Hommage à Anne-Marie Nzié, avec la contribution des artistes de la diaspora

Par François Zoomevele Effa

Elle a tiré sa révérence le 24 mai dernier, et, bien qu’elle soit partie pour le pays du grand repos, Anne Marie Nzié est plus que jamais entrée pour très longtemps dans les mémoires, les références et le patrimoine de la culture camerounaise, africaine, et bien au-delà.
La « voix d’or » du Cameroun, la « diva, la reine-mère du Bikutsi » laisse tant de souvenirs, de mélodies, de points de repère, qu’on a l’impression que parler d’elle au passé est presque un délit, et c’est avec beaucoup d’émotion qu’un certain nombre d’artistes que nous avons rencontrés évoquent son souvenir.

Pour le journaliste que je suis, je n’ai pas eu ce privilège de l’interviewer ni à la radio, ni pour les journaux. Cependant, je l’ai rencontrée plus d’une fois. Il faut dire que je suis né dans son village, à Bibia, près de Lolodorf, et que, des années plus tard, j’étais professeur de lettres au Collège Protestant de ce village qui est une ancienne station missionnaire. Je dirigeais les chorales du collège et de la paroisse. J’avais comme choriste, dans la chorale paroissiale, Cromwel Nzié, le frère d’Anne-Marie, qui fut, lui aussi, un brillant et talentueux artiste ; puis, un samedi soir, pendant une séance de répétition, Anne-Marie Nzié, qui était de passage dans son village, est venue se joindre à la chorale, et nous avons répété ensemble. Hélas, elle n’était plus là le lendemain quand nous avons chanté à l’église. Mais quelle voix ! Et quel honneur pour moi !

Des artistes et des personnalités que nous avons rencontrés évoquent des souvenirs, disent leurs pensées.

Koko Ateba : Merci de me donner l’occasion de parler de mon icône, Anne-Marie Nzié. Je suis née à Abangok-Zoétélé et j’ai été élevée par ma grand-mère et mes oncles qui étaient tous musiciens. Je passais beaucoup de temps avec eux dans leurs champs, grimpant aux arbres en écoutant leurs histoires. Puis un jour, vers l’âge de cinq ans, je leur ai annoncé le plus sérieusement du monde que je serais comme Anne Marie Nzié quand je serais grande. En effet, l’artiste était déjà une légende à l’époque, et mes oncles en parlaient avec vénération, disant qu’elle jouait de la guitare comme un homme, chose totalement incroyable pour une femme. Ils disaient aussi qu’elle avait une voix tellement belle qu’elle en était surnaturelle, qu’elle avait un fétiche dans la voix, qu’on lui avait tatoué mystiquement ce fétiche dans la gorge. Plus tard, j’ai tout fait pour apprendre à jouer de la guitare, mais aussi pour percer le secret de cette voix impressionnante.

Je suis arrivée à Yaoundé à l’âge de dix-huit ans, et j’ai pu enfin l’approcher. Elle officiait à l’orchestre national et moi, j’observais le moindre de ses gestes, la moindre de ses attitudes… Puis, un jour, j’ai vu qu’à chaque fois qu’on lui demandait ce qu’elle voulait boire, elle répondait : « 33 Export non glacée, ma fille ». Et voilà comment je me suis mise à boire des bières, en croyant sincèrement que c’était là le secret de sa voix magique. Il n’y avait pas encore la télé, et nous nous faisions chacun une image très bizarre des artistes qu’on entendait à la radio. Beaucoup d’histoires circulaient sur elle, par exemple qu’elle était une mami water (une sirène) et qu’elle avait un fétiche pour envoûter les gens avec sa voix. Mais pour moi, elle a toujours été une maman, et je ne l’ai jamais vue autrement. D’ailleurs, elle était née la même année que ma mère, en 1932. Elle était discrète mais elle suivait nos carrières et nos progrès.

