Cameroun: le gouvernement veut éviter un “effet pangolin” avec la crise liée au Covid-19

(Editorial) – Les actions du Minat pour limiter l’intervention d’acteurs non-gouvernementaux, dans l’espace public des mesures de lutte contre la propagation de la pandémie du coronavirus, et les concertations initiées par le PM avec les leaders religieux et les responsables de partis politiques le 09 avril, semblent démontrer que le gouvernement veut montrer à la population qu’il contrôle la situation. Eviter le discrédit des autorités politiques et le risque d’une transition politique précipitée

 

“L’effet pangolin”: du nom de l’un des animaux qui, avec la chauve-souris, est considéré comme un élément déterminant dans l’apparition du Covid-19, est une expression contenue dans le titre d’une note diplomatique rédigée le 24 mars dernier par le Centre d’analyse, de prévention et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de la France, sur l’impact que pourrait avoir la pandémie du Covid-19 en Afrique subsaharienne. 

La note, publiée sous le titre «“l’effet pangolin”, la tempête qui vient en Afrique ?», résume le risque pour plusieurs Etats africains de basculer dans une transition politique avec l’émergence d’une crise sanitaire  – du fait d’un “taux de médicalisation quasi-nul” – qui viendrait révéler l’incapacité pour les Etats de protéger leur population, en s’ajoutant à des crises économiques, politiques et sécuritaires déjà non résolues.

La note évoque aussi le risque d’une crise politique qui pourrait être causée par le discrédit des autorités politiques et des paroles institutionnelles, donnant à observer une recomposition des informations publiques par le bas. L’ultime perte des dirigeants, viendrait, selon le CAPS, des détournements de biens publics (masques et aide sanitaire internationale) dans le cadre des activités de prise en charge de cette pandémie.

Difficile de dire si les membres du gouvernement camerounais, dont son chef, ont lu ce document du CAPS mais les actions menées cette semaine semblent donner l’impression que le gouvernement veut éviter ces scénarios. 

D’abord la sortie du ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, qui a demandé le 07 avril à tous les leaders politiques – à l’instar de Maurice Kamto – et d’associations ayant entrepris des collectes de fonds pour des opérations de soutien aux populations d’y mettre un terme. Un Fonds mis sur pied par le président de la République existe déjà, a-t-il rappelé.

Ensuite, la concertation tenue jeudi, 09 avril, en matinée, par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, avec les leaders religieux et leaders de partis politiques représentés à l’Assemblée nationale soit un peu plus de trois semaines après les premières mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le Covid-19 en fermant les frontières et en limitant les déplacements. 

Enfin, l’annonce faite par le chef du gouvernement à l’issue de ladite concertation, demandant aux populations de garder leur calme et que des mesures d’accompagnement étaient en étude pour aider pendant cette période.

On le voit, stratégiquement, dans cette période de crise, le gouvernement ne veut pas laisser d’espace à d’autres acteurs pour la riposte contre le Covid-19.

Partition du Cameroun : la réponse à la crise n’est pas d’ordre militaire (France)

Telle est la position de la France au sujet de la crise politique qui paralyse les régions camerounaises du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis près de trois ans.

La solution à la crise anglophone est « politique », non pas militaire ou sécuritaire, soutient la France à contrario du gouvernement camerounais qui privilégie l’usage de la Force depuis trois ans. Ce, au grand dam des ONG et des instances internationales qui multiplient des appels en faveur d’un dialogue inclusif.

« Tous les canaux de dialogue et de réconciliation doivent être ouverts, et c’est pourquoi elle la France][ poursuit ses échanges, en toute franchise, avec les autorités camerounaises. Elle les appelle à lancer un dialogue politique inclusif, à mettre en œuvre des mesures de détente et à approfondir la décentralisation »,   a déclaré le Quai d’Orsay mardi, 30 juillet.

Depuis qu’elle a débuté en novembre 2016, la crise anglophone a amplifié le phénomène de déplacement déjà occasionné par la présence de Boko Haram à l’Extrême-Nord du Cameroun. 35  000 personnes anglophones ont fui vers le Nigeria tandis que l’on enregistre aussi 530 000 déplacés du fait de la crise actuelle.

Pendant ce temps d’âpres combats continuent d’opposer les forces armées camerounaises aux milices séparatistes. La population civile, prise à partie dans ces évènements, subie toutes sortes d’exaction, autant de la part des militaires que des sécessionnistes.

La crise anglophone n’est toutefois pas le seul sujet de préoccupation pour la France. Le ministère de l’Europe et d es Affaires étrangères a fait savoir mardi que le pays « suit avec attention la situation de l’ancien candidat à la présidentielle Maurice Kamto ». L’homme politique et une centaine de ses partisans ont été inculpés lors de manifestations politiques tenues  en janvier et en juin 2019 pour contester l’issue de la présidentielle du 7 octobre 2018. Ils sont détenus depuis à la prison de Kondengui et jugés pour des actes relatifs à l’insurrection et à l’hostilité à la patrie. « La France est très préoccupée par son inculpation », fait savoir le Quai d’Orsay.

Indépendance du Cameroun: la France ouvre les archives

La France met à la disposition des chercheurs des documents diplomatiques couvrant la période de 1957 à 1971, conformément à une promesse du président François Hollande. Seule condition, avoir au moins 25 ans.

En France, les archives sur l’indépendance du Cameroun sont consultables à la direction de Archives diplomatiques de la Courneuve. Ils ont été déclassifiés ; procédé qui renvoie au fait d’avoir rendu accessibles des documents classés « secret » ou « très secret » jusqu’à l’année dernière et concernant plus de 200 cartons de documents. Notamment des correspondances entre Paris et Yaoundé, des rapports des administrations françaises, des notes de renseignement, des articles de presse, des résolutions de l’Onu, tous vieux  de la période allant de 1957 à 1971.

