L’Organisation Interprofessionnelle des Sociétés d’électricité et d’eau au Cameroun (Oriselec), organisme regroupant près de 70% des sous-traitants d’Eneo annonce une grève dès ce 28 avril.
Le torchon brule entre la filiale d’Actis et ses sous-traitants. A l’origine de ce climat social délétère : le non-paiement par Eneo des prestations exécutées ; non-paiement par Eneo des arriérés ; la suspension abusive des entreprises sous-traitantes. Au sujet des arriérés, Oriselec qui assurer près de 95% des travaux d’entretien des réseaux électricité et branchement d’Eneo … réclame 10 milliards de FCFA de dette à l’énergéticien sur la période allant de 2015 à 2023. Une somme colossale qui plombe la santé financière de ces entreprises.
Ces dernières, s’insurgent aussi du fait que, bien qu’ayant saisie le ministère de tutelle (le ministère de l’Eau et de l’énergie) et moult promesses, Eneo n’a jamais « avancée un seul rond », décrie Simon Lapnet président de la l’organisation interprofessionnelle. «Alors qu’on espérait qu’Eneo allait entamer les négociations, la réaction de celle-ci a été contraire.
Elle a plutôt décidé de poursuivre un appel d’offres pour le recrutement des prestataires bien que le ministre ait demandé de suspendre cet appel d’offres. C’est donc à cause de cela qu’on a décidé d’avancer la date de grève initialement prévue pour le 10 mai prochain, au jeudi 28 avril. Ceci après concertation avec tous les membres», précise Simon Lapnet.
A en croire Ecomatin, les sous-traitants sont d’autant plus motivés par ce mouvement de grève à cause des licenciements abusifs du concessionnaire dont ils sont victimes. «Pour travailler sur les réseaux de Eneo, nous avons besoin d’agréments, d’octroyés par celle-ci. Eneo a suspendu plusieurs agréments à cause des prix qu’elle fixe et qui ne nous arrangent pas. Et en plus elle nous retirent les codes fournisseurs qui ne nous donnent plus accès à un suivi des factures ».
Ce mouvement de contestions n’est pas inédit. En 2022, Aseelec (Association des entreprises d’électricité et d’eau du Cameroun) qui est devenue aujourd’hui Oriselec, avait toujours initié une grève pour réclamer le montant de 5 milliards pour la période 2015 à 2020. Montant qui est cumulé à date aux 10 milliards de FCFA qu’elle réclame, et qu’elle entend bien recouvrer par tous les moyens légaux.
Un document publié par l’institution montre que l’Etat du Cameroun ne respecte pas toujours ses engagements, contrairement aux récentes affirmations du ministre de la Communication et du DG du Trésor
« Nous payons les prestataires dans un délai de 60 jours.» Cette déclaration est du directeur général du Trésor, de la Coopération financière et monétaire au ministère des Finances. Sylvester Mohz Tangongho réagissait, dans une interview au canard gouvernemental Cameroon tribune édition du 10 avril 2014, à cette une du quotidien privé Le jour: «Trésor public: L’Etat est†il en faillite?» Dans cet article, des prestataires se plaignaient d’avoir des factures impayées datant, pour certaines, de deux ans. Cette déclaration du directeur du Trésor de la Coopération financière et monétaire, reprise au nom du ministre des Finances par le ministre de la Communication quelques jours plus tard, s’avère relever aujourd’hui d’un mythe que d’une réalité.
