Par Michel Lobé Etamé, journaliste
La tournée de François Hollande au Bénin, en Angola et au Cameroun me laisse sur ma faim. Les images diffusées nous ont montré un président français, comme à l’accoutumée, en inspection dans ses réserves «naturelles». Un défilé d’enfants sagement vêtus dans le folklore habituel longeait les trottoirs pour acclamer le père fouettard, les mains remplies d’offrandes.
Nous croyions ces images révolues. Mais non! L’Afrique est toujours dirigée par des hommes bercés par la peur du maître.
Une visite au pas de course
La technologie évolue et nous offre des images en temps réel. Ces images ne trompent pas. C’est la magie du direct. Nous avons pu voir le président béninois prononcer un discours pour évoquer la «générosité de la France». Pendant ce discours pathétique, nous avons observé un François Hollande impatient, tendu et nerveux. Une attitude qui ne cachait même pas son insolence à l’égard de celui qui l’accueillait. Son jeu de doigts sur son pupitre trahissait un homme qui ne savait pas pourquoi il était là. Nous avions devant nous un François Hollande hagard, perdu et qui n’attendait qu’une chose: faire son petit discours et reprendre son avion pour l’Angola où l’attendaient des contrats «juteux».
Certes, le Bénin est une démocratie. Hollande l’a rappelé pour le grand bien de tous ceux qui aspirent à la liberté. Mais les droits de l’homme ne sont plus aujourd’hui au c ur de l’actualité. L’insécurité s’est installée pour le grand bonheur des fabricants d’armes. Le discours de la France a aussi changé à l’égard de ses anciennes colonies. Elle ne mettra pas fin à la «Françafrique» qui a pesé de tous son poids sur les choix des hommes. L’Afrique doit se battre pour arracher sa liberté au lieu de se languir à longueur de journée.
En Angola, un contentieux a refroidi des années durant les relations de la France et l’ancienne colonie lusophone. L’Angola est devenue un partenaire fréquentable. Il produit du pétrole et dispose de beaucoup de liquidité. La France a eu tort de l’ignorer longtemps. C’est chose faite maintenant. L’Angola, pays d’avenir sur le continent africain voit tous les jours débarquer sur son sol des portugais. Les enfants des anciens colons n’ont aucun état d’âme. Ils vont chercher du travail là où leurs parents brûlaient à vif ceux qui se battaient pour l’indépendance.
Le gâteau angolais est volumineux. Il ne peut être livré aux seuls américains et chinois. Ce pays est épié par toutes les grandes puissances. Pourquoi la France en serait-elle exclue?
François Hollande a été accueilli à l’aéroport par un ministre, chose inhabituelle en Afrique. Les temps changent. Dans les pays francophones, ce serait un crime. Les présidents français sont accueillis avec une haie d’honneur par un président local suffoquant dans son costume. Ah! Le protocole tropical.
La délégation française était constituée d’homme d’affaires. Le pays est en plein boum économique et les projets ne manquent pas. Des villes nouvelles jaillissent ici et là et offrent des opportunités aux nationaux. En Angola, nous pouvons apprécier les bienfaits du développement inclusif et durable, alors que les pays d’Afrique francophone, riches en pétrole et en minerai, stagnent et régressent parfois dans la pauvreté.
Au Cameroun, François Hollande a fait un voyage éclair. Il a assisté à un folklore habituel où de jeunes enfants formaient une haie d’honneur que couvraient des youyous en ch ur. François le bienvenu est venu dire aux camerounais tout l’amour que la France a pour ce pays ami. Il a assuré le président Paul Biya de l’amitié de la France et de sa solidarité pour la guerre que mène le Cameroun contre un ennemi intransigeant et cruel: Boko Haram.
Mais un sentiment anti-français se développe. Il ne se justifie pas dans un pays souverain qui devrait décider tout seul de son avenir. Le Camerounais campe dans une posture de victimisation. Incapable de se remettre en cause, il accuse la France d’être responsable de sa misère ambiante. S’il est vrai que la françafrique a nourri les mécanismes de la corruption, de la peur, du tribalisme et du despotisme, il n’en demeure pas moins vrai que ce serpent profite toujours aux corrompus en exercice rompus à la lourdeur bureaucratique qui annihile les efforts des entrepreneurs.
L’Afrique francophone entre aujourd’hui dans une autre forme de colonisation économique où certains hommes d’affaires ont profité de la politique honteuse des plans d’ajustements structurels douloureux et brutalement imposés par le FMI.
Aujourd’hui, le monde entier est en émoi. La douleur de la Grèce est partagée. Mais qui se souvient des assauts répétés de la Banque Mondiale et du FMI avec ses fameux plans d’ajustements structurels qui ont plongé les économies africaines dans la pauvreté? Qui se souvient encore de la dévaluation du franc CFA qui a ruiné les espoirs de l’Afrique?
Le Cameroun ne peut s’en prendre qu’à lui-même de laisser s’installer cette nouvelle forme de colonisation économique. Cette situation est inquiétante. Elle devrait faire réagir les autorités. Sinon, le Cameroun s’inscrira dans un nouveau cycle de dépendance dont les conséquences sont imprévisibles. Le pays n’a pas su préparer le choc démographique face à une jeunesse qui aspire au bien-être.
