Migrants : le trimestre le plus meurtrier en Méditerranée

Entre janvier et mars 2023, 441 personnes ont perdu la vie en tentant d’atteindre l’Europe en traversant la Méditerranée.

L’Organisation internationale pour les Migrations des Nations unies (OIM) a estimé que ce chiffre de 441 décès entre janvier et mars 2023 est en deçà de la réalité. « Avec plus de 20 000 décès enregistrés sur cette route depuis 2014, je crains que ces décès aient été normalisés », a-t-il averti, ajoutant que « les retards et les lacunes dans les opérations de recherche et de sauvetage menées par les États coûtent des vies humaines ». « Pendant le week-end de Pâques, 3 000 migrants ont atteint l’Italie, ce qui porte le nombre total d’arrivées depuis le début de l’année à 31 192 personnes », a déclaré l’OIM.

L’OIM a précisé que les retards dans les opérations  de recherche et de sauvetage (SAR) ont été un facteur déterminant dans au moins six incidents depuis le début de l’année, entraînant la mort d’au moins 127 personnes sur les 441 autres. « L’absence totale de réponse au cours d’une septième opération de sauvetage a coûté la vie à au moins 73 migrants » toujours inclus dans ce même décompte, a déclaré l’OIM dans un communiqué, ajoutant que les efforts de recherche et de sauvetage des organisations non gouvernementales ont nettement diminué au cours des derniers mois.

Des bateaux entiers portés disparus

« La crise humanitaire persistante en Méditerranée centrale est intolérable », a estimé le chef de l’OIM Antonio Vitorino. Le projet « Migrants disparus » de l’agence des Nations unies enquête aussi sur plusieurs cas de bateaux portés disparus, où il n’y a aucune trace de survivants, de débris et où aucune opération de recherche et de sauvetage n’a été menée. Quelque 300 personnes à bord de ces bateaux sont toujours portés disparus, a indiqué l’organisation.

« Sauver des vies en mer est une obligation légale pour les États », a souligné Antonio Vitorino. « Nous avons besoin d’une coordination proactive des États dans les efforts de recherche et de sauvetage. Guidés par l’esprit de partage des responsabilités et de solidarité, nous appelons les États à travailler ensemble et à s’efforcer de réduire les pertes en vies humaines le long des routes migratoires », a-t-il ajouté.

600 Camerounais sur le chemin de « l’Eldorado » en souffrance

Partis en «aventure», ces migrants camerounais sont bloqués aux îles des Caraïbes dont beaucoup d’entre eux n’avaient jamais entendu parler.

Immigrations clandestines ! Daniel fait partie des 600 migrants camerounais désespérés qui se sont retrouvés bloqués sur une minuscule île de 94 000 habitants dans les Caraïbes orientales. Ils y ont été bloqués à la suite de ce qui semble avoir été une opération de passage clandestin. Certains ont déboursé jusqu’à plus de 3,5 millions de F. Ils ont emprunté des vols charters commercialisés sur les réseaux sociaux par de faux voyagistes promettant d’organiser la logistique de l’immigration dans le cadre du forfait, croit savoir le site O camer.

La plupart de ceux qui se sont retrouvés sans le savoir à Antigua – une île dont certains disent n’avoir jamais entendu parler auparavant – disent qu’ils ne s’attendaient qu’à rester quelques jours avant d’être emmenés en Amérique du Sud. C’est de là qu’ils avaient prévu de partir pour se rendre aux États-Unis. Mais le transport ne s’étant pas concrétisé, ils se sont retrouvés coincés à Antigua, sans argent pour financer la suite de leur voyage.

Le fiasco a éclaté à la suite des tentatives du gouvernement d’Antigua-et-Barbuda d’établir une liaison aérienne directe entre l’île jumelle et l’Afrique centrale. Trois siècles après que les ancêtres des Antiguais ont été forcés de monter sur des bateaux d’esclaves en provenance d’Afrique pour travailler dans les plantations de sucre appartenant aux Britanniques sur l’île, beaucoup ont accueilli favorablement les nouveaux liens avec la mère patrie. Le premier vol charter s’est posé – comme il se doit – le jour de l’indépendance, le 1er novembre, avec un salut au canon à eau.

En l’espace de quelques semaines, au moins trois autres vols charters opérés par un autre transporteur reflétant ses activités sont arrivés dans le pays avec à leur bord des foules de Camerounais fuyant les persécutions.

 «Le gouvernement doit résoudre cette question à la fois pour les pauvres du Cameroun et pour les pauvres d’Antigua», déclare à la BBC Makeda Mikael, chef d’entreprise dans le secteur de l’aviation. L’ouverture du centre de l’Atlantique comme route migratoire pourrait ruiner le tourisme dans les Caraïbes». Le gouvernement avait précédemment déclaré son intention de rapatrier les réfugiés. Il a depuis annoncé une volte-face pour des raisons humanitaires.

Mouhamadou Youssifou : « des migrants sont morts du fait de la bousculade »

L’ambassadeur de la République du Cameroun au Royaume du Maroc et doyen du groupe des ambassadeurs africains explique comment les migrants et les éléments des forces de maintien de l’ordre sont morts vendredi dernier.

Au moins 27 migrants sont morts vendredi 24 juin 2022 au Maroc, alors qu’ils tentaient de forcer le passage pour se rendre en Europe. Les images et vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux montrent bien au moins une vingtaine de personnes couchées étendues à même le sol et d’autres tenues et conduits par des éléments des forces de maintien de l’ordre. Au vu de ces images fixes et animées, beaucoup se demandent ce qui s’est passé.

Suite à cet incident, le ministère des affaires étrangères du Maroc en collaboration avec le ministère de l’Intérieur ont organisé une réunion d’information. Au sortir de cette rencontre, le diplomate camerounais a répondu aux questions de la presse locale. « Nous venons d’assister à une réunion d’information sur les événements qui se sont déroulés en Adore vendredi dernier et qui ont causé de nombreuses victimes tant du côté de ceux qui ont fait l’assaut que du côté des forces de maintien de l’ordre. On nous a montré les vidéos, les faits, et qui sont d’une violence inouïe », déclare l’ambassadeur.

Les migrants ont changé de mode opératoire

Selon le doyen des ambassadeurs africains au Maroc, les migrants ont changé de stratégie. « C’est quelque chose à laquelle nous n’avons jamais assisté ici au Maroc. Par le passé, généralement ils nous ont habitués à l’attaque de ces barrières à la veille de Noël ou à la fête de Nouvel an. Mais cette année, ils ont choisi un vendredi nous ne savons pas pourquoi.  Et ils ont changé le mode opératoire. Au lieu de s’attaquer  à la barrière comme ils ont l’habitude de le faire, ils ont préféré s’attaquer même au passage de la frontière entre le Maroc et l’enclave de Melilla. Et c’est un passage étroit », rapporte-t-il.

« Nous condamnons ces manifestations »

Les causes de la mort des 27 migrants au Maroc
S.E Mouhamadou Youssifou, ambassadeur du Cameroun au Royaume du Maroc

Et d’ajouter que les migrants étaient préparés pour affronter l’adversité des forces de maintien de l’ordre. « Ils ont attaqué, ils sont venus avec des battons, gourdins, des armes blanches, des couteaux, et prêts à en découdre avec les forces de maintien de l’ordre. Ce qui a inévitablement conduit à tout ce qu’on a eu par la suite des blessés et même des morts. Mais des morts en général parce qu’ils ont  emprunté un couloir étroit et beaucoup sont morts du fait de la bousculade qui est advenue au niveau de ce passage-là », regrette-t-il.

