Langues nationales au Cameroun: petits poèmes en éwôndô et en français

Par Enoh Meyomesse

Si nous ne faisons rien pour lutter contre la disparition accélérée en cours de nos langues nationales, effectivement, le Cameroun sera réellement un pays « bilingue » en 2100. Nous ne parlerons plus que le français et l’anglais, aussi bien dans l’administration que dans nos familles.

Pour le moment, par bonheur, nous demeurons encore un pays non pas « bilingue » ainsi que le clament tels des perroquets, c’est-à-dire sans réfléchir, les gens, mais plutôt « multilingues », car les Camerounais parlent plusieurs langues à la fois. Le plus petit locuteur de notre pays, parle l’anglais ou le français, correctement, et baragouine l’autre, et en même temps une autre langue, celle de la communauté nationale à laquelle il appartient. Parfois, il en rajoute une quatrième qu’il comprend, voire même parle également.

L’unique manière de maintenir en vie les langues héritées de nos ancêtres qui existent encore au Cameroun à ce jour – mais pour combien de temps ? – est de les pratiquer, c’est-à-dire, les écrire, les lire et les parler. Actuellement, nous ne les écrivons presque plus, en conséquence ne les lisons non plus, et les parlons de moins en moins, même dans les cercles familiaux. Et même, pour ceux et celles qui les parlent encore, ils le font en les truffant de mots français ou anglais, dans une bouillabaisse indescriptible. Exemple : « je dis que, tu m’as vu le mbôm là ? Manyaka ! Mbana loba, moi je see seulement o sengi ? » ; Ou bien « ma kad naa, tu ne peux rien, il est trop fort, a ne nnemne ngul, bebelà ». Désastre !!!!!!!

Ce recueil de poésie a été à l’origine composé en langue éwôndô. Par la suite, certains des poèmes qu’il comporte ont été traduits en français. Il s’agit ainsi d’un livre bilingue, éwôndô/français. Le but recherché en le rédigeant, a été de démontrer aux Camerounais qu’il est possible d’écrire de la poésie, et par conséquent de la prose, du théâtre, des essais, etc., dans nos langues nationales.

Yaoundé
Ô toi mon ami
tes pieds as-tu déjà promenés à Yaoundé
dis-le moi
si ton âme n’y a jamais été
que je t’y emmène
tu verras des autos nombreuses
comme des fourmis
elles arrivent de partout
elles repartent de partout
elles sont noires
elles sont blanches
elles sont rutilantes
elles sont déglinguées
elles sont étincelantes
elles sont crasseuses
elles sont magnifiques
elles sont dégueulasses
tu en verras
de toutes sortes
etc.

Ongôl’éwôndô
a môé wama
ye ô kùi ya fôà Ongôl’éwôndô
kad mà
ngë wò bëkig kùi à wôé
më ke ai wo
wo ye yen bemetôa ane sùluk
bànà bà sò à li bànà bà sò à li
bànà bà ke à li bànà bà ke à li
bànà bà vin
bànà bà vié
bànà bà fum
bànà bë ne mimkpwàmàn
bànà bë ne bitùk
bànà bë ne mimfùbàn
bànà bë ne mvid
bànà bë ne menën
bànà bë ne mebòd
bànà bë ne abeñ
bànà bë ne abé
wo ye yën bemetôa
kàn ése
etc.


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Cameroun: le Minresi et la SIL s’unissent pour valoriser les langues nationales

Une convention y relative a été signée entre Madeleine Tchuinté et Bert Visser. Il recommande la mise à jour des centres de formation et l’arrimage des méthodes de travail aux TIC

En vue de valoriser les langues camerounaises, une convention a été signée entre Madeleine Tchuinté et Bert Visser, respectivement ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation (Minresi) et directeur général de la Société internationale de linguistique (SIL), le 13 juillet 2016 à Yaoundé.

«Il a été prouvé que les enfants qui maîtrisent leur langue vernaculaire réussissent à l’école. Avec la nouvelle donne de la formation au Cameroun, les pouvoirs publics voudraient que chaque enfant puisse s’exprimer dans sa langue maternelle, en français et en anglais. Et progressivement notre pays va devenir trilingue», a exprimé Madeleine Tchuinté, pour justifier le bien-fondé de la convention de coopération scientifique et technique Minresi/SIL, signée dans la capitale camerounaise.

Et M. Visser d’ajouter : «Il est essentiel que nous nous engagions à construire ensemble l’avenir de nos politiques linguistique et culturelle sur un pilier stable, à savoir la recherche scientifique».
Sur le terrain, depuis son déploiement au Cameroun en 1969, la SIL s’évertue à la traduction des textes et la production des livrets destinés à l’amélioration de la production agricole, la santé et bien d’autres secteurs.

Dans un contexte de matérialisation de la décentralisation au Cameroun, la convention de mercredi, selon le Dg de la SIL, préconise «la mise à jour des centres de formation et l’arrimage des méthodes de travail aux TIC».

Selon les représentants des deux structures, le pacte de collaboration paraphé matérialise la solidarité entre deux structures dont les liens de partenariat datent d’au moins 40 ans, partageant le même idéal dans la recherche scientifique pour le développement du Cameroun.

Pour mémoire, la SIL est une ONG internationale qui travaille avec les communautés linguistiques dont la langue n’est pas écrite, afin de développer une orthographe ou un alphabet, une charte de phonologique, une charte grammaticale, une analyse du discours et un dictionnaire.

Depuis son installation au Cameroun, cette structure a aidé plus de 125 communautés linguistiques à développer leurs langues. Elle a produit et publié un millier de publications dans les langues camerounaises, 300 thèmes de recherches scientifiques menés et publiés, ainsi que plusieurs mémoires et thèses publiés. Elle a aussi contribué à la traduction de 36 nouveaux testaments en langues camerounaises. Des centaines de milliers de Camerounais sont alphabétisés en langues maternelles.


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