis Teke Lysinge. Cinq ans après, le 30 décembre 2019 plus précisément, il accède à la charge d’archevêque de Bamenda.

Après son élection à la tête de la Cenc, le nouveau président a indiqué dans sa première déclaration qu’il entendait appliquer la volonté du collège des évêques. « Nous n’avons pas été élus pour faire notre volonté, mais celle des évêques. Nous allons travailler en toute collégialité. Et nous allons tout mettre en œuvre pour rendre cette collégialité effective, pas seulement avec les mots », a assuré le prélat.

Pour ce qui est de sa mission, le nouvel élu ambitionne de « continuer à prier afin que la paix revienne au Nord-Ouest, au Sud-Ouest, au Grand Nord, mais aussi dans, la région de l’est ». Il s’agira ainsi pour la nouvelle équipe dirigeante de poursuivre la prière engagée pour la paix au Cameroun, lors du pèlerinage à Marienberg il y a quelques jours.