 « Nous condamnons avec la dernière énergie ces manifestations et nous disons que nous nous tenons constamment comme par le passé auprès des autorités marocaines pour essayer de juguler cette situation qui n’honore pas notre continent, qui n’honore pas ces migrants, qui n’honore pas leurs différents pays et qui n’honore pas le continent africain en général », déclare Mouhamadou Youssifou.

Pourtant l’Afrique a tout pour réussir

« Je disais encore il y a quelques jours lorsqu’on célébrait la journée internationale de l’Afrique que l’Afrique est un continent béni. Il y a tout pour réussir sa vie ici en Afrique et notre jeunesse devrait comprendre cela. Il faut travailler. Il faut croire en notre continent, où il y a tout pour réussir. Vous pouvez faire de l’agriculture, vous pouvez apprendre un métier pour vous installer convenablement chez vous. Donc nous condamnons ce qui s’est passé et nous sommes prêts à accompagner le Royaume du Maroc pour trouver une solution pérenne ».

Origine des migrants

Par ailleurs, le chef de la mission diplomatique du Cameroun au Maroc parle de la provenance des migrants et du réseau tissé pour favoriser leur mouvement. « La plupart des migrants viennent des pays en crise et ces filières sont alimentées parfois par des combattants issus de ces pays-là qui vivent sur le dos des migrants. C’est des réseaux de la traite humaine et donc ils perçoivent de l’argent et ils envoient ces migrants. C’est un réseau huilé bien encadré et on leur donne même des conseils sur comment opérer », précise-t-il.

« Nous sommes prêts pour créer une synergie d’action avec nos différents pays et avec ces pays qui sont également en crise. Nous sommes prêts à poser le problème au niveau de l’Union africaine et voir jusqu’où on peut juguler cette situation », a-t-il conclu.

Cameroun : les jeunes et femmes migrants profitent du projet Youth and Gender Connect

Il a été lancé le 1er juin 2022, en faveur des jeunes et femmes migrants.

Le lancement officiel du projet Youth and gender Connect a eu lieu le 1er juin 2021 à Yaoundé et sur zoom. Il vise à former les jeunes, les femmes et les migrants de retour selon la formation type dual et à l’entrepreneuriat.

Les formations permettront de développer des compétences correspondant aux besoins du secteur privé et aux potentiels économiques des filières de transformation agroalimentaire, maintenance et réparation automobile facilitant ainsi l’insertion sur le marché de travail des bénéficiaires.

« Une amélioration des performances et prestations de services de la Chambre de Commerce, d’Industrie des Mines et de l’Artisanat du Cameroun (CCIMA) et des centres de formation professionnelle contribuera à une meilleure offre de formation professionnelle et à un développement économique local, notamment à travers l’organisation d´ateliers public-privés et ainsi une plus grande animation des acteurs de ces filières ».

En chiffre, ce projet c’est, au moins 480 bénéficiaires directs sont sensibilisés sur les possibilités offertes par l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels (EFTP) au travers de campagnes d’information et d’activités de formation.

Un minimum de 360 jeunes sont formés, dont 235 au minimum sont insérés sur le marché du travail au travers d’une approche de formation professionnelle duale (lieu de travail et centre de formation) et accompagnés après la formation pour le placement à l’emploi et au moins 125 personnes sont formées à l’entrepreneuriat et accompagnées après la formation à la création de leur entreprise.

Au moins 65 MPME de la (des) chaîne(s) de valeur concernée(s) incluant également les sociétés clientes et fournisseurs – participent à l’identification des déficits de compétence. 25 formateurs formés dans les deux filières sur la méthode duale, l’entrepreneuriat, le management et sur l’enseignement professionnelle et technique. Et 7 centres de formation sont renforcés dans leur offre de services de formation technique et professionnelle

Pour rappel, C’est un programme de formation des jeunes sur la transformation agroalimentaire, la réparation automobile et l’entrepreneuriat au Cameroun » dans les villes de Bafoussam, Douala, Ngaoundéré, Obala et Yaoundé et financée par l’Union Européenne.

Une migrante camerounaise accouche en Méditerranée

Cette dernière a accouché mardi sur un petit bateau en bois bondé de monde. Le nouveau-né s’appelle Christ et se porte bien.

Les navires de Médecins sans frontières (MSF), SOS Méditerranée, Save the Children et ProActiva Open Arms ont secouru plus de 2 700 migrants mardi, 12 juillet, au Sud de l’Italie. Les navires des ONG ont relevé un nombre important de jeunes enfants et d’adolescents parmi les migrants secourus. Le plus jeune de ces passagers est un petit Camerounais prénommé Christ: sa mère a accouché mardi sur un petit bateau en bois surchargé.

Cette jeune Camerounaise, dont le compagnon est encore détenu en Libye, a réussi peu après à monter seule, sous les applaudissements des secouristes, l’échelle menant sur l’Aquarius, le navire affrété par SOS Méditerranée et MSF.

C’est la sage-femme de MSF, Alice Gautreau, qui a alors coupé le cordon ombilical. « Le petit Christ va très bien. La maman aussi, mais ça aurait été mieux pour tous les deux si elle n’avait pas dû accoucher au milieu de la Méditerranée, entourée par une centaine d’hommes« , a-t-elle déclaré sur Twitter.

Maroc: des Camerounais parmi les migrants bénéficiaires d’un retour volontaire

En plus des 23 000 clandestins régularisés depuis 2013, les autorités marocaines ont également mis en place un programme de retour volontaire qui a bénéficié à 21.073 migrants

Plus de 23.000 clandestins ont été régularisés par le Maroc depuis le lancement de la nouvelle politique migratoire en 2013, selon les chiffres publiés par le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger (MRE) et des Affaires de la migration.

27.449 demandes ont été déposées par les migrants et 85,53% ont reçu un avis favorable de la part des autorités, selon la même source.

Ce sont les Syriens qui prennent la première place des migrants régularisés, suivis des Sénégalais, des ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC) et ceux de la Côte d’Ivoire, avant ceux du Cameroun.

En plus de ces régularisations, les autorités marocaines ont également mis en place un programme de retour volontaire qui a bénéficié à 21.073 migrants, principalement du Sénégal, du Nigeria, du Mali et du Cameroun. En tout, 36 pays étaient concernés par ce dispositif, affirme la même source.


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À qui la faute si des centaines de migrants meurent en mer?

Par Benoît Rayski, Historien, écrivain et journaliste

L’histoire est d’actualité. Une jeune femme se met en tête d’avoir un enfant qui ressemblerait à Karim Benzema. Ce dernier étant inaccessible, elle s’adresse à un organisme qui propose des étalons masculins sélectionnés. Elle fait part de ses desiderata. Et on lui promet de trouver l’oiseau rare. Le jour dit, à l’heure dite, on sonne à sa porte. Elle ouvre et tombe nez à nez avec un grand blond aux yeux bleus. « Il doit y avoir une erreur », balbutie-t-elle. « Pas du tout », répond le reproducteur. « Laissez-moi faire, vous serez satisfaite ».

Les choses se font.

Neuf mois plus tard, la jeune femme accouche d’un joli bébé qui ressemble à Karim Benzema. Éperdue de reconnaissance, elle appelle le reproducteur. « Bravo. Mais comment cela a-t-il été possible? ». Le monsieur répond: « Quand je rentre chez moi, à la radio on parle de Karim Benzema, à la télévision on parle de Karim Benzema, les journaux ne parlent que de Karim Benzema. Alors vous comprenez, Karim Benzema j’en ai plein les c. ! ».