La dernière fois qu’on s’est vues, c’était lors du cinquantenaire de l’Indépendance, à Yaoundé, en 2010. Je suis allée la saluer dans les coulisses. Elle était entourée de toutes les artistes féminines que je connais : Marthe Zambo, Annie Anzouer, etc. On a beaucoup ri et blagué, et elle a trouvé le moyen de me dire (en citant ma chanson JE SUIS BIEN ICI) : « Ma fille revient au pays, on est bien ici ». « Le président Biya a pris les choses en main, l’artiste ne souffre plus, j’ai ma maison et je suis tranquille. » Elle a rajouté : « Je sais ce que tu as subi, mais, s’il te plaît, ne te fâche plus, reviens chez toi. » Puis elle a entonné ma chanson TAXI en poussant bien la voix. On a tous repris en ch ur ; mais pour moi, ce moment-là est si précieux – la consécration -, et j’ai tellement aimé ça, et je me suis dit : « Ah, elle te connaît, elle connaît tes chansons ! Waoh ! J’étais si fière ! »

Anne-Marie Nzié, de son vivant!
Droits réservés)/n

Liliane Ndjocky : Je suis une jeune comédienne camerounaise et, pour moi, Anne-Marie Nzié, notre icône de la chanson camerounaise et africaine, a démontré au fil de ses longues années de travail artistique qu’elle avait conservé toute son énergie, sa fougue, son audace et sa très belle voix. Elle m’aide à me remplir de détermination et d’optimisme. Quand je contemple ses cinquante-cinq ans de carrière, cette diva, cette voix d’or du Cameroun, aussi bien connue dans les bars, les boîtes de nuit, les quartiers populaires que dans les meetings politiques, je ne peux que l’admirer. Sa collaboration en 1958 avec Gilbert Becaud, quand elle obtint un contrat qui lui permit de se produire à l’Olympia, sa chanson LIBERTE, en 1984, qui est devenue un hymne du peuple noir, sans oublier qu’elle a été faite chevalier de la Légion d’honneur par le gouvernement français, je dis tout simplement « chapeau ! ». Elle est pour la jeunesse une source d’inspiration, de bravoure, d’engagement et de détermination.

Koko Ateba.
Droits réservés)/n

Letis Diva : Pour moi, c’est la maman de la musique camerounaise. Ce fut une chanteuse étonnante, une vraie nature au regard pétillant jusqu’à sa fin. C’est une figure emblématique de notre monde culturel, un bel exemple de rassemblement, car notre voix d’or, qui nous laisse sans voix, me donne le courage de continuer à travailler dur afin de redorer cet héritage qu’elle nous a légué. Quand je pense qu’elle a commencé à jouer de la guitare en 1954, que sa superbe voix et sa personnalité hors norme lui ont conféré une célébrité internationale, passant du Festival panafricain d’Alger en 1969 au Festac de Lagos en 1977…, elle mérite vraiment son pseudonyme de reine-mère du Bikutsi.

Liliane Ndjocky.
Droits réservés)/n

Reine-Marie de Paris : C’est grâce à elle que je suis devenue l’artiste que je suis aujourd’hui. S’il est vrai que je chante depuis ma tendre enfance, il faut dire aussi que mon village, Bikoka, est voisin du sien, Bibia. Vous comprendrez que j’ai été élevée dans ses chansons. Elle parle la langue de ma mère, le Ngoumba. C’est lors d’une séance de dédicace de l’artiste Donny Elwood à Douala qu’on s’est rencontrées. Elle m’avait repérée dans la salle et m’a fait venir auprès d’elle (elle connaissait mon père). Elle m’a parlé de mon papa, mais surtout elle m’a dit que je devais prendre sa relève. Je lui ai répondu que c’était trop lourd pour moi, mais elle m’a rassurée, me disant de ne pas m’inquiéter car elle allait me former. Ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça pour ma carrière, toujours est-il que je ne me sentais pas capable de relever un tel défi. C’est en arrivant en France que cela s’est réalisé. Je ne prétends pas prendre sa relève, mais j’en suis à mon deuxième album, et elle est une de mes grandes sources d’inspiration. Chaque fois que je rentrais au Cameroun, je me disais que j’irais la voir pour lui dire merci. Mais, hélas, je n’ai pas pu le faire. Elle est partie, laissant plein d’orphelins spirituels. Je lui dis : « Maman, nous t’aimerons toujours. Que la terre de nos ancêtres te soit légère ! ».

