Theodore Kommegne: «La drogue est à la portée de tout le monde à Douala»

Psychologue clinicien, spécialiste de la psychopathologie, il opine sur la recrudescence de la drogue dans les établissements scolaires

Cinq élèves du lycée Joss ont été exclus et arrêtés par la gendarmerie pour consommation des stupéfiants. Comment avez-vous réagi après avoir écouté le proviseur?
Je n’ai pas été surpris que cela se produise. J’étais navré, parce que le proviseur de l’établissement a été plutôt scandalisé. J’ai écouté son intervention à la télé et moi j’ai eu l’impression qu’il était dans les nuages. Le phénomène n’est pas nouveau. La drogue dans les établissements scolaires, c’est un phénomène très connu et sur lequel nous avons travaillé entre 2008 et 2009. Je doute fort que l’exclusion des enfants soit la meilleure solution.

D’après vous, c’est quoi la bonne solution ?
Il faut d’abord comprendre pourquoi on est arrivé là et s’y prendre au cas par cas, comprendre ce que la dépendance représente. Pourquoi les enfants consomment ? Et mettre sur pied les stratégies de lutte.

Est-ce que le lycée Joss est le seul établissement concerné?
Mais non ! A mon avis le lycée Joss n’est pas la cible. Il y a beaucoup d’autres établissements où la drogue est très consommée, très utilisée. D’ailleurs tous les établissements de Douala sont concernés.

Dans votre étude vous mentionnez quand même quelques établissements, comme le lycée de Deido.
Autour de ce lycée, se trouve un foyer. Autour du château d’eau notamment et les autorités le connaissent. De nombreux élèves venant de plusieurs établissements s’y retrouvent généralement entre 11, 12, voire 13 heures pour se pinter publiquement. Ce n’est pas quelque chose de spécifique à l’établissement scolaire, mais c’est un espace très indiqué.

Quels sont les endroits de la ville où on retrouve le plus les consommateurs de ces substances?
Dans tous les quartiers de Douala on consomme la drogue. Je travaille beaucoup avec les enfants de la rue et je sais où ils prennent la drogue. L’identité des enfants de la rue c’est la drogue. Tous les quartiers de Douala abritent de petits espaces où on peut passer le cannabis. De manière un peu exclusive, quand on veut parler de cocaïne, on ira à Akwa, au stade Mbappe Lepe, ou au quartier Makea. Les autres ont les drogues qu’on retrouve partout, le cannabis qu’on appelle chanvre indien notamment.

Y a-t-il un moment particulier de la journée où la consommation est forte?
Pas du tout. Quand un individu est déjà dépendant, il la prend à tout moment. Il y a d’ailleurs le filon du lever. C’est-à-dire quand quelqu’un se lève de son lit, il faut déjà qu’il prenne sa drogue. Il se retrouve dans une souffrance physique si jamais il s’en passe de son filon. Au contraire, ceux qui ne sont pas dans cette situation de dépendance et qui prennent la drogue pour éprouver quelque chose de particulier, ne consomment pas à tout moment. Il y en a ceux qui vont consommer avant d’aller affronter une épreuve de maths, ceux qui vont consommer après avoir reçu une copie avec une note blessante pour eux. Il y a pas une heure indiquée sauf si l’on est dans une situation de dépendance.