La même histoire peut se raconter avec Black M. Pendant des semaines, on nous a empoisonnés avec les élucubrations et les éructations de deux types un peu connus parce qu’ils gagnent de l’argent, l’un en tapant dans un ballon, l’autre en rappant dans un micro. Ils ont aussi en commun de cracher sur la France. Alors oui, on en a plein les c. Il est peut-être temps de se nettoyer en parlant de millions d’anonymes pour lesquels la France et l’Europe en général demeurent une terre désirée et désirable.

La Méditerranée charrie par centaines leurs cadavres. Des hommes, des femmes et des enfants. Des dizaines de petits Aylan. Mais cette fois-ci pas de photo symbolique pour remuer les tripes et les c urs des dirigeants et des populations européennes. D’ailleurs, s’il y avait des photos, croit-on qu’elles seraient publiées? L’implacable loi du « déjà vu, et ça lasse » dicte en maître sa conduite à la routine de l’information.

Alors ils meurent en silence et dans une glaçante indifférence générale. Oubliés – c’est la vie et c’est la mort – les torrents lacrymaux et compassionnels qui coulèrent impétueusement il y a quelques temps en Europe. Au baromètre des émotions qui mesure la mauvaise conscience européenne, la valeur du migrant est en chute libre. À qui la faute si des migrants périssent en essayant de gagner l’Italie, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne?

Le bon sens commun qui pave tous les chemins de la platitude de ses idées reçues nous indique que les migrants fuient la guerre, les massacres, la faim et la maladie. Et que les responsables de la tragédie sont à chercher parmi les factions sauvages qui déchirent la Syrie et l’Irak. Cette évidence paresseuse a toute la saveur fade d’une lapalissade. Les migrants, bien sûr, ne quittent pas leur pays de gaieté de c ur.

L’Europe (en tout cas la plupart des pays européens) a pleuré, hypocrite, toutes les larmes de son corps sur le destin de ces personnes déplacées. Elle leur a dit « Venez, venez, on vous attend » dans toutes les langues et sur tous les tons possibles. Dans cette compétition émotionnelle, c’est Angela Merkel, la chancelière allemande, qui a gagné la médaille enviée des bons sentiments.

Tous ces appels ont été entendus par des millions de pauvres gens. Et ils se sont mis en route par mer et par terre.

Sur leur chemin, ils ont laissé des morts, des blessés, des malades. Ils avaient entendu qu’on voulait d’eux. Et l’appel du Pape dans ce sens les a fortement encouragés. Alors, ils meurent par centaines sur la route de ce qu’ils croyaient être le bonheur et qui n’est plus qu’un chemin de croix.

Aucun des dirigeants européens n’ose leur dire la vérité. « Non, vous n’êtes pas les bienvenus ». « Non, nous n’avons pas les moyens de vous accueillir ». « Venez si vous y tenez, mais nous vous renverrons chez les Turcs, que nous payons grassement pour qu’ils vous parquent chez eux ». En se taisant lâchement, les dirigeants européens portent la responsabilité de morts tragiques et d’infinies détresses humaines.

L’honnêteté (mais ce mot existe-t-il encore en français?) voudrait qu’on dise aux migrants de se ruer vers les frontières de l’Arabie Saoudite. C’est à côté. Pas de mer cruelle à traverser. Il y a là-bas non loin de La Mecque, dans une localité nommée Mina, une gigantesque ville de tentes climatisées.

Elles peuvent accueillir jusqu’à 4 millions de personnes. Pourquoi pas 4 millions de migrants? Parce que ces tentes sont là pour les pèlerins du Hadj, qui chaque année pendant 5 jours viennent tourner autour de la Kaaba. Cinq jours seulement ! Au regard de la tragédie vécue par des millions de musulmans victimes des abominations syriennes et irakiennes, peut-être que les autorités saoudiennes pourraient, à titre exceptionnel, suspendre le Hadj et laisser les tentes à ceux qui en ont le plus besoin. Allah est miséricordieux, non? Et il doit quand même aimer les siens?


Marina Militare)/n

Nourris au lait des mensonges, les peuples européens tombent dans l’ignorance

Par Léon Tuam

Les manifestations, les actes de haine, de violences et de racisme vis-à-vis des migrants qui déferlent et gagnent l’Europe sont, de fait, le produit d’une longue exposition de ses populations aux manipulations et mensonges distillés sciemment par leurs autorités politiques et économiques et des médium à leur défense, pour pouvoir garder dans les eaux de l’ignorance ses peuples.

Qu’ils soient de la gauche ou de la droite, les autorités européennes et les médias dans l’ensemble tendent à dissimuler les vraies causes des malaises sociaux qui assomment cette partie du monde derrière d’épais rideaux des mensonges et manipulations. Les migrants longtemps ont été ainsi montrés comme ceux par qui tous les maux entrent en Europe.

Le Daily Mail, un journal britannique, a comparé les migrants africains arrivant en Europe aux rats et terroristes. Tandis que de son côté, le président d’honneur du Front national, Jean-Marie Le Pen, dans un verbe fasciste lors d’une interview à BFMTV sur les migrants africains en méditerranée soutenait mordicus :

« La France a le moyen de cesser la pollution de notre mer. Et ce moyen s’appelle l’uranium enrichi. De nombreux problèmes seront résolus si on annihile le continent africain. » Quel scandale ! Quel courage luciférien ! Quelle idiotie ! Même les gorilles des forêts africaines seraient plus intelligents que ce Le Pen.

Souhaiter ainsi l’extermination de tout un continent sans scrupule, voilà l’occident civilisé. Voilà la Source lumineuse du monde. Et un tel propos a laissé le monde coi. Ne nous dupons pas, Le Pen dit haut ce que pensent tant d’occidentaux. Leurs actes en Irak, en Libye, en Syrie, etc. nous le rappellent.

Si ce vieillard branlant qui dissémine haine et violence était un africain, l’on aurait déjà jeté la CPI à ses trousses. Mais n’empêche que certains Africains qui s’attaquent aux Africains progressistes et autres forces médiatiques comme Afrique Média, s’alignent publiquement et sans vergogne derrière le FN et le célèbrent.

Ce vieillard et d’autres autorités européennes et médias se gardent d’expliquer à leurs populations que l’Afrique est vachement riche et que c’est eux qui depuis des siècles la violentent, l’humilient, la saignent et l’émasculent pour leurs propres intérêts en refusant à ses peuples de se choisir des dirigeants patriotes et méritants. Les peuples européens finiront par comprendre et leur ignorance actuelle disparaitra en les armant contre leurs traîtres.

Ils n’expliqueront jamais aux peuples européens que les guerres d’Irak, du Mali, de la Syrie, de la Libye, de la Côte d’Ivoire, des Soudans, de la RCA, du Nigeria, du nord Cameroun, de l’est Congo, etc. qui occasionnent des déplacements massifs des populations, sont créées et soutenues par eux pour enrichir des groupes économiques déjà très puissants, et que les migrants qui arrivent en Europe sont la résultante de leur mauvaise politique ailleurs.

Ils ne diront jamais aux peuples européens qu’ils ont trahis et abusés que derrière ces guerres qui affaiblissent et déshumanisent les peuples, eux ils y sont bien présents. Ils ne leurs parleront jamais des grandes guerres, des guerres monstrueuses, des guerres d’intérêts, qu’ils mènent derrière ces guerres exposées aux TVS pour tromper les naïfs.

C’est triste et poignant, surtout que ces peuples européens malgré tous les soupçons et évidences d’être entourés depuis des décennies par de misérables dirigeants-valets qui les ont carrément vendus ici et là à de puissants groupes économiques et politiques internationaux, continuent de focaliser leurs efforts sur de fausses cibles. Au lieu de frapper droit dans la face et l’ il de leurs bourreaux, ils donnent des coups aux ombres.