Ce premier fond d’archives est rendu public par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. Il marque donc l’accomplissement d’une promesse faite en 2015 par le président François Hollande suivant une philosophie de transparence qu’il prônait déjà en 2013. Laquelle« contribuera à l’idée que la France se fait d’elle-même parce qu’elle saura d’où elle vient », dira-t-il à l’occasion de l’inauguration  du nouveau site des Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) le 11 février 2013.

De ces archives, l’on apprend à titre illustratif, la sympathie de la Chine pour les activistes indépendantistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC), courant 1965. Ce qui ne laissait pas indifférent l’administration française et le régime du président Amadou Ahidjo, renseigne une correspondance de l’ambassadeur de France au Cameroun, Francis Hure, adressée le 23 juin 1965 à M. Maurice Couve De Murville, alors ministre des Affaires étrangères.

« La France a fait une promesse forte qui était de rendre accessible toutes les archives dont la France disposait, notamment au ministère des Affaires étrangères. Cette promesse est aujourd’hui tenue. Cela a demandé un long travail, à la fois de classification et déclassification des documents, parce qu’il a fallu classer les documents pour qu’ils soient lisibles et déclassifier lorsqu’ils étaient effectivement marqués secret-défense à l’époque.  Nous sommes très heureux d’ailleurs que depuis l’année dernière où nous avons fait l’annonce que ces archives étaient accessibles, des chercheurs, notamment camerounais, se soient rendus sur le site de la Courneuve pour les consulter», explique la porte-parole du Quai d’Orsay, Agnès Von Der Mühll.

Un transfert du fond d’archives vers le Cameroun est-il envisageable ?

« Là ça pose un problème de sécurité des archives. Imaginez que nous perdions des archives lors d’un transport. Je pense que serait quelque chose de difficile à expliquer à nos opinions publiques. Il faut qu’on les conserve dans des conditions appropriées. Mais tous ceux qui peuvent faire le déplacement sont invités et je suis surs que dans la communauté des chercheurs, les uns et les autres peuvent s’entraider pour aider les chercheurs qui sont intéressés par ces sujets au Cameroun de venir les consulter », répond Agnès Von Der Mühll.

Aux archives diplomatiques de la Courneuve, un édifice a été conçu spécialement pour répondre aux exigences de la conservation de tels patrimoines historiques. Les températures basses dans les salles d’archivage permettent de ralentir le vieillissement des documents comme a pu constater Journalducameroun.com sur place. Des mesures sont toutefois prises pour conserver la mémoire de manière numérique ou encore par des reproductions de documents.

D’autres départements ministériels de la France ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour la déclassification des archives.

 

Quai d’Orsay : « L’opposition camerounaise doit pouvoir s’exprimer librement »

Ainsi s’est exprimé mercredi la France suite à l’inculpation de Maurice Kamto.

Une centaine de militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) attend d’être jugée pour avoir participé à une marche organisée en contestation de la victoire du Président Paul Biya au scrutin du 7 octobre dernier et l’incapacité du pouvoir en place à résoudre la crise anglophone. Une situation qui « préoccupe » la France.

« Nous sommes préoccupés par ce développement judiciaire et restons attentifs à la situation de M. Kamto et à celle d’environ 200 de ses partisans qui sont détenus », a déclaré mercredi, 11 février, le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.

Maurice Kamto et ses sympathisants sont détenus depuis le 28 janvier. Mercredi, ils ont été présentés devant le commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire de Yaoundé où ils ont été notifiés des charges retenues contre eux. Notamment, « hostilité contre la patrie », « rébellion de groupe », « insurrection », « incitation à la révolte », « perturbation de la circulation des personnes et des biens ».

 «  L’opposition camerounaise doit pouvoir s’exprimer librement, dans le respect de la loi », soutient le Quai d’Orsay.

Affaire Ahmed Abba: la France espère une suite de procédure favorable

Le Quai d’ Orsay dit avoir appris avec préoccupation la condamnation de dix  ans de prison infligée lundi au correspondant de RFI.

Le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international optimiste après la condamnation du journaliste Ahmed Abba pour non-dénonciation des actes de terrorisme et blanchiment des produits de terrorisme. Dans une réaction rendue publique à la suite de l’audience tenue lundi, 24 avril 2017, le Quai d’Orsay a déclaré «espérer que la suite de la procédure permettra au journaliste camerounais de recouvrer la liberté».

La défense d’Ahmed Abba a entamé mardi la procédure pour interjeter appel de la sentence de dix ans d’emprisonnement et 56 millions de F CFA d’amende rendue lundi par le Tribunal militaire de Yaoundé. Ces derniers sont soutenus par la France qui reprécise «son attachement au respect des libertés fondamentales, dont la liberté de la presse», selon le porte-parole dudit ministère, Romain Nadal.

Cette sortie du Quai en faveur du journaliste Ahmed Abba est effectuée alors que d’autres journalistes camerounais, les nommés Baba Wamé, Rodrigue Tongue et Félix Cyriaque Ebolé Bola, sont poursuivis  pour non-dénonciation des actes de terrorisme. La France a jusqu’ici gardé silence sur ce dossier.

Le 06 décembre dernier, le ministre français Jean Marc Ayrault avait proclamé le soutien de la France à Ahmed Abba, qui, selon lui, «ne faisait que son travail». «Nous n’avons pas cessé de multiplier les interventions auprès des autorités camerounaises, nous allons encore le faire ces prochaines heures, car nous souhaitons effectivement sa libération », avait-il déclaré sur l’antenne de RFI.