«Ne mangez plus les fruits venant du Nord car on a informé que Boko Haram a envoyé 54 000 fruits déjà empoisonnés », peut-on lire dans des Sms
Depuis l’embrasement, il y a plusieurs mois, de la situation sécuritaire dans l’Extrême-Nord du Cameroun, en raison des exactions de Boko Haram, des populations reçoivent des Short message service (SMS) sur leurs téléphones portables, les mettant en garde contre la secte.
«Ne mangez plus les carottes, pommes, pastèques et autres fruits venant du Nord car on a informé que Boko Haram a envoyé 54 000 fruits déjà empoisonnés avec des produits chimiques à destination du Sud-ouest et du Littoral», peut-on lire dans la messagerie de quelques Camerounais. Ces messages envoyés le plus souvent par les frères, s urs et amis, n’ont pas d’expéditeur « d’origine » connu.
«C’est ma cousine qui me l’a envoyé. Elle l’avait reçu de son petit ami qui l’avait reçu d’un ami. Ce dernier l’avait aussi reçu d’un ami. C’est difficile de remonter jusqu’à l’origine. On ne sait qui l’envoie», a confié à Anadolu un journaliste en service à la Cameroon Radio and Television (Crtv), la chaîne nationale.
«Les premiers jours où j’ai reçu ces messages, j’ai eu très peur. Je n’ai pas consommé de fruits pendant deux jours. Mais, après, j’ai continué à les consommer car, j’ai appelé une source militaire qui m’a dit que ce message ne venait pas de Boko Haram», poursuit-il.
Sur son téléphone, Richard, étudiant en informatique, a reçu le message suivant: «S’il te plait, reste à la maison demain car l’heure est grave. Pendant qu’on parle de paix, ils ont encore attaqué l’hôtel de ville cette nuit, ils ont pris le camp militaire, la Crtv (télévision nationale, ndlr), l’hôpital central, l’aéroport. Tout le territoire est occupé depuis 4 h ».
Une blague que le jeune homme âgé de 23 ans, n’a pas supporté. «En lisant les premiers mots, j’ai eu très peur. Je pensais que c’était réel. Je n’ai pas pu arriver jusqu’à la fin du message. J’ai appelé mon camarade de classe qui me l’avait envoyé. Il m’a dit en riant que c’était une blague», dit-il à Anadolu.
Certains Camerounais affichent ces messages sur leurs pages Facebook pour avertir leurs amis.
«Lorsque j’ai reçu le message sur les fruits, j’ai eu très peur. Ma femme m’a même dit de ne plus vendre les fruits lorsque je lui ai montré le message au petit matin. Mais, mon grossiste m’a dit que c’était faux», assure un vendeur d’ananas ambulant rencontré par Anadolu dans les rues de Douala (Littoral), qui dit que ces messages n’ont toutefois pas affecté son commerce.
Pour Dr Etienne Simo Fopa, expert en communication au Cameroun, joint au téléphone par Anadolu, «Nous sommes en Etat de guerre. Nous avons déclaré une guerre à Boko Haram qui a son tour, nous a déclaré la guerre. Or, en guerre, la première victime est la vérité ».
« La guerre de la communication crée la psychose car, on amène le camp adverse à avoir peur. Certains messages peuvent être vrais. Mais, sur 1000 messages, il y a 0,002 % de chance qu’un seul soit vrai», ajoute-il.
L’expert en communication stratégique assure que si ces messages présentaient un réel danger, l’Etat du Cameroun, à travers ses forces de l’ordre et autres spécialistes, les auraient déjà bloqués.
Dr Etienne Simo Fopa précise que l’Etat contrôle toutes les conversations et peut identifier la personne qui envoie ces messages. «S’ils ne le font pas, cela veut dire que ces messages ne proviennent pas de Boko Haram. Car, en termes de stratégie de guerre, on parle d’un ensemble de données et politiques pouvant mettre en jeu l’attaque ou la défense», conclut l’expert en communication stratégique.
Le chef de la division de communication au ministère de la Défense, le colonel Didier Badjeck, a démenti également ces informations dans une interview accordée il y a peu au quotidien gouvernemental.