Toutefois, la situation sociale en Europe allant en s’empirant jour après jour, ces peuples européens ne vont pas tarder de voir clair. L’ignorance de ces peuples est seulement temporaire car, le chaos va bientôt leur dessiller complètement les yeux.

De l’est à l’ouest et du nord au sud, les peuples européens sortiront nombreux ; et les rues seront pleines, et les rues crieront, et les rues rugiront, et les rues tonneront. Les peuples se saisiront de leurs vrais bourreaux, l’Europe sera à feu, feu purificateur d’où naîtra une nouvelle Europe juste, humanisée et humaniste.

Léon Tuam
Droits réservés)/n

A nos amis à la mémoire courte qui n’aiment pas les migrants

Par François Zoomevele Effa

Mesdames et Messieurs les responsables et irresponsables qui rejetez les migrants, fermant les frontières, reniant en bloque tous les accords et conventions que vous avez initiés et que vous vantiez tant et qui font, aimez-vous à dire, le socle de votre civilisation, de vos démocraties, vos droits de l’homme- blanc- et vos libertés.

Vous donnez un spectacle pathétique dans l’accueil que vos pays occidentaux réservent à ces réfugiés qui fuient les guerres et la misère. Vous ne souffrez pas que des êtres humains qui cherchent absolument à sauver leurs vies puissent venir déranger les vôtres, alors que vous êtes souvent à la base des conflits, des guerres et des misères que fuient ces migrants, ces réfugiés, ces demandeurs d’asile.

Comment pouvez-vous expliquer et légitimer que vous et vos ancêtres vous soyez octroyer le droit d’occuper, d’immigrer, d’envahir, de coloniser, de vous établir par la force, par la ruse et le mensonge les autres pays, les autres continents, et que vous fermiez vos frontières à ces étrangers qui viennent souvent parce que vous avez en fait foutu le bordel chez eux?

Mesdames et Messieurs de l’occident, vous avez la mémoire courte et sélective. Vous avez envahi l’Amérique, réduisant les autochtones en hordes sauvages que vous avez massacrées. Vous les avez enfermés dans des réserves, les faisant passer comme des méchants, des «scalpeurs» qui pourtant, ne faisaient que se défendre contre les envahisseurs que vous étiez et êtes toujours.

Et que dire de ces Africains dont vous vous êtes partagés le continent à Berlin en 1884? Des soi-disant explorateurs qui «découvraient», des missionnaires qui «évangélisaient» des colons et des françafricains qui, jusqu’à ce jour, volent, pillent activent guerres coups d’état, maintenant et encourageant au pouvoir d’ignobles et stupides dictateurs, vos vassaux?

Je ne m’attarderai pas sur le fait de la sélection raciale qui s’est faite entre les réfugiés africains et syriens, je ne m’attarderai pas sur l’image de cet enfant mort sur la plage car les milliers d’enfants subsahariens morts en mer et dans les bateaux de fortune n’émeuvent pas. Je voudrais juste rappeler aux amis français et britanniques qui prennent position contre les quotas et autres, qu’il n’y a pas très longtemps, en 1920, les forces françaises occupaient la Syrie… Il n y a pas si longtemps, en 1946, de Gaule engageait un bras de fer avec la Syrie, la bombardant, faisant plus de 2000 morts.

La question reste la même: pourquoi ne pas vouloir regarder les vraies causes de ces exodes massives, pourquoi tant d’envahisseurs, de réfugiés qui fuient les guerres, les maladies et la misère?

Puisque vous parlez de mondialisation, de globalisation, il serait peut-être temps d’apprendre à regarder d’un autre il plus réaliste, les valeurs nouvelles. Comme un retour des choses, un revers de fortune sur les biens mal acquis qui font votre prospérité, une application unilatérale des droits faits par vous et pour vous, mais que vous dites universelles, le reste du monde, les laissés pour compte, la misère du monde que vous continuez de fabriquer, vous rattrape.

Il est temps de penser ensemble à la mise en place d’un nouveau monde sans calcul sans domination des uns par les autres. Il serait temps de prôner la paix, de ne plus vendre ces armes de guerre, de ne plus pavoiser pour avoir vendu des sous-marins nucléaires aux égyptiens ou des bombardiers «rafale» à d’autres qui demain, vont comme en Syrie ou ailleurs, déclencher des guerres, et créer de nouveaux réfugiés. Il serait temps de poursuivre les marchands, les trafiquants et les faiseurs d’armes, comme on le fait pour la mafia de la drogue, et les passeurs des réfugiés.

Vous comprendrez aisément que dans ces conditions, avec ce que vous êtes, ce que vous faites, je n’aie aucune envie de saluer, mais alors, aucune!

François Zoomvele Effa.
Journaludcameroun.com)/n

Drame des migrants: à qui profite le crime?

Par Marcel Makomé, ancien Ambassadeur du Congo au Cameroun, Nigeria et Guinée Equatoriale

L’horreur au quotidien. Des centaines de migrants qui périssent en mer, un camion rempli de 71 cadavres, 59 hommes, 8 femmes et 4 enfants. Tous des migrants, à la quête d’un rêve.

L’Europe entière s’émeut de ce drame. Jusqu’au prochain. Car tous les jours, des centaines de milliers de migrants risquent leurs vies dans l’espoir d’une vie meilleure. Tous les jours, depuis des mois maintenant, ils s’embarquent sur des rafiots improbables, pour échapper à leur quotidien.

Depuis janvier 2015, 300.000 migrants ont déjà traversé la Méditerranée, bien plus que pour l’ensemble de l’année dernière.

S’attaquer à la racine du mal et Quelles réponses apporter à ce flux migratoire? Y-en-a-t-il seulement une?

Car, aborder le problème des migrants sous le seul angle de l’urgence, de la solidarité n’est qu’une façon de réduire le questionnement.

La relocalisation ou la délocalisation ne sont que des remèdes passagers, guère efficaces face à l’ampleur de ce nouveau fléau catastrophique de la pauvreté. L’Europe débordée cherche des solutions ou selon, construit des murs pour détourner le regard.

Mais ces actes en faveur ou contre les migrants ne s’attaquent pas à la racine du mal. Si ces femmes, ces hommes et ces enfants prennent la mer au risque de leur propre vie, c’est parce qu’ils sont les oubliés des revenus nationaux de leur pays d’origine.

Tous savent que là où ils sont nés, ils n’ont aucune chance d’avoir une vie digne, car la richesse est réservée au dirigeant et à ses courtisans, tout aussi corrompus que lui.

Pour nous Africains, il est temps que les choses changent. Il ne suffit plus de dénoncer les clans dont le seul intérêt est de rester au pouvoir pour continuer à piller sans vergogne les richesses du pays.

Il va falloir, mettre les dirigeants africains et des autres pays du monde, devant leurs responsabilités.

L’Afrique est un continent riche. Une richesse monopolisée depuis des décennies.

Le Congo Brazzaville du Président Sassou Nguesso, en est un parfait exemple; pétrole, minerais notamment, ce pays engrange depuis des années des bénéfices non négligeables, une manne réservée à la famille et au clan des N’guesso qui s’est bâti un empire financier sur le dos de sa population. Et il n’y a aucune raison pour que cela s’arrête.

Sauf si les nations civilisées d’Europe et les USA, dont les intérêts en Afrique ne sont plus à démontrer, deviennent fermes, intransigeants sur des questions majeures, comme l’alternance politique, l’état de droit, ou le respect de l’ordre constitutionnel.