D’après vous pourquoi les élèves consomment la drogue?
Avant de passer aux élèves, pourquoi consomme-on la drogue de manière générale ? Je l’ai toujours dit dans d’autres espaces, la drogue c’est quelque chose qui va avec la vie. Tout le monde en a besoin. Même les animaux, les insectes. Il y a les études qui le démontrent. La drogue permet de ne pas souffrir. Les élèves aussi pour de nombreuses raisons peuvent se retrouver dans la même famille. Mais, comme je l’ai dit dans mon étude de 2008, la raison première c’est la découverte. C’est-à-dire que c’est par enseignement que beaucoup s’initient à la drogue. Il y a beaucoup de cas d’enfants qui se sentent abandonnés, qui consomment la drogue pour se soulager. D’autres, c’est par curiosité. Dans la plupart des cas, ce sont les adolescents. Quand on est adolescent, on croit qu’on est tout permis, qu’on est immortel. On a envie de franchir toute barrière qu’on a devant soi. Si on arrive à consommer la drogue, cela veut dire qu’on est suffisamment fort. L’enfant a besoin d’expérimenter les nouvelles choses lors de son adolescence. Mais, il ne faut pas oublier une nouvelle dimension. L’enfant qui est rejeté à la maison aura tendance à consommer la drogue. Dans l’ensemble, beaucoup d’enfants qui consomment la drogue sont issus des familles aisées. Ils ont la capacité d’acheter la drogue et d’entrainer les autres avec eux, d’être passeurs. Parce que la drogue rapporte de l’argent.

Theodore Kommegne, psychologue clinicien, spécialiste de la psychopathologie
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Quels sont les types de drogues consommés?
C’est en fonction des milieux. Il y a les drogues licites et illicites. Les drogues licites, c’est l’alcool et le tabac. A côté de cela il y a des médicaments qui ne devraient pas être utilisés n’importe comment. Les antidépresseurs par exemple. Les enfants les utilisent pour autre chose, comme pour améliorer une performance sexuelle. Dans le registre des substances illicites, il y a le cannabis qui est la drogue la plus utilisée du monde, la cocaïne qu’on appelle le gué dans ce milieu ou le caillou, la paille, quand on fait un mélange de cocaïne et de chanvre indien. L’héroïne n’est pas encore trop consommée.

Vous avez une idée des différents prix?
Ce n’est plus très couteux. Autrefois, c’était cher, le chanvre indien en l’occurrence, mais maintenant, avec 100 F, vous avez une drogue pour deux ou trois personnes. Pour que qui est du caillou, avant une dose coutait entre 2500 et 3000 FCFA. Or, actuellement, avec 1500 FCFA, vous avez une dose. Ce qui est inquiétant. Cela veut dire que la drogue est à la portée de tout le monde.

D’où viennent-elles?
Parlant des drogues illicites, il y a celles qui sont produites au Cameroun et d’autres importées. Parlant de celles produites au Cameroun, il y a le cannabis. La cocaïne est importée, ainsi que les mixtures.

Que peuvent faire les proviseurs pour combattre ce fléau?
Il ne faut pas restreindre le problème au niveau des établissements scolaires. Ces enfants vont seulement là-bas. Ils viennent généralement des maisons, avec des trains de vie qui les amènent à consommer la drogue. Il ne faut pas aller agir en aval, mais en amont. Il faut travailler avec les parents d’élèves et les associations des parents d’élèves pour que le phénomène soit contenu. Il faut le contenir. Comment le contenir ? Je crois que l’Etat doit reprendre le bâton. L’une des raisons aussi de la prolifération, c’est qu’on est dans une situation de libertinage. On fait tout ce qu’on veut au Cameroun. Prenons le cas des débits de boisson. La réglementation parle d’un écart de 300 mètres au moins entre deux débits de boisson à vol d’oiseau. Or ce n’est pas le cas. Car, dans un même immeuble on a deux à trois débits de boisson. Parce que les drogues sont à portée de main, on en consomme. Il faut travailler davantage sur la répression. Il faut tout faire pour qu’il n’en ait pas assez pour tout le monde. Après cette étape préventive, il faut rentrer au niveau des familles. Que celles-ci comprennent que s’il y a proximité avec leurs enfants, l’éventualité que les enfants prennent la drogue pour penser leurs blessures est minime. Maintenant, si l’enfant en consomme déjà, il faut agir. S’il est dans une dépendance, il faut le prendre en consultation. Il doit arrêter. Il lui faut le sevrage. Car, il est dans la souffrance et il faut l’aider. Pour l’enfant qui consomme seulement par découverte, il faut la sensibilisation. Il faut lui dire que la drogue lui pourrit la vie. Il n’y aucune performance qu’on peut réaliser en consommant la drogue. Si les enfants le savent, ils ne vont pas s’y maintenir. Il y a certains qui vont découvrir et ne vont pas se maintenir. Je pense à mon avis que c’est l’Etat qui peut changer la donne. En faisant par exemple que les mineurs n’aient plus accès au tabac et à l’alcool. Comme cela se passe dans d’autres pays. Cela peut changer beaucoup de choses.