Letis Diva.
Droits réservés)/n
Reine-Marie de Paris.
Droits réservés)/n

Paul Biya pleure Mohamed Ali et oublie toujours Anne-Marie Nzié

Par Abdelaziz Mounde

« Monsieur le Président, j’ai appris avec émotion, le décès de Monsieur Mohammed Ali, ex-champion de Boxe, survenu à Phoenix des suites de maladie. Je salue la mémoire de cette légende du noble art qui aura su marquer son époque par son style.

En cette douloureuse circonstance, je tiens à vous adresser, ainsi qu’à la famille de Monsieur Mohammed Ali endeuillée, mes sincères condoléances.

Veuillez agréer Monsieur le Président, l’assurance renouvelée de ma très haute considération », a écrit le président Paul Biya à son homologue américain Barack Obama.

Quel que soit le respect, l’importance et la dimension de personnalités de la trempe du grand Mohamed Ali, à qui nous avons tous rendu hommage, le devoir d’un chef d’État est d’abord de balayer devant sa porte, s’occuper de la mémoire des grandes figures de son pays.

Il est trop facile de surfer sur une notoriété évidente. Et à ce sujet, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Le président Kabila à qui Paul Biya a adressé des condoléances au sujet de Papa Wemba a accueilli sa dépouille au Palais du Peuple. Et nous ?

Sur le même sujet : Quelqu’un peut-il souffler au couple Biya que Anne-Marie Nzié est morte?


Droits réservés)/n

Le peuple camerounais doit organiser des funérailles patriotiques à Anne-Marie Nzié

Par Vincent-Sosthène Fouda, Président du Mouvement camerounais pour la social-démocratie (M.C.P.S.D)

Anne-Marie Nzié est décédée après une longue vie sur terre, 84 ans ! Elle a consacré plus de 70 ans de sa vie à la musique, dans les naissances, les mariages, les veillées, en temps de pluie et en temps de soleil. Oui nous pouvons nous demander à quoi sert la musique ? Elle ne sert à rien aurait répondu René Char mais elle nous permet de vivre. Elle est l’aliment de l’amour voilà pourquoi dans une même maison parents grands parents et enfants fredonnent « Sarah ».

Anne-Marie Nzié en chantant l’amour a donc traversé les générations, réconcilié les parents et les enfants dans une génération pas très lointaine où parents et enfants ne parlaient pas de « cette chose-là » qu’est l’amour. Elle a animé les veillées de jeunes filles de nos mères, elle a adulé la virilité de nos pères, elle a su mieux que quiconque nous pousser vers le beau dans nos ténèbres, ne l’oublions point il n’y a qu’une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté et Anne Marie Nzié nous a aidés à la trouver.

C’est au peuple aujourd’hui de faire rayonner cette beauté en l’accompagnant à sa dernière demeure de colombes, elle qui a su chanter « la liberté » qu’y a-t-il de plus libre qu’une colombe qui est esprit et corps ? Anne-Marie Nzié qui fut « un sage de tête et de corps » mérite de notre part des funérailles patriotiques. Y-a-t-il plus patriote que le peuple ? Tout le peuple, nous le peuple, ce peuple de gueux, le peuple de peu, le peuple de rien, le peuple de chien, le peuple de maigres, le peuple de cette odeur blême je veux dire nous. En effet les politiques organisent des funérailles nationales et ou officielles pour les leurs, et nous que faisons-nous ?