A partir de l’automne et ce jusqu’à la fin 2016, 12 pays africains vont se lancer dans des élections présidentielles. C’est maintenant qu’il faut imposer aux dirigeants corrompus, d’accepter le débat démocratique et de laisser parler les urnes.

Nos dirigeants, sûrs de leurs impunités n’y arriveront pas tous seuls.

Les nations européennes doivent les y encourager.

C’est uniquement en développant économiquement et politiquement les pays d’Afrique, que l’Europe et les USA pourront enrayer ce flux migratoire.

C’est la seule voie, pour éviter que ces crimes ne continuent.

170 corps de migrants africains retrouvés en Libye.
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Crise des enfants migrants et réfugiés en Europe: parole au directeur exécutif de l’Unicef

Par Anthony Lake, directeur exécutif de l’Unicef

New-York, le 03 septembre 2015. Les images déchirantes de corps d’enfants rejetés par la mer sur les rives de l’Europe. gisant à l’arrière de camions franchissant les frontières. passés à travers des barbelés par des parents désespérés.

Alors que la crise des réfugiés et migrants en Europe s’aggrave, ces images choquantes ne seront pas les dernières à circuler à travers le monde sur les réseaux sociaux, sur nos écrans de télévision et à la Une de nos journaux.

Mais le monde ne doit pas seulement être choqué. Le choc doit se traduire en action. Car ces enfants n’ont pas choisi de vivre ce calvaire qui est hors de leur contrôle. Ils ont besoin de protection. Ils ont le droit à la protection.

Nous appelons instamment à ce que les mesures suivantes soient prises:
1-Protéger ces enfants à travers l’accès à des services essentiels à toutes les étapes de leur exil-notamment soins de santé, nourriture, soutien psychologique, et éducation-ainsi qu’à des abris adaptés aux réfugiés et migrants et qui permettent aux familles de rester ensemble;

2-Déployer des personnels formés spécialisés dans l’enfance et en nombre suffisant pour soutenir les enfants et leur famille;

3-Poursuivre les opérations de recherche et de sauvetage-non seulement en mer, mais aussi sur terre-et faire le maximum pour prévenir tout abus et exploitation à l’encontre des enfants réfugiés et migrants;

4-Faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une priorité dans toutes les décisions concernant ces enfants, notamment dans les cas de demandes d’asile.

Notre c ur est aujourd’hui avec les familles ayant perdu leur(s) enfant(s) au large des côtes, sur les rives ou les routes de l’Europe. Alors qu’ont lieu les débats sur les politiques migratoires, nous ne devons jamais perdre de vue la dimension profondément humaine de la crise.

Ni perdre de vue les enfants. Ni perdre de vue l’échelle de ce drame. Au moins un quart des personnes cherchant refuge en Europe sont des enfants. Pendant les 6 premiers mois de l’année, 106000 enfants ont demandé l’asile en Europe.

Et nous ne devrions jamais oublier ce qu’il y a derrière l’histoire de chacune de ces familles cherchant asile en Europe: de terribles conflits, comme celui en Syrie, qui a déjà forcé 2 millions d’enfants à fuir leur pays. Seule la fin de ces conflits pourra mettre un terme à leur tragédie.

Il était seul, cet enfant migrant, quand il s’est noyé.
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Europe, sang des migrants, ciguë de la mondialisation économique?

Par Thierry Amougou

Des cadavres remontés par centaines du fond de la Méditerranée tous les jours ne nous émeuvent plus. Un camion bourré de plus de septante corps en putréfaction, dont des enfants, est traité comme un fait divers anodin par les médias. Des corps sans vie de gamins et de gamines, d’hommes et de femmes expulsés au quotidien sur les berges par la mer ne changent rien à l’indécision de l’Europe et du monde face à la faillite humaine de la mondialisation économique.

Tout se passe comme si le monde et l’Europe sont immunisés par l’horreur que vivent les migrants. Tout se passe comme si le monde néolibéral était gagné d’une démonie qui rend loisible à ses yeux les vidanges humaines du diable-marché. Tout se passe comme si «the show must go on» malgré le carnage aux frontières de l’Europe où la seule prospérité et la seule innovation qui ont le vent en poupe sont l’érection de barbelés de la défaite morale, la construction des barricades de la discorde politique, le surgissement des murs de l’apartheid territorial, et le raidissement du zèle sécuritaire des forces de contrôle des hommes de peu et de rien arrivés en Europe sans canonnières mais avec de l’espoir. Que le monde doit pourtant à l’exil, à la migration, aux réfugiés!

Que serait devenu Einstein s’il n’avait émigré aux Etats-Unis pour fuir le nazisme et qu’aurait perdu le monde? Karl Marx aurait-il pu écrire le Capital et laisser au monde un regard critique sur le capitalisme sans un pays d’accueil pour lui? Le statu quo de l’Europe face à l’exil et à l’exode du prochain alors que le Christ et les siens avaient connu l’exil est-il la dernière preuve de l’éviction des racines chrétiennes de l’Europe par le fondamentalisme égoïste du marché? Que serait devenu la France si le General de Gaulle n’avait eu droit à l’espoir grâce à sa migration à Londres? Que serait la vie quotidienne si chacun d’entre nous ne pouvait migrer chaque jour pour aller au travail, au marché, chez des amis, à une réunion ou d’une pièce de sa maison à une autre?

La vie serait tout simplement impossible car nous migrons tous les jours et à tout moment. Elle serait un drame même si les médias ne parlent de migrants qu’à travers la figure d’un drame humanitaire auquel le monde ne réserve pour le moment que le «stop moving» et les centres de tri. Il faut séparer les bons migrants des mauvais migrants ainsi qu’on le dirait du bon grain de l’ivraie alors que nous parlons de vies humaines en détresse et d’humanité en péril. Quelles sont ces forces qui rendent le monde et l’Europe insensibles au drame humain des migrants? Mieux, quelles sont les valeurs qui pèsent plus sur la balance de l’UE et des Etats membres qu’une responsabilité éthique et morale de l’UE qui consisterait à privilégier la vie des hommes, des femmes et des enfants qui frappent avec grand espoir à sa porte?

Répondre à cette question conduit directement à la dynamique de mondialisation économique qui domine le monde et l’Europe actuels. L’Europe s’élargit et se construit d’abord comme un marché. Le passage des rapports de coopération UE/ACP des Accords de Cotonou aux Accords de partenariat économiques et le traité de libre-échange transatlantique (UE/USA) actuellement en négociation dans les arcanes informelles de l’UE en constituent deux preuves d’une brûlante actualité. Le drame grec a par exemple mis en scène toutes les fissures et manquements du volet éthique, solidaire et social de l’Union Européenne: ce n’est pas la misère des migrants afghans, syriens, irakiens et africains qui changera une UE qui ne se construit pas comme une puissance éthique, sociale et morale mais comme un marché performant de la globalisation économique.

C’est donc du côté de la logique de cette dernière et de ses exigences que provient l’anesthésie éthique, morale et sociale du monde face au drame de l’humanité qu’est celui des migrants. Le monde est en fait embarqué dans et par une mondialisation économique qui fait très peu de cas de son évaluation sociale, éthique et morale. Ce qui compte c’est être efficace et rentable dans une logique de minimisation des coûts où les hommes ne sont plus des vies humaines à servir en en développant le potentiel par des politiques publiques idoines, mais des charges sociales à réduire drastiquement par des coupes budgétaires et le désengagement des Etats. Les politiques d’austérité deviennent ainsi les seules boussoles d’une UE et d’un monde où l’équilibre des comptes macroéconomiques et la lutte contre les dettes publiques mettent les Etats sous pression statistique des marchés et des agences de notation.