Augmentation de la dette
Dans la première édition des «Cahiers économiques du Cameroun », sa revue semestrielle d’évaluation de l’économie camerounaise, la Banque mondiale s’inquiète en effet de l’augmentation de la dette publique du pays. Selon le document publié le 24 avril dernier et non contesté à ce jour par le gouvernement, «le stock des arriérés de la dette publique et autres obligations de paiement a augmenté, passant de 3,9% du PIB en 2011 à un niveau inquiétant de 6,7% du PIB en 2013 (soit un montant d’environ 900 milliards F Cfa NDLR)». Pour l’inspecteur principal du Trésor, cette accumulation des arriérés serait le fait des prestations «non engagées», «sans crédit» et non du non respect par l’Etat de ses engagements. Mais la Banque mondiale soutient le contraire. Parmi les principales raisons de l’augmentation des arriérés et obligations de paiements, l’institution cite notamment «les limitations de la gestion de trésorerie qui donnent lieu à des dépenses engagées mais non ordonnancées (Deno) et l’augmentation des obligations résiduelles». Et le détail de cette dette (voir tableau) montre bien que les Deno et les obligations résiduelles représentent plus de 43% de cette dette.
Lors de la présentation du plan d’urgence au cours du Conseil de cabinet du mois d’avril, le ministre de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, a indiqué que «les crédits publics n’ont été absorbés qu’à hauteur de 66,92% de liquidations contre 85,92% d’engagements et 70,20% de réalisations physiques»; soit un gap, pour la seule année 2013, de 181.83 milliards de F Cfa entre les engagements et les liquidations et pire d’un peu plus de 31 milliards de F entre les réalisations physiques et les liquidations. En 2012 déjà, première année au cours de laquelle le gouvernement s’est engagé à régler ses prestataires en 60 jours, les engagements non réglés ont approché 200 milliards de F Cfa selon le rapport n° 13/279 du Fonds monétaire international.
«Il y a des affaires qui sont en justice. Donc, à tout moment, vous aurez toujours quelque chose en instance» se défend cette fois, Mohz Tangongho Sylvester. Un fonctionnaire en service à l’inspection national des services du Trésor, rompu au contrôle de la dépense publique, évoque une tout autre raison: «la rétention administrative de trésorerie». Elle serait due au fait que «L’Etat ne se comporte pas encore comme un vrai acteur économique et se joue de ses prérogatives de puissance publique pour ne pas respecter ses engagements». «Les dépenses liées aux déplacements du chef de l’Etat par exemple sont prioritaires sur toutes les autres» renseigne le fonctionnaire qui ajoute : «Quand on paie les salaires tous les autres paiements sont arrêtés au moins pour deux semaines». La situation est telle que, le président de la République lui†même, dans sa circulaire du 30 juillet relative à la préparation du budget 2014, a instruit le gouvernement de «réduire le délais de paiement des décomptes et factures».
Péril sur la croissance
En attendant, le stock des arriérés de la dette publique et autres obligations de paiement handicape sérieusement les entreprises: «les crédits de la TVA de la dette intérieure (notamment) plombe la trésorerie des entreprises» n’a de cesse de se plaindre le Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam). Au premier rang de ces entreprises se trouve la Société nationale de raffinage (Sonara). Ses créances auprès de l’Etat représentent près de 30% de la dette intérieure qui avoisine les 900 milliards de Fcfa. Ce n’est donc pas un hasard si «en 2013, les performances du secteur privé sont restées stagnantes, voir en régression » comme le soutient, André Fotso, le président du Gicam dans l’édition du mois d’avril du magazine Investir au Cameroun. Logique donc qu’«au rang de ces mesures décisives pour faire sortir les chefs d’entreprise de la déprime ambiante», le président du Gicam cite en tête «l’apurement des crédits de TVA». Le retour de la croissance en dépend. Car l’augmentation de la dette publique, en plus d’asphyxier les entreprises, est en partie responsable de la baisse du taux de la croissance passée de 5,1 en 2012 à 4,8 en 2013. Dans le calcul du taux de croissance, la variable dette figure en effet au dénominateur. Son augmentation (comme ce fut le cas en 2013) entraine de fait une diminution de la croissance. Le Cameroun qui projette, selon son plan d’urgence, un taux de croissance de 6% en 2014, soit une progression d’un 1,2% par rapport à 2013, sait ce qui lui reste à faire.
Alamine Ousmane Mey (au centre) et le DG du Trésor (à sa gauche), sur le grilJournal Intégration)/n