Quels sont les dangers auxquels les consommateurs s’exposent?
C’est à tous les niveaux. Danger sur l’individu et sur l’environnement. Chez l’individu, on remarque que beaucoup d’enfants qui consomment le cannabis développent la vulnérabilité. Ce sont les enfants qui vont développer les pathologies telles que les infections pulmonaires, entre autres, en raison des substances consommées. A coté de cela, il y a une autre dimension au niveau de son intelligence. Cet enfant croit que lorsqu’il a fini son devoir de philo il est intelligent. Sauf que c’est une illusion. Il y en a ceux des enfants qui développent même les maladies mentales. Il y a aussi le côté social. Quand quelqu’un consomme la drogue, il est marginal. La drogue aide à la marginalisation, à l’exclusion sociale. C’est une dimension à ne pas négliger. Egalement ceux qui consomment la drogue ont les ennuis avec la justice. Ils peuvent du fait de la violence produite se retrouver en prison. Au Cameroun la drogue illicite est réprimée.

Theodore Kommegne: «Ce qui est inquiétant, c’est que la drogue est à la portée de tout le monde à Douala»

Lutte contre les stupéfiants: Du cannabis saisi à Ngaoundéré

C’est à Mbargué dans la région de l’Est que provenait l’importante quantité de chanvre indien récemment saisie.

C’est en effet le mercredi 8 juin dernier que le nommé Adamou, après avoir reçu une somme de 100.000 francs en guise de motivation de la part de son mentor, un certain Bachirou basé à Maroua dans la région de l’Extrême- Nord, est allé pour la deuxième fois consécutive récupérer sa marchandise constituée d’un important lot de chanvre indien encore appelé cannabis, au lieu dit « Tête d’éléphant » sur le tronçon du chemin de fer situé entre les villages de Goyoum et de Ngaoundal.

Bourré dans des sacs de ciment CPJ 35 fortement scotchés et donnant l’apparence des sacs de ciment ordinaires, ce colis estimé à plusieurs centaines de mille de nos francs a été transporté par chemin de fer vers la gare de Bawa, non loin de Ngaoundéré. A partir de ce lieu, la marchandise est transportée par moto jusqu’à Ngaoundéré avant de prendre la direction des régions du Nord puis de l’Extrême-Nord. Le manège a été découvert grâce à la collaboration du comité de vigilance de cette localité et signalé aux éléments de la compagnie de gendarmerie de Ngaoundéré. Pour débusquer ce réseau de trafiquants de cannabis, le capitaine Joseph Désiré Nguélé de la compagnie de gendarmerie de Ngaoundéré a posté ses éléments en embuscade. Ceux-ci ont ainsi pu interpeller le sieur Adamou et son complice qui a immédiatement pris la poudre d’escampette. Vous savez, du cannabis qui dégage une mauvaise odeur. Les individus qui nous ont informé l’ont senti, car ils ne comprenaient pas comment des sacs de ciment peuvent quitter de la brousse pour la ville. Ça devrait plutôt être le contraire. Les individus qui ont vu cela ont trouvé que c’était un peu extraordinaire et ont jugé bon de nous informer. Nous nous avons tendu une embuscade, ce qui a conduit à l’arrestation de cet individu avec son butin, a raconté le capitaine Joseph Désiré Nguélé. On ne le dira jamais assez, l’opération a réussi grâce à la collaboration des populations. A l’heure qu’il est, Adamou médite son sort dans une cellule en attendant sa comparution devant le tribunal pour répondre de ses actes.

Du cannabis a été saisi à Ngaoundéré en provenance de Mbargué dans la région de l’Est
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