Il en résulte une Europe et des Etats européens qui révèlent leur préférence économique pour des comptes publics assainis par rapport à la construction d’une puissance éthique, sociale et morale capable de s’occuper de la question migratoire. Situation qui rejoint et renforce les coups de boutoir que reçoit l’Etat providence européen, tant des ultra-libéraux qui le jugent responsable de la dette souveraine accumulée depuis les années septante, que de l’extrême droite politique qui pense qu’il n’est viable à long terme que s’il limite la frontière de son action sociale aux seuls Européens de souche.

Il en résulte une grande contradiction de la mondialisation économique. En fait, alors que le marché global transforme la mobilité humaine en atout pour le travailleur global, l’érection des barbelés, des barricades et des murs au sein de l’UE est la preuve que la mondialisation économique renie cet aspect des choses et n’exalte la libre circulation que lorsqu’il s’agit du grand capital en conquête des emplois rémunérateurs à travers le monde. Grand capital qui fait des dégâts sociaux, moraux, politiques et environnementaux dans de nombreux pays d’émigration où pullulent les toutes puissantes multinationales occidentales.

Il devient donc paradoxal que l’Europe fasse un distinguo entre bons migrants à aider, c’est-à-dire les persécutés et les pourchassés pour leurs idées, et les mauvais migrants à renvoyer chez eux, c’est-à-dire les migrants économiques alors que la mondialisation économiques est aussi une guerre économiques qui persécute, appauvrit et vulnérabilise plusieurs populations à travers le monde. Non seulement le droit à la mobilité internationale du travail est refusé aux migrants, mais aussi les conséquences sur eux de la mobilité du grand capital et du marché global ne sont pas prises en compte par la politique humanitaire de l’UE.

Dans un monde où le marché et le grand capital font la loi, dire que l’UE ne veut pas de migrants économiques est tout simplement une façon de donner tous les droits au grand capital et au marché global mais aucune responsabilité éthique, sociale et morale de leurs actions sur la vie et le monde pauvres. C’est faire de la mondialisation économique la cigüe de l’humanité alors que l’hécatombe humaine que nous vivons en ce moment est une preuve que les marchés et le grand capital ne sont pas bons pour tous car ils tuent, persécutent, appauvrissent, exploitent et précarisent les plus pauvres d’entre nous même quand ceux-ci veulent en profiter comme les migrants économiques qui ne réclament rien d’autre au marché global que de tenir réellement sa promesse théorique d’une libre circulation du travail à travers le monde.

Thierry Amougou
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Afrique: un continent à la mer?

Par Roland Hureaux, Haut fonctionnaire et essayiste français

57 000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début de l’année, sans compter tous ceux qui sont arrivés par la Grèce et les Balkans. Les Etats européens – et pas n’importe lesquels : la France, l’Allemagne, l’Italie – se chamaillent sur la question de leur destination.

Après le naufrage qui avait entraîné la mort de près de 366 migrants clandestins au large de l’île italienne de Lampedusa le 3 octobre 2013, les Etats membres de l’UE avaient prévu, lors du Conseil européen des 24 et 25 octobre, d’adopter des mesures communes comportant le renforcement des moyens de Frontex et du bureau européen d’appui en matière d’asile.

Après le naufrage de plus de 400 autres migrants au large de la Sicile le 12 avril 2015, les chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union européenne se sont réunis en urgence pour un sommet exceptionnel le 23 avril. Ils ont décidé de tripler les moyens de l’opération de surveillance Triton, menée par Frontex, de saisir et détruire les embarcations transportant des migrants, d’intervenir militairement en Libye contre les réseaux de passeurs et de répartir 5 000 réfugiés syriens sur le territoire européen.

Depuis lors, la commission européenne a précisé la mise en uvre de certaines de ces mesures. Mais 300 personnes ont encore sombré le 18 mai.

On peut d’ores et déjà s’attendre à ce que d’ici quelque temps, à la suite d’une nouvelle noyade, le conseil européen se réunisse à nouveau pour prendre de nouvelles mesures. Etcetera.

Il y a en effet peu de chances qu’une solution de fond soit trouvée dans un délai proche à l’immense question de la poussée migratoire à partir de la Lybie, au moins aussi longtemps qu’elle sera traitée par l’Europe institutionnelle.

L’affaire est embrouillée à plusieurs nivaux.

D’abord dans la compréhension du problème. L’égoïsme des uns se conjugue avec les bons sentiments des autres pour que nous ne cherchions pas à comprendre ce qui se passe au sud de la Méditerranée. Les uns détournent le regard, les autres ne voient que l’aspect moral, pas de faits.

D’où viennent ces migrants ? On entend un peu tout sur ce sujet. Il semble qu’une majorité vienne de l’Erythrée et du Sud-Soudan. Si c’était vrai, ils seraient à moitié chrétiens. L’Erythrée est composée d’une moitié de chrétiens et connaît, hors de toute considération religieuse, une dictature effroyable qui a mis toute la nation sur le pied de guerre pour défendre le pays contre l’Ethiopie ennemie, dix fois plus peuplée. Les Erythréens, chrétiens ou musulmans, sont un peuple intelligent et instruit qui ne poserait pas de gros problème d’intégration.

Le Sud-Soudan est la partie chrétienne (en tous les cas non-musulmane) du Soudan, devenue indépendante en 2009 après cinquante ans de guerre. Libérés du joug islamique, les Sud-Soudanais sont entrés en guerre civile sur une base non plus religieuse mais ethnique.

Si ces gens-là étaient bien la majorité de migrants, il n’y aurait pas lieu de craindre une invasion musulmane (quoique des migrants musulmans aient récemment jeté à l’eau les chrétiens embarqués avec eux). Le mouvement migratoire ne serait pas non plus le trop plein indifférencié d’un continent en pleine croissance démographique mais la conséquence de la guerre qui sévit dans plusieurs pays, ce qui n’est pas la même chose.

Mais il se dit aussi que beaucoup d’immigrants viennent du reste du Sahel, jusqu’au Sénégal, voire de l’Afrique profonde. Combien? On ne sait pas.

Et puis, il y a aussi en attente dans les îles italiennes et en Grèce beaucoup de réfugiés de Syrie, un pays que la diplomatie de certains Etats européens (dont la France et la Grande-Bretagne) n’a pas peu contribué à déstabiliser. Si les efforts de M. Fabius pour renverser le régime d’Assad sont couronnés de succès, ce ne sont pas 20 ou 30 000 Syriens qu’il faudra accueillir mais 2 ou 3 millions.

Ce n’est pas seulement la compréhension du problème qui est embrouillée, c’est aussi la recherche de solutions.

La plus simple serait que l’Europe prenne le contrôle des principaux ports de départ sur la côte nord de la Libye. Cela aurait pu se faire dans la foulée de l’intervention qui a renversé Kadhafi en 2011, et qui a plongé ce pays dans le plus grand chaos, mais on ne l’a pas fait.

Parmi les mesures qui ont été évoquées par le Conseil européen le 23 avril, la principale est une nouvelle intervention militaire en Libye. Une telle action supposerait l’aval du Conseil de sécurité. Mais la Russie et la Chine ont eu l’impression d’avoir été trompées par les Occidentaux lorsqu’ elles ont donné cet aval à l’intervention de 2011. Il n’était prévu au départ que de sauver des populations ; or l’intervention a largement dépassé les termes du mandat, aboutissant au renversement et à l’assassinat de Kadhafi. Russie et Chine ont depuis le sentiment d’avoir été bernées et ne sont absolument pas prêtes à lever leur veto au Conseil de sécurité à toute entreprise du même genre. Il faudrait peut-être négocier avec la Russie, notamment en relâchant la pression sur l’Ukraine. Mais l’Europe ne semble pas disposée à faire sur ce front la moindre concession susceptible de rendre les Russes plus coopératifs.

