Souvenirs de Tokoto Ashanty racontés par son ancien percussionniste

Ahmed Bouzzine a connu « l’homme de chèvre » pendant ses périodes de faste mais aussi de dépression.

Au gré d’une conversation hasardeuse avec Ahmed Bouzzine à Abidjan, lors du Masa 2018, nous découvrons qu’il a été, pendant quelques années, le percussionniste  de Tokoto Ashanty. Le visage rieur, le conteur d’origine marocaine parle avec nostalgie de sa rencontre avec l’artiste camerounais. Les deux hommes ont été présentés en 1989 par Mamfei Obin, musicien et conteur ivoirien.

Pour l’avoir côtoyé, Ahmed Bouzzine peut parler de cet artiste pluriel, auteur de titres à succès des années 70 et précurseur du Wakawaka (Makossa pop). Tokoto Ashanty, porté sur l’excentricité vestimentaire, était un homme habité, doté d’une énergie sans pareil. « On donnait des concerts qui duraient trois heures. Et lui, était d’une générosité incroyable. Il savait tenir la scène », se souvient Ahmed.

La période de faste et de grosses tournées européennes de Tokoto Ashanty ne durera que quelques années après son arrivée en France. Le Camerounais s’y était installé, persuadé qu’il produirait un troisième album avec le label W.E.A Atlantic, avec lequel il avait travaillé sur les disques « This and this » (45 tours en 1978) et « L’homme de chèvre » (33 tours en 1979). Seulement, dit Ahmed Bouzzine, le directeur de production dudit label a choisi d’investir les 400.000 francs français destinés à Tokoto Ashanty sur l’album d’une autre artiste, de nationalité ghanéenne. « Cette histoire l’a tué. Il a fait une grosse dépression », regrette Ahmed.

Un Avc en plein festival

Face à ce revers, Tokoto Ashanty, anéanti, ne garde que quelques options. Rentrer au Cameroun n’en fait pas partie. S’il avait rajouté la honte à sa déception, il serait mort une fois le sol camerounais foulé, pense Ahmed Bouzzine. Le Camerounais accusera quand même le coup de son infortune sur le plan physique. En 1997, alors que Tokoto participe au festival des arts du récit en Isère promu par l’artiste marocain justement, il fait un accident vasculaire cérébral. Il lui faudra plusieurs années pour s’en remettre.

Peu à peu, il s’éloigne des milieux du conte, qu’il avait décidé de réhabiliter à la fin des années 70, parallèlement à sa carrière musicale. « J’ai fini par le perdre de vue. Mais j’ai appris qu’à un moment, il offrait des services de guérisseur. A ce moment-là, il m’a vraiment fait peur, parce qu’il a sombré. Il avait aussi de gros problèmes conjugaux », dit Ahmed Bouzzine, qui raconte avoir appris la nouvelle de la mort de l’homme de chèvre par un ami commun en 2015. Tokoto Ashanty né Bunya Tokoto Emmanuel, lui, est décédé en 2013. « L’homme de chèvre » a laissé un souvenir indélébile à Ahmed Bouzzine. Celui-ci considère que Tokoto Ashanty n’a pas eu la carrière qu’il méritait.

« L’homme de chèvre » laisse tout de même, une importante contribution à l’essor de la culture africaine. En 2006, il publie un « 2000 ans de mensonge n’arrêteront pas les enfants du Grand esprit ! », dernière empreinte artistique de l’histoire de sa vie faite de tumultes, de revers, mais aussi de joies et de rires. Oui, parce que  Tokoto Ashanty savait faire rire, raconte Ahmed Bouzzine.

Musique: Un ivoirien réclame la paternité de la chanson Waka Waka de Shakira

Après les camerounais de Zangalewa, Kéké Kassiry dit être le l’auteur de ce titre, réadapté par Shakira pour la coupe du monde

Si vous n’êtes pas très au fait des années 80, ce nom ne risque pas de vous dire grand chose. Kéké Kassiry. Un chanteur et guitariste ivoirien qui à cette époque là avait pignon sur rue dans son pays et en Afrique. A son actif, quatre albums, dont le premier est sorti en 1983. Trois ans plus tard, il sort Abidjan, son deuxième album. C’est de ce dernier que serait issue la version originale de ce qui récemment faisait office d’hymne de la coupe du monde Afrique du Sud 2010. La chanson de Shakira est une reprise de titre « Zomina » que j’ai enregistré à Paris à la fin de l’année 1986 quand je sortais mon album Abidjan, déclare t-il dans le magazine Mousso d’Afrique N° 567. On m’a dit que la version de Shakira est camerounaise. Mais je crois que j’ai été le premier à avoir mis ce titre sur un vinyle. Moi, je dis que ce titre vient de Kassiry insiste le chanteur, qui dit par ailleurs être entré en relation avec le groupe camerounais pour s’enquérir de cette affaire. Ils nous ont fait savoir qu’ils ont composé ce titre en fin d’année 1986, rapporte-t-il. Le groupe camerounais Zangalewa jusqu’ici reconnu comme les ayant droits d’une partie des retombées de cet hymne de la coupe du monde 2010, avait en effet convié la presse internationale à une conférence peu avant l’ouverture du mondial, pour rassurer l’opinion sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une reprise de Shakira, mais bien d’une réadaptation, et que le groupe n’avait pas été lésé dans les négociations.

Qu’importe, Kéké Kassiry dit avoir déjà entamé les démarches et adressé un courrier à la Sacem. Car toutes mes compositions dans la collaboration avec ma maison de production (Paco Rabane), y ont été déclarées. On m’a assuré que si les preuves sont établies par rapport à ce titre, il n’y a pas de raison que je ne touche pas mes droits. Le dossier suit son cours. En effet après la fermeture de sa maison de production en France en 1989 pour raison fiscale, le chanteur ivoirien a connu une longue période d’absence, due notamment à sa santé. Dix ans plus tard, il tente un retour sur scène avec un double album, mal accueilli et qui le plongera dans l’oubli. Du moins jusqu’à ce qu’apparaisse l’épisode Waka Waka, un scénario presque identique à celui du groupe Goldens sounds, devenu Zangalewa suite au succès qu’a connu leur titre du même nom. Shakira a réveillé les Zangalewa, se réjouissait Ze Bella, l’un des membres du groupe, nous lui disons merci.

Peut être c’est la même renaissance que connaîtra Kéké Kassiry, mais pour que tel soit le cas, il devra produire les preuves. En attendant la suite de l’affaire, le groupe camerounais a déjà annoncé son retour sur la scène. Comme quoi tout vient à point nommé pour qui sait attendre.

Kéké Kassiry, musicien ivoirien
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