Nous devons apprendre à suivre dignement le cercueil des nôtres, depuis la morgue jusqu’à la maison, de la maison à l’Eglise ou à la Mosquée, puis au cimetière pour porter et manifester notre douleur et souligner notre reconnaissance à ceux et celles qui nous quittent. C’est humain la reconnaissance. Ce n’est pas à un autre de le faire, ce n’est pas à l’Etat de nous donner « un morceau de ciel », c’est à nous de le cueillir et de l’offrir car il est à là, il suffit de lever la main pour l’atteindre. Ensemble avec la pluie, l’air froid, le ciel sombre, unissons-nous à cette nature pour dire à Anne-Marie Nzié que quand nous serons tous morts, la musique, les poèmes, sa voix resteront pour témoigner de ce qu’était le monde, de ce qu’était le Cameroun, le Cameroun visible et invisible.

Je vous appelle à cet acte citoyen, républicain et patriotique, c’est ce que nous partageons ensemble.

Vincent-Sosthène Fouda.
Droits réservés)/n

Quelqu’un peut-il souffler au couple Biya que Anne-Marie Nzié est morte?

Par Abdelaziz Mounde

Ni message de condoléances du président, de son épouse, ni communiqué officiel sur le site de la Présidence comme on le voit ailleurs en Afrique. To lambo, zéro !

A quoi a-t-il servi à notre virtuose nationale d’être la mascotte de l’homme du Renouveau ? Le Cameroun doit sortir de cette instrumentalisation et de ce mépris des artistes.

Et pourtant ! Juin 2011, la présidentielle se profile à l’horizon. Charters d’artistes et collectifs de soutien sont de mise. Le reporter de Cameroon Tribune, Jean Francis Belibi, envoyé spécial à Meyomessala, l’arrondissement de naissance du chef de l’Etat, rend compte de la  » ferveur » des artistes autour des appels à la candidature de l’homme du 06 novembre :  » Après la standing ovation, raconte-t-il, qu’elle a suscitée en l’honneur de la doyenne Anne Marie Nzié mardi au Centre commercial dans le cadre de leur appel à la candidature du président Paul Biya pour la prochaine élection présidentielle, la première dame n’a eu de cesse d’encourager tous les artistes qui se sont par la suite succédé sur l’immense podium monté pour la circonstance. De K-Tino à François Nkotti qui a fait vibrer l’assistance sur un air de Black Styl, en passant par Majoie. Ayi, Beko Sadey ou encore Guy Watson l’auteur de « Mignoncité » « .

Voix d’or ou de diamant au sens de Manu Dibango, Anne-Marie Nzié, figure immense, reconnue et pionnière de la musique camerounaise et africaine moderne, guest star de cet évènement d’alors, ponctuation du folklore politique du landerneau Rdpc, n’a jamais dissimulé son soutien au président. Faut-il se souvenir du cinglant camouflet adressé aux militants de l’opposition en 1990, quand ceux-ci avaient choisi sa chanson épique  » Liberté  » comme hymne lors de leurs manifestations ?  » Je tiens à dire que je l’ai faite pour Paul Biya « , avait-elle vertement répliqué sur les ondes de la radio et les antennes de la Crtv.

Malgré ce coup de bambou et le froid jeté dans l’opinion, l’aura de la diva et l’affection qu’on lui porte n’ont pas terni. Son oeuvre d’exception, sa place dans l’imaginaire collectif et un attachement à sa personne ont eu raison des polémiques et ranc urs.

En 2008, une cérémonie d’hommage a été organisée en son honneur en présence de membres de premier rang du Gouvernement. Elle n’avait toutefois de cesse de réclamer un statut officiel, des moyens et une reconnaissance plus explicite. L’un des gestes attendus étant celui du chef de l’Etat pour lequel, comme dit le sens populaire, elle s’est  » mouillée « .

Deux jours, après le décès de l’illustre icone Papa Wemba, face aux interpellations et à l’élan international suscité par son départ, Paul Biya a adressé une lettre de condoléances à son homologue congolais, terre de naissance de la star de la rumba. Joseph Kabila, dans une démarche exemplaire, a alors organisé avec un rare engagement trois journées de deuil national, saluées de toute la planète en son honneur.

Au pays des ancêtres d’Anne-Marie Nzié, tout cela ressemble à un impossible miracle. Jusqu’ici, aucune figure de notre culture et de notre musique n’a bénéficié d’un tel hommage et à minima d’un simple message de condoléances du chef de l’Etat lu sur les antennes ou disponible sur le site officiel de la Présidence.

Ni Francis Bebey, chantre des musiques du monde et de la valorisation du patrimoine musical camerounais et africain, ni Epeme Theodore Zanzibar, leader des Têtes Brulées, ce groupe qui a internationalisé le bikutsi, ni Jean Bikoko Aladin père de l’Assiko, ni Gedeon Mpando, sculpteur et concepteur du monument de la réunification, ni Bebe Manga, ni Nelle Eyoum, père du makossa, ce rythme qui a conquis la planète, ni Mongo Beti et les grands écrivains partis vers les Cieux, Eboa Lotin, ni personne n’ont eu la grâce de ces choses simples qui renseignent et témoignent de la place et du rôle de la culture dans une société.

Je sais et j’espère qu’à Genève, devenue seconde capitale du Cameroun, où Anne-Marie Nzié donna un concert en mars 1959 aux côtés de Gilbert Bécaud, l’écho de cette éternelle supplique parviendra au couple Biya. Changeons nos disques rayés

Anne-Marie-Nzié avec Paul (à côté) et Chantal (derrière) Biya.
Droits réservés)/n

La France rend hommage à l’artiste camerounaise Anne-Marie Nzié

Le ministère français des Affaires étrangères a salué jeudi la mémoire de «la voix d’or du Cameroun», décédée mardi à l’hôpital central de Yaoundé des suites de maladie

Le ministère français des Affaires étrangères a salué jeudi, 26 mai 2016, la mémoire de l’artiste camerounaise, Anne-Marie Nzié, décédée dans la nuit du 24 au 25 mai à l’hôpital central de Yaoundé des suites d’une maladie.

« Au fil de sa carrière jalonnée de collaboration avec des figures de la chanson française, la voix d’or du Cameroun a célébré la culture de son pays et fait rayonner la Francophonie. Elle laisse à ses admirateurs dans le monde entier un patrimoine musical riche et fécond », a indiqué un communiqué du Quai d’Orsay rendu public jeudi.

Anne-Marie Nzié, née en 1932 au sud du Cameroun et surnommée « la voix d’or du Cameroun », est considérée comme la « reine mère » du bikutsi et a collaboré avec des grands chanteurs français tels que Tino Rossi ou Gilbert Bécaud.

Avec une carrière qui s’étalait sur plus d’une cinquantaine d’années, elle a sillonné aussi bien le continent africain que l’Europe où ses titres comme « Mabanze », « Beza Ba Dzo » ou « Sarah », ont connu un énorme succès.

Elevée à la dignité de Chevalier de la Légion d’honneur par le gouvernement français, devenant ainsi le deuxième artiste camerounais à être ainsi honoré après Manu Dibango, Anne-Marie Nzié a eu un hommage en 2008 du gouvernement camerounais

Anne-Marie Nzié décède à 84 ans.
Droits réservés)/n

Nécrologie: la chanteuse camerounaise Anne-Marie Nzié est décédée

L’auteure du célèbre titre à succès « Liberté » a rendu l’âme dans la nuit du mardi 24 mai 2016 à l’hôpital central de Yaoundé des suites de maladie. Elle était âgée de 84 ans

Cette fois-ci, Anne-Marie Nzié est vraiment décédée. Annoncée morte, par certains médias locaux, lundi 09 mai 2016, alors qu’elle était internée à l’hôpital central de Yaoundé, c’est finalement mardi 24 mai de la même année que la voix d’or du Cameroun a rendu l’âme. Agée de 84 ans, l’artiste camerounaise s’est éteinte des suites de maladie.

Depuis plus de deux semaines, l’auteure du célèbre titre à succès « Liberté » se trouvait dans un état critique. Anne-Marie Nzié était alors admise à l’hôpital central, pour la deuxième fois en l’espace de six mois. En soins intensifs, les médecins ont tout fait pour améliorer son état de santé, en vain.

Talent et persévérance
Anne Marie Nzié meurt donc comme elle a forgé sa renommée, au bout de l’effort.

Dans les années 30 et 40, à Bibia (Sud-Cameroun) la jeune Anne Marie, qui n’est encore qu’une enfant, chante dans la chorale de l’église de son village, dont son père – Simon-Pierre Nzié Nzouma – est pasteur.

Un jour, alors qu’elle est en train de cueillir un fruit sur un arbre, elle tombe d’une branche à moitié rongée par les vers. Cette chute lui causera de longues souffrances, l’amenant à passer une grande partie de son adolescence dans un lit d’hôpital et à abandonner l’école.

L’émergence de l’artiste viendra par une initiative de son frère aîné, Cromwell Nzié, guitariste et chanteur de talent, qui l’initie à la guitare hawaïenne. Avec ce dernier elle fera de nombreuses compositions.

Son premier disque, « Mabanze », un 45-tours, sortira en 1954.

Le 1er janvier 1960, à l’accession du Cameroun à l’indépendance, elle se produira au palais présidentiel, sur un plateau comprenant de grandes pointures comme Ebanda Manfred et Nelle Eyoum, précurseurs du makossa moderne; mais aussi Manu Dibango et Jean Bikoko Aladin, le roi de l’assiko.

Sa carrière internationale décolle en 1968 à Paris, où elle enregistre avec Gilbert Bécaud et signe un contrat avec la maison de disques Pathé Marconi. La chanteuse s’est produite sur les plus prestigieuses scènes d’Afrique: à Libreville, au Festival d’Alger de culture pan africaine (1969), à la Semaine de la culture camerounaise de Dakar (1975), au Lago Festac (1977).

En 1979, elle est nominée pour enseigner le chant à L’Orchestre national du Cameroun, cadre où elle a partagé des décennies son expérience avec de plus jeunes artistes.

Le succès de l’album Liberté, enregistré en 1984, viendra relancer une carrière devenue timide après quelques années à l’ombre.

En 1998, le label français Bleu indigo produit l’album «Be za ba dzo », marquant encore ainsi la présence de « la voix d’or du Cameroun » sur le marché discographique.

La reconnaissance de la République
En 2008, pour ses 60 ans de carrière musicale, un hommage national décidé par le président de la République lui avait été rendu, dans le cadre d’une série de manifestations étalées sur une semaine entière. Les fans, officiels et le grand public de manière générale avaient assité à un concert et une exposition de photos sous l’égide du ministère de la Culture.

On sait par ailleurs que les autorités camerounaises lui ont offert, au courant des années 2000, un domicile à Yaoundé, ainsi qu’un véhicule. Depuis, elle est restée très proche du couple présidentiel.

On se rappelle qu’en juin 2011, elle avait assisté, avec plusieurs artistes réunis à Mvomeka’a, village natal du chef d’Etat camerounais, au lancement d’un appel à la candidature du président Paul Biya pour l’élection présidentielle, organisée au mois d’octobre de la même année. Remportée naturellement par ce dernier.

Sans enfant, Anne Marie Nzié appelait affectueusement tout le monde « mon fils », « ma fille ». En 2009, elle avait vécu la mort de Pascal Onana, celui qui fut son guitariste pendant 30 ans, comme une immense perte. « Il m’accompagnait très bien, il connaissait son travail. Je me demande si j’aurai un autre soliste comme lu », se lamentait-elle à cette époque.

Elle quitte la scène à son tour, en laissant derrière plus d’un demi-siècle de carrière musicale et des titres à succès parmi lesquels: Liberté, Mabanze, Malunda, ô pédale des anciens, Béza ba dzo, Ma lundi, Ma ba nze, Sarah et Mbamba nlem.

L’artiste aux plus de 80 printemps était, avec Manu Dibango (83 ans), l’un des dinosaures de la musique camerounaise encore en activité.

Anne-Marie Nzié de son vivant.
Droits réservés)/n