On pourrait aussi encourager un pays voisin redevenu stable comme l’Egypte à intervenir, si elle le veut bien. Ce service vaut bien quelque Rafales à prix bradé. D’autant que l’Egypte a, depuis le temps des pharaons, des revendications sur le désert libyen.

Une autre solution serait que les forces spéciales de tel ou tel pays mettent hors d’état de nuire les passeurs. Si on procède de cette manière, on ne le dira pas. Mais c’est peu probable. En tout état de cause, il ne saurait s’agir d’une décision européenne, seulement d’un Etat.

Les sommets européens successifs auraient pu être l’occasion de poser le principe selon lequel, en cas de guerre ou d’oppression, ce sont les pays voisins qui ont les premiers vocation à recevoir les réfugiés, non l’Europe, mais que celle-ci serait prête à soutenir généreusement ces politiques d’accueil. On ne l’a pas fait. Cela serait contraire, dit-on, au principe de l’universalité du droit d’asile. Fort bien, en attendant, les réfugiés se noient.

Embrumée de bureaucratie et de grands principes, la Commission de Bruxelles n’est pas près de trouver une solution. Pas davantage que , quand elle a pris en main l’immigration à l’échelle européenne, elle n’a fait la preuve de la moindre efficacité.

Confronté à sa propre impuissance, M. Juncker s’est donc contenté de proposer de répartir les réfugiés entre les pays d’Europe en suivant des quotas : la Commission de Bruxelles a demandé mercredi 27 mai aux Etats de l’Union européenne de prendre en charge 40 000 candidats à l’asile syriens et érythréens arrivés en Grèce et en Italie, dont 20 000 immédiatement. Le quota français est de 6752.

Au temps de l’ Union soviétique, on savait que toute décision partant d’un a priori idéologique serait stérile. Rien ne sortait jamais des décisions du parti. Ce qui marchait, industrie de défense, lopins agricoles individuels, marchés kolkhoziens se faisait en marge ou en dehors de l’idéologie, voire contre elle.

A Bruxelles, c’est la même chose : le mieux qu’on puisse attendre d’une politique commune est qu’elle ne fasse pas trop de dégâts. Mais généralement, elle en fait. Ce qui marche – Airbus, Ariane – se fait en dehors des politiques européennes officielles et généralement sur la base de coopérations intergouvernementales à géométrie variable.

Il est probable que la question des migrations méditerranéennes ne sera résolue que quand les deux ou trois pays les plus concernés, parmi lesquels l’Italie, principal lieu de passage, et la France, destination la plus attractive se concerteront pour traiter la question et cela en liaison avec les Etats africains les plus impliqués. Il est clair qu’on n’en est pas encore là.


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Morts en Méditerranée: l’OJA exige la démission de la présidente de la commission l’UA

Par Maurice Nguepe, secrétaire général de l’Organisation Jeunesse Africaine

Dimanche, 12 avril 2015, s’est jouée en Méditerranée, aux larges des côtes italiennes, la première plus grande tragédie maritime du début du XXIème siècle: une embarcation de fortune, transportant plus de 550 migrants clandestins, parmi les lesquels de très nombreux jeunes, a fait naufrage et causé la mort de plus de 400 Africains. Une semaine plus tard, dimanche, 19 avril 2015, c’est une autre embarcation partie d’Afrique qui provoquait l’hécatombe, la catastrophe la plus meurtrière de l’histoire de la Méditerranée: 800 morts. Le lendemain, 20 avril 2015, un bateau pneumatique lançait aussi un appel de détresse annonçant qu’il était en train de faire naufrage avec à son bord 300 migrants.

Trois jours avant l’hécatombe du 16 avril 2015, l’Organisation Jeunesse Africaine avait vilipendé le silence coupable des chefs d’États africains et de l’Union africaine et avait lancé une semaine de deuil continental pour les 400 premiers morts, invitant au passage toutes les organisations de la société civile africaine et tous les partis politiques de l’opposition à faire pression auprès de leurs gouvernements afin que ceux-ci prennent leurs responsabilités:

-En démocratisant véritablement leurs différents pays;
-En procédant à une meilleure distribution des richesses par la mise sur pied d’un système de justice sociale;
-En libéralisant la vie publique par la protection des libertés individuelles et associatives et le respect des droits humains;
-En criminalisant la gestion tribale et ethnique du pouvoir, source de divisions sociales;
-En combattant efficacement la corruption et le favoritisme;
-En affectant aux forces armées et à la police de chaque pays le rôle de protection des citoyens et des biens et non plus celui de terroristes de leurs peuples.

Car, telles sont là les raisons qui poussent les jeunes africains à la clandestinité migratoire. Ce n’est donc pas le prétendu rêve européen qui les attire. Au contraire, ils aiment la terre africaine par-dessus tout et ne la quittent que parce qu’elle est devenue inhabitable. Ils sont surtout entrainés sur le chemin périlleux de l’exil parce qu’ils sont conscients de ne pouvoir jamais réaliser leur révolution à partir de la rue face à des armées suréquipées qui soutiennent mordicus les régimes tyranniques du continent.

De plus, l’appel lancé par l’Organisation Jeunesse africaine à l’Union Africaine depuis 2013 et il y a quelques semaines encore afin qu’elle élabore une véritable politique africaine de gestion de l’émigration clandestine méditerranéenne incluant la bonne gouvernance, la surveillance et la prise en charge les rescapés est resté à ce jour lettre morte.

Enfin, avec 1200 morts en une semaine, l’Union africaine n’a pas cru important d’inscrire ces drames successifs, qui datent maintenant de deux décennies, dans l’ordre de ses priorités. Elle n’a pas cru le devoir de convoquer une réunion d’urgence des chefs d’État et de gouvernements pour s’y pencher, au moment où l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) annonce que le nombre de morts est désormais dix fois plus élevé qu’à la même période en 2014.

Face à cette indifférence inhumaine qui trahit bien la complicité de l’Union africaine avec les dictatures qui volent chaque jour le destin des jeunes africains, du Cameroun au Togo, de la RDC au Soudan, de Somalie au Mali, de la Guinée en Ouganda, de l’Érythrée en Mauritanie, de la Centrafrique au Burundi, du Zimbabwe au Congo Brazzaville, de la Gambie au Gabon, etc.,

Et considérant que les pays africains sont en mesure de régler les problèmes de l’émigration clandestine non seulement par des politiques intérieures saines, mais aussi par l’envoi, en Méditerranée, des hélicoptères de surveillance, des bateaux et des équipes de sauvetage et par la prise en charge des rescapés, l’Organisation Jeunesse Africaine appelle Madame Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la commission de l’Union Africaine, et Monsieur Robert Mugabe, président en exercice de l’Union africaine, à poser leur démission;

Invite tous les jeunes du Continent à se mobiliser et à inscrire la question de l’émigration clandestine à l’agenda de leurs diverses actions;

Lance un vibrant appel aux bons amis de l’Afrique, nations ou organisations internationales, à participer à leurs côtés pour changer leur destin et celui de ce continent meurtri.

Un naufrage de migrants fait des centaines de morts en Méditerranée
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Terrorisme et migrants: le coût humain du nouveau désordre mondial

Par Thierry Amougou, Prof. UCL, fondateur et animateur du Crespol, Cercle de réflexions économiques, sociales et politiques

On parle très souvent de la communauté internationale comme d’une entité homogène dont l’intérêt supérieur serait la promotion d’un monde plus prospère, plus juste, plus stable et plus humain. Cette image idyllique a été battue en brèche de 1945 à 1990 où, par Guerre Froide interposée, les mains des USA et de l’URSS ont fait des millions de morts en tirant les ficelles des conflits opposant leurs pays satellites. Sans hyper puissance unanimement établie comme gendarme d’un monde unipolaire après la chute du Mur en 1989, la communauté internationale a vu sa structure conglomérale se renforcer via un écheveau d’intérêts de plus en plus divergents entre grandes puissances, malgré le triomphe idéologique d’un néolibéralisme économique lui-même en crise. Crise multidimensionnelle dont les différentes dimensions configurent les aspects saillants du nouveau désordre mondial.

L’asphyxie des peuples par le néolibéralisme, les «bombes démocratiques» occidentales et le droit d’ingérence à géométrie variable.

La dimension économique de celui-ci n’est pas seulement une globalisation financière qui a multiplié et disséminé les risques après avoir promis de les domestiquer, mais aussi une politique d’ajustement structurel qui, après avoir détruit les Etats du Sud et approfondi la pauvreté des populations, se renie actuellement avec une force aussi élevée que celle avec laquelle elle s’imposa au monde pauvre dans les années 1980. Cette dynamique de l’ajustement structurel continue de tuer de nombreux Africains de nos jours car la faiblesse et les retards logistiques qu’accusent de nombreuses armées africaines face aux groupes terroristes ont pour cause les coupes claires imposées depuis trois décennies par les instances financières internationales à leurs dépenses militaires: autant c’est l’affaiblissement des Etats Africains par (dé)tricotage de leurs fonctions régaliennes qui a affaibli leur forces armées, autant c’est la mise à l’écart de cet Etat dans les politiques de développement qui a entraîné une explosion de la pauvreté, terreau fertile du terrorisme international et de l’immigration clandestine.

La dimension politique du nouveau désordre mondial est liée au fait que la démocratie a cessé d’être une rupture sociopolitique de longue période et endogène à un peuple malgré des périodes de reflux des libertés qu’il peut connaître, pour devenir soit, un emballage cadeau du néolibéralisme économique implémenté aux pays du Sud par l’ajustement structurel, soit un régime politique qu’on impose via des tapis de bombes sur les dictatures. En conséquence, l’Afrique a été bien reçu le néolibéralisme économique comme camisole de force mais son emballage démocratique s’est révélé un simple appendice cosmétique dans un continent où les dictatures se sont renforcées en libéralisant le champ économique afin d’avoir pour alliées les institutions financières internationales. De même, l’Irak et la Libye ont bien croupi sous un tapis de bombes des USA et de l’OTAN sans voire poindre la démocratie promise au bout du déluge de feu. Pis, les Etats libyen et Irakien ont rendu l’âme pour laisser la place, non à un Etat démocratique, mais à un Etat islamique, fruit des «bombes démocratiques» des grandes puissances obéissant au droit d’ingérence.

Le renforcement des dictatures africaines par la démocratie balistique de l’ajustement structurel (multipartisme, élections, libéralisation du champ économique) n’est pas étranger au fait que le ventre de la Méditerranée grouille de nos jours des carcasses de milliers de migrants clandestins africains qui ne peuvent profiter des fruits de la croissance de leur continent. Cela pousse à relativiser le discours dithyrambique sur la croissance africaine depuis l’an 2000. Une Afrique en croissance ne signifie pas que les Africains ordinaires en profitent mais que l’Afrique est devenue l’endroit où les multinationales et leurs relais locaux font des profits de plus en plus plantureux. Il en serait autrement que des Africains ordinaires ne monteraient pas dans des cales de bateaux fantômes où ils perdent la vie comme au 15ème siècle pendant le commerce triangulaire.

La dimension géopolitique du nouveau désordre mondial allie à la fois les conséquences d’une politique inconséquente du droit d’ingérence en Libye et en Irak que celles d’une politique de non ingérence en Syrie suite à la neutralisation des grandes puissances aux intérêts divergents dans ce pays. Autant l’ingérence mal pensée et illégale fait de l’Afrique le ventre moue du terrorisme et insécurise aujourd’hui le Sahel, l’Afrique centrale et l’Afrique du Nord via une déstabilisation d’une Lybie désormais aux mains des groupes islamistes qui ravitaillent le reste du continent en armes, autant une non ingérence guidée par la neutralisation entre grandes puissances est responsable de l’hécatombe syrien.

Le moins que l’on puisse dire au regard des millions de morts du terrorisme et de l’immigration clandestine est que ce sont les peuples et les pays pauvres qui supportent le plus grand coût humain du nouveau désordre mondial. Aux milliers d’hommes, de femmes et d’enfants appauvris par les ajustements structurels et les dictatures au Sud, s’ajoutent aujourd’hui des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants persécutés par l’Etat islamique, fille de «la démocratie par les bombes». Ceux des Syriens, des Africains du sud du Sahara et des Libyens qui veulent échapper à ce triste sort prennent la route de l’immigration clandestine vers l’Eldorado Européen. 800 d’entre eux sont morts ce dimanche 19/04/2015, 400 en octobre 2013, 3000 en 2014 et 1650 depuis 2015. La liste risque encore de s’allonger dans une Méditerranée qui devient «le cimetière attitré» du nouveau désordre mondial.

Que peut-on et doit-on faire face à l’humanité en péril?
Une réponse lapidaire serait de demander à ceux qui ont promis la démocratie par les bombes et le développement par l’asphyxie néolibérale des peuples d’assumer les coûts humains de leurs bilans en en supportant la charge d’ajustement humanitaire que cela exige.

Les institutions financières internationales dans le cas de l’ajustement structurel, Bush fils dans le cas de l’Irak, Nicolas Sarkozy, Bernard-Henri Lévy, Barack Obama et l’OTAN dans le cas de la Libye devraient alors trouver des solutions réparatrices au chaos dont ils sont les auteurs. Ce serait une façon de mettre ces acteurs devant leur responsabilité et de l’assumer jusqu’au bout en reconnaissant, non seulement que leur bombes sont moins efficaces que les anciennes dictatures libyenne et irakienne dans la lutte contre les Islamistes, mais aussi dans la lutte contre la pauvreté et l’immigration clandestine. Avant «la démocratie par les bombes » il y avait Saddam Hussein comme rempart contre les islamistes en Irak, aujourd’hui c’est l’Etat islamique qui y règne. Avant «la démocratie par les bombes», il y avait Kadhafi comme interlocuteur de l’Europe dans la lutte contre l’immigration clandestine, actuellement c’est une kyrielle de mouvements djihadistes qui sert de terreau fertile aux passeurs et sans autorité politique suprême et crédible à laquelle s’adresser.

Le renforcement de la surveillance de ses eaux territoriales et la chasse tous azimuts aux passeurs, choix que vient de faire l’UE, revient à s’attaquer aux symptômes alors les structures causales qui expliquent la situation actuelle rentent intactes. En dehors des mesurettes de court terme dont le but est de pallier au plus pressé, les seules issues sont la stabilisation à moyen et long terme de l’Etat Libyen, de l’Etat irakien, de la Syrie et la sortie d’une idéologie néolibérale qui se préoccupe plus de la bonne santé des marchés que du bien-être des hommes. Chantier complexe et titanesque s’il en est car si les bombes détruisent facilement, reconstruire est une uvre plus difficile et il n’est pas certain que le nouveau désordre mondial ne soit pas un ordre qui arrange certains acteurs performants du